CA Colmar, ch. corr., 12 septembre 1997, n° 09601055
COLMAR
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Krieger-Bour
Conseillers :
MM. Cuenot, Adam
Avocats :
Mes Alexandre, Brun.
Vu le jugement rendu le 31 octobre 1996 par le Tribunal correctionnel de Strasbourg qui, statuant sur des poursuites contre Marcel X pour publicité mensongère par annonce de faux rabais, faits commis à Strasbourg de juin à décembre 1995, prévus et réprimés par les articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-6 et L. 213-1 du Code de la consommation, l'a renvoyé des fins de la poursuite et déclaré irrecevables en conséquence les actions civiles de la Fédération Française de la Distribution en Parfumerie, la Chambre Syndicale des Parfumeurs Détaillants de l'Est, Mme Michèle Flecher et l'Union Féminine Civique et Sociale ;
Vu les appels, réguliers et recevables, interjetés contre ce jugement le 6 novembre 1996 par la Fédération Française de la Distribution en Parfumerie, la Chambre Syndicale des Parfumeurs Détaillants de l'Est et Mme Michèle Flecher, et le 12 novembre 1996 par le Ministère public ;
LA COUR,
Attendu que la cour, saisie de l'appel des trois parties civiles et du Ministère Public contre un jugement du Tribunal correctionnel de Strasbourg qui a renvoyé M. Marcel X des fins d'une poursuite pour publicité mensongère pour avoir annoncé de faux rabais de juin à décembre 1995 dans ses magasins de Strasbourg, observe :
- que pour ses parfumeries strasbourgeoises, à l'enseigne " Z ", M. X a fait paraître dans la presse des offres de rabais de 30 % sur toute la parfumerie en juin, 30 % sur les parfums, eaux de toilette et eaux fraîches en juillet et 40 % pour les produits solaires, les mêmes rabais en août, 30 % sur toute la parfumerie en septembre, 30 % sur les produits de soins et de maquillage en octobre et 25 % sur les autres produits, 30 % sur la parfumerie et beauté en novembre 1995 et la même chose en décembre, le tout sous réserve d'un montant d'achat au-moins égal à 100 F ;
- qu'il en résulte que pour un même groupe de produits, les plus importants puisqu'il s'agissait de la parfumerie, les rabais ont été proposés de manière constante à 30 % au cours du second semestre 1995, avec une seule exception en octobre où ils ont apparemment été ramenés à 25 % ;
- que les rabais annoncés sont donc effectivement fictifs, puisque les prix sont pratiqués de manière invariable pendant 6 mois,et que la Direction de la Concurrence a effectivement vérifié cette invariabilité dans les faits ;
- que la réserve d'un montant d'achat de 100 F est à l'évidence trop basse en parfumerie pour être significative ;
- que l'arrêté 75-105-P du 2 septembre 1977, qui fait obligation à l'annonceur de justifier ses références, permet trois types de références, le prix le plus bas pratiqué au cours des 30 jours précédents, le prix conseillé par le fabricant ou le prix maximum résultant de la réglementation économique (cette dernière référence n'ayant pratiquement plus aucune portée depuis l'abrogation des ordonnances de 1945) ;
- que si la première des références ne vaut à l'évidence pas compte tenu de l'invariabilité des prix pendant au moins 6 mois, la seconde n'est en rien justifiée ;
- que si M. X a produit quelques indications de prix données par les fabricants, celles-ci restent très parcellaires, et qu'il n'a ni démontré ni offert de démontrer par un calcul précis qu'il pratiquait bien 30 % de ristourne ;
- que pas plus il ne justifie de la réalité et de la référence précise à un coefficient multiplicateur de 1,96 qu'il invoque parfois, alors qu'un tel coefficient ne peut au surplus pas constituer une référence véritable conformément à l'arrêté précité ;
- qu'en définitive, ses annonces publicitaires faisant état d'un rabais de 30 % sur la parfumerie étaient bien abusives et trompeuses, et destinées à attirer la clientèle dans les magasins Z, où celle-ci constatait au surplus que plusieurs produits étaient exceptés des rabais à 30 %(Dior, Guerlain, Hermès, Lauder, Lauren, etc...) ;
- que ce faisant M. X a bien commis le délit prévu et réprimé par les articles L. 121-1 et L. 213-1 du Code de la consommation, et qu'il convient d'appliquer une peine dissuasive adaptée à la gravité de l'affaire ;
Attendu que les parties civiles, la Fédération Française de la Parfumerie, la Chambre Syndicale des Détaillants de l'Est et Mme Michèle Flecher, qui tient une parfumerie à Strasbourg, ont subi un dommage moral du fait de la publicité abusive faite pat les magasins Z ;
Que s'il n'est pas question de réparer en correctionnelle un préjudice de concurrence déloyale, il reste cependant que lorsque l'un des éléments de cette concurrence est un délit de publicité trompeuse, la victime est bien en droit d'obtenir réparation du préjudice afférent à cette infraction, en l'espèce un préjudice moral et une obligation de plaider ;
Que dans ces conditions, la cour estime devoir allouer 5 000 F de dommages-intérêts et 1 500 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale à chacune des parties civiles.
Par ces motifs : Statuant publiquement, par arrêt contradictoire ; Reçoit les appels contre le jugement du Tribunal correctionnel de Strasbourg du 31 octobre 1996 ; Au fond : Infirme ce jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau : Déclare M. Marcel X coupable de publicité mensongère, En répression, le condamne à une amende de 100 000 F ; Ordonne la publicité de la décision par extrait publié dans les DNA, édition du dimanche en pages régionales ; Reçoit la Fédération Française de la Parfumerie, la Chambre Syndicale des Détaillants de l'Est et Mme Michèle Flecher dans leur constitution de partie civile, et condamne M. X à leur payer à chacune 5 000 F de dommages-intérêts et 1 500 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Condamne M. X aux dépens. Le tout par application des articles visés dans le corps de l'arrêt.