CA Orléans, ch. corr., 27 octobre 1997, n° 628-97
ORLÉANS
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Vallée
Conseillers :
M. Turquey, Mme Aubert
Avoué :
SCP Merle-Hervouet-Chevalier
Avocat :
Me Hervouet.
Par actes au secrétariat greffe du Tribunal de grande instance de Blois, en date du 17 septembre 1996, les prévenus puis le Ministère public ont relevé appel d'un jugement rendu le 10 septembre 1996 par le Tribunal correctionnel de Blois, qui a déclaré P Yves et V Nicole épouse P coupables de publicité mensongère : avoir effectué une publicité (par inscription dans le guide de l'Association des Fermiers-Aubergistes de France, installation de panneaux publicitaires sur le bord des routes), faisant connaître leur établissement sous le nom de "ferme-auberge", publicité comportant des allégations, présentations ou indications fausses ou de nature à induire en erreur sur la nature et les qualités substantielles des prestations de service offertes et sur les qualités et aptitudes du prestataire dans la mesure où la majorité des éléments était achetée à des grossistes et ces produits ne pouvaient être qualifiés de " fermier ", faits commis le 23 août 1994 à Mennetou-sur-Cher (41),
- les a condamnés, par application des articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 121-6 alinéa 1, L. 213-1 et L. 121-4 du Code de la consommation, à 10 000 F d'amende chacun,
- a ordonné aux frais des condamnés la publication par extraits de la décision dans le journal " La Nouvelle République " et a dit que le coût de cette publication ne devra pas dépasser la somme de 3 000 F,
- a assujetti cette décision cette décision à un droit fixe de procédure d'un montant de 600 F dont est redevable chaque condamné.
LA COUR,
Les époux P, exploitants agricoles, au lieudit " Y " à Mennetou-sur-Cher ont adjoint à la principale production de l'exploitation, l'élevage de moutons, une activité de ferme-auberge, de chambres d'hôtes et de location de roulottes.
Ils font connaître la ferme-auberge au public essentiellement par deux moyens, de nombreux panneaux indicateurs, environ une dizaine dans la région de Mennetou et Selles-Saint-Denis portant l'inscription " Auberge X ", certaines avec la mention " repas campagnards - location roulottes, chambres " et une étiquette de l'Association des " Fermiers-Aubergistes de France " à laquelle ils adhèrent et le guide diffusé par l'Association des Fermiers-Aubergistes de France.
Le 1er février 1995, après avoir effectué un contrôle pendant plusieurs mois à dater du 23 août 1994, le Service de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du Loir-et-Cher dressait leur procès-verbal pour publicité mensongère en relevant que seule une faible quantité de produits de la ferme ou même de produits fermiers étaient stockés le jour du contrôle et que la compatibilité de l'exploitation faisait apparaître qu'une part non négligeable des matières premières utilisées pour la confection des repas provenaient non pas de l'exploitation ou d'exploitations environnantes mais des circuits commerciaux de gros traditionnels et que ces produits ne correspondaient pas à la définition des produits fermiers.
Yves et Nicole P avec leur conseil ont fait valoir qu'ils étaient adhérents de l'Association des Fermiers-Aubergistes de France, qui utilise le sigle " Ferm'Auberge " déposé à l'INPI et qu'ils étaient en droit de se présenter comme ferme-auberge alors même que cette dénomination n'a aucune caractéristique autonome de nature juridique.
Que pour le reste, s'il est vrai qu'ils se fournissent à l'extérieur pour certains produits, ils confectionnent eux-mêmes les terrines et desserts comme l'indique le guide de l'Association des Fermiers-Aubergistes de France.
Qu'il leur serait impossible de produire tous les ingrédients des plats servis à l'auberge mais que leur établissement correspond bien à l'attente de la clientèle et à la présentation du guide de l'Association qui indique que les adhérents " proposent en priorité des produits de leur exploitation ainsi que d'autres producteurs en privilégiant les traditions culinaires régionales ".
M. l'Avocat général a demandé l'infirmation du jugement prononcé par le Tribunal correctionnel de Blois en retenant qu'à défaut de définition juridique de la " ferme-auberge " par le législateur les poursuites pour la publicité mensongère n'étaient pas fondées.
Sur ce,
Le 1er février 1995, le Service de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du Loir-et-Cher a établi un procès-verbal à l'encontre d'Yves et Nicole P, exploitants agricoles, pour publicité fausse ou de nature à induire en erreur sur la nature, l'existence et les qualités substantielles en relevant qu'une partie des produits utilisés pour la confection des plats servis à la ferme-auberge Xs ne provenaient pas de leur exploitation ou de fermes voisines, ou n'étaient pas " fermier ", comme par exemple le fromage acheté à un distributeur de Valençay et sans le label " fermier " ;
Attendu cependant que les vérifications approfondies de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ont permis d'établir que les époux P étaient agriculteurs depuis 1973, qu'ils ont créé l'activité de ferme-auberge sur leur exploitation en 1987, qu'ils ont effectivement une production d'ovins et qu'ils assurent seuls, sans aide extérieure ou de personnel, les activités d'élevage et de ferme-auberge ;
Que s'il est exact que tous les ingrédients des plats qui sont conçus, élaborés et servis par Nicole P ne provenaient pas de l'exploitation ou de fermes voisines, il ressort de la comptabilité de l'exploitation et des factures de l'abattoir de Valençay où les époux P font abattre leurs moutons que la majeure partie de la viande servie à la ferme-auberge provient de leur élevage ;
Que par exemple, ils ont fait abattre 4 moutons de 74 kilogrammes au total au cours du 2e trimestre 1994 et qu'ils ont acheté 57,9 kilogrammes de moutons, mais qu'au trimestre suivant ils faisaient abattre 16 moutons de leur élevage d'un poids total de 324 kgs et n'achetaient pas d'agneaux ;
Il peut également être observé que les poulets servis provenaient tous d'une ferme voisine ;que le porc ou le boeuf étaient achetés en très faibles quantités etqu'en ce qui concerne les desserts, s'il apparaît que des glaces industrielles ont été achetées, les pièces soumises à la cour ne permettent pas de retenir que la majeure partie des desserts n'aurait pas été " maison " ;
Qu'au total, il est démontré que la viande servie dans la ferme X par les époux P provenait en très grande partie de leur exploitation ou d'une ferme voisineet qu'il n'est pas contesté que Nicole P élaborait elle-même la majeure partie des repas ;
Qu'en l'absence de définition légale de la " ferme-auberge " il ne peut être exigé de ces agriculteurs que tous les produits servis soient en provenance d'une exploitation agricole, qu'ils ont par ailleurs respecté la charte les liant à l'Association des Fermiers-Aubergistes de France qui stipule que l'adhérent " propose en priorité des produits de son exploitation ainsi que ceux d'autres producteurs, en privilégiant les traditions culinaires régionales "et qu'il ne peut être retenu que les publicités relatives à la ferme X étaient mensongères et de nature à induire en erreur le consommateur ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels, Les dit bien fondés, Infirme le jugement prononcé par le Tribunal correctionnel de Blois le 10 septembre 1996, Relaxe Yves P et Nicole V épouse P des fins de la poursuite.