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Décisions

CA Bourges, ch. d'accusation, 18 novembre 1997, n° 225

BOURGES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Jean (Epoux)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Baudron

Avocat général :

M. Bellemer

Conseillers :

M. Gautier, Mme Penot

Avocats :

Mes Frichot, Bangoura.

TGI Bourges, ch. corr., du 24 juin 1997

24 juin 1997

Au fond:

Attendu que dans leur plainte avec constitution de partie civile, Bonnet Denise, infirmière en hôpital, et Jean Alain, son époux, exposaient que, courant 1991, leur attention avait été appelée sur des annonces publiées dans la presse destinée aux infirmiers et par lesquelles la société à responsabilité limitée dénommée X, établie à Antony, offrait à ces professionnels de développer, dans le cadre de leur exercice libéral, une activité complémentaire d'amincissement;

Qu'ayant communiqué leurs noms et adresse, les intéressés avaient reçu une documentation explicative, présentée par un agent commercial, avec un compte prévisionnel d'exploitation faisant ressortir une marge brute annuelle de l'ordre de 190 000 F pour 48 clients et avaient participé à un stage d'information de deux jours organisé " dans une atmosphère de luxe ";

Que le " concept " devait associer un rééquilibrage de l'alimentation à un traitement mettant en œuvre un appareillage électrique de stimulation musculaire et de " drainage lymphatique ";

Que l'intervention d'une équipe de diététiciennes et d'un médecin conseil était expressément prévue, pour l'élaboration de plans diététiques personnalisés et la mise à disposition d'une assistance permanente;

Attendu qu'au terme du stage, Bonnet Denise a souscrit, avec la caution solidaire de son époux, à l'achat de deux appareils, pour un prix total de 168 000 F hors taxes, ainsi qu'au partenariat proposé;

Qu'après avoir quitté son emploi salarié, elle a créé une société à responsabilité limitée pour entreprendre à Nevers cette nouvelle activité mais a été contrainte de mettre fin à l'exploitation en an plus tard;

Attendu qu'estimant avoir été victimes de publicité trompeuse et de tromperie, les époux Jean ont soutenu que, contrairement aux messages diffusés:

- les actes à visée thérapeutique pratiqués étaient incompatibles avec le statut des infirmiers et qu'en raison de la nature des techniques mises en œuvre et de la nécessité de diagnostics et de prescriptions de traitements, ils relevaient de la compétence exclusive des masseurs kinésithérapeutes et des médecins, appréciation confirmée par un avis de l'Académie Nationale de Médecins du 15 novembre 1994;

- du fait de ses implications commerciales, l'activité ne pouvait être taxée au titre du revenu des professions libérales mais était soumise à l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux;

- le stage, prétendument gratuit, avait été facturé;

- s'agissant des appareils, vendus aux enchères pour 1 000 F environ, leur valeur technologique était apparue bien inférieure à leur prix et la justification d'une garantie (d'une durée d'un an avec pièces et main d'œuvre, souscrite par un fabricant français) n'avait pas été fournie;

- malgré l'envoi des renseignements personnels, analyses de sang et redevances demandées, les engagements relatifs à l'individualisation des régimes diététiques et au concours d'un médecin n'avaient pas été tenus;

- en dépit d'un afflux important de clientèle, les prévisions de rentabilité, dont les bases de calcul n'avaient d'ailleurs pas été précisées, n'avaient pas été confirmées, les charges financières étant apparues trop lourdes au regard des recettes;

Attendu que ces éléments sont repris et développés dans les mémoires déposés par les appelants;

Attendu cependant qu'il ne résulte pas du dossier de la procédure que l'utilisation des appareils X n'ait pu être compatible avec la profession d'infirmier et ait pu relever ainsi de l'exercice illégal de la médecine ou de la profession de kinésithérapeute;

Qu'en l'état actuel du droit, il n'existe aucun texte interdisant l'utilisation de ces appareilset que seule la tendance naturelle de chacune de ces professions à vouloir protéger et même étendre sa sphère légale d'activité peut conduire à une appréciation contraire;

Que l'infirmière tient du décret sur la compétence, la faculté de surveiller un régime alimentaire sans qu'une prescription médicale soit nécessairement à l'origine de celui-ci;

Que l'emploi de l'appareil litigieux ne correspond pas à une thérapeutique médicale mais vise à prodiguer des soins de confort, le principe ayant déjà été admis que les appareils à courant faible pouvaient être utilisés à des fins non médicales par des professionnels non médecins;

Qu'il résulte aussi d'une réponse ministérielle du 13 septembre 1993 que: " les activités d'esthétique corporelle comprenant des prestations de soins d'amaigrissement et de rajeunissement ne sont pas incompatibles avec l'exercice de la profession d'infirmier, dans la mesure où ces activités n'entrent pas dans le champ d'exercice des professions paramédicales ou médicales réglementées ";

Attendu que s'il est en outre constant que les masseurs kinésithérapeutes détiennent le monopole du message et que le décret du 8 octobre 1996 est venu de surcroît les habiliter à pratiquer le drainage lymphatique en tant que massage manuel, ce même décret définit la notion de massage comme " toute manœuvre externe réalisée sur les tissus ... de façon manuelle ou par l'intermédiaire d'appareils autres que les appareils d'électrothérapie ";

Attendu qu'il résulte de ce qui précède qu'aucun texte n'interdit aux infirmiers d'utiliser les appareils commercialisés par X; qu'en conséquence, la publicité exercée par cette société n'est nullement trompeuse;

Attendu que la plainte de Mme Jean - qui s'est engagée vis-à-vis de X en toute connaissance de cause après un stage de plusieurs jours - visait également l'incompatibilité du concept avec la profession d'infirmier libéral, en raison de ses implications commerciales;

Que Mme Jean est toutefois mal venue à invoquer l'incompatibilité avec l'exercice de la profession d'infirmier libéral, alors qu'elle exerçait son activité sous le couvert d'une société commerciale qu'elle avait spécialement créée à cet effet;

Attendu par ailleurs que le compte prévisionnel critiqué présente une vision réaliste et sans exagération de l'exploitation normale du concept sans que les plaignants justifient qu'il leur ait été impossible d'y parvenir;

Attendu que ces derniers invoquent encore l'inexistence des services annoncés et la facturation de stages de formation présentés cependant comme étant gratuits;

Qu'il a cependant été établi que des diététiciennes diplômées et un médecin travaillaient bien pour la société X et qu'elles pratiquaient un partenariat diététique suivi avec les infirmières qui avaient adhéré au concept X;

Que l'invocation de publicité trompeuse est d'autant plus à exclure que les infirmiers s'inscrivaient au stage après avoir reçu une lettre circulaire sur laquelle figurait expressément le montant de la participation aux frais de stage et qu'ils étaient donc parfaitement informés du coût de ces stages;

Qu'au surplus, il résulte d'une attestation de l'expert comptable de la société X que les coûts de stages n'ont jamais été répercutés en totalité sur les stagiaires, une part importante des frais restant à la charge de la société X;

Attendu qu'aucun des éléments invoqués n'est ainsi constitutif des infractions avancées et que l'ordonnance de non-lieu sera en conséquence confirmée;

Par ces motifs: LA COUR, Vu les articles 177, 183, 185, 186, 194, 198, 199, 200, 207, 216, 217 et 801 du Code de procédure pénale, En la forme, Déclare l'appel recevable. Au fond, Le dit mal fondé, Confirme l'ordonnance entreprise. Ordonne que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de M. le Procureur général. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure dont est redevable la partie civile.