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Décisions

CA Caen, ch. corr., 19 novembre 1997, n° 97-00834

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Familles Rurales, Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir de Saint-Lô

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Deroyer

Avocat général :

M. Clouet

Conseillers :

M. Reynaud, Mme Holman

Avocats :

Mes Olivier, Minici.

TGI Cherbourg, ch. corr., du 20 mai 1997

20 mai 1997

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Saisi de poursuites dirigées contre

D Philippe

d'avoir à Beaumont-Hague, le 2 avril 1996, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, en l'espèce indiquant que la viande bovine vendue était d'origine française alors qu'il y avait des langues de boeuf d'origine hollandaise ;

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1, L. 213-1, L. 121-4 du Code de la consommation ;

O Hervé

d'avoir à Beaumont-Hague, le 2 avril 1996, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, en l'espèce indiquant que la viande bovine vendue était d'origine française alors qu'il y avait des langues de boeuf d'origine hollandaise ;

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1, L. 213-1, L. 121-4 du Code de la consommation ;

Le Tribunal correctionnel de Cherbourg, par jugement en date du 20 mai 1997, a déclaré les prévenus coupables de l'infraction et les a condamnés chacun à 10 000 F d'amende, a ordonné la publication par extraits aux frais du condamné du jugement dans les journaux Que Choisir, La Presse de la Manche, Ouest France.

Sur l'action civile, ledit tribunal a reçu l'Union Fédérale des Consommateurs " Que Choisir de Saint-Lô " et Les Familles Rurales en leurs constitutions de partie civile et a condamné solidairement MM. D et O à payer :

- à l'Union Fédérale des Consommateurs " Que Choisir de Saint-Lô ", la somme de 2 500 F à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- à l'Association Les Familles Rurales la somme de 2 500 F à titre de dommages-intérêts au taux légal à compter du jugement.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

M. D Philippe, le 29 mai 1997

M. O Hervé, le 29 mai 1997

M. le Procureur de la République, le 30 mai 1997 contre M. D Philippe et M. O Hervé.

Motifs :

Le 2 avril 1996, les Inspecteurs de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de la Manche, procédant à un contrôle dans le cadre de la crise dite de la " vache folle " constataient à l'entrée du magasin à l'enseigne " X " de Beaumont-Hague et au rayon boucherie, la présence d'affiches ainsi libellées : " Notre magasin soucieux de vous apporter un service garanti s'engage sur la provenance des viandes de boeuf que nous vous proposons à la vente. Nos produits sont tous d'origine française et de bonne qualité. Vous pouvez donc les acheter en toute confiance ".

Or, il était constaté au rayon boucherie offert à la coupe ainsi que dans la chambre froide de l'établissement la présence de 96 langues de boeuf (pour un poids de 198,60 kgs) dont l'étiquetage permettait de vérifier qu'elles provenaient de Hollande.

M. O, directeur du magasin X a reconnu les faits et précisé d'une part que les affiches et les langues de boeuf incriminées avaient été fournies par la centrale d'achat implantée à Carpiquet et que son contrôle n'a pas spécialement porté sur l'origine Hollandaise des produits, le problème dit " de la vache folle " concernant les produits anglais, d'autre part qu'il avait immédiatement après la constatation fait retirer les affiches et les langues.

M. D, chef de produit à la centrale d'achat, a admis avoir passé commande des langues de boeuf sans avoir précisé à ses fournisseurs d'origine particulière, à l'exception de refus de produits en provenance de Grande-Bretagne, avoir personnellement rédigé l'affiche incriminée, et avoir fait livrer au magasin géré par M. O tant les langues de boeuf en provenance de Hollande, que l'affiche qu'il avait rédigée.

Il a contesté l'infraction aux motifs que la langue appartient à la famille des abats et non à celle des viandes, cette différenciation résultant de l'arrêté du 17 mars 1992 et constituant deux catégories que le consommateur ne peut pas confondre, les abats étant vendus au rayon triperie des magasins et non au rayon boucherie, l'étiquetage propre aux libres-services permettant au surplus d'identifier parfaitement la nature et l'origine des produits achetés.

Sur l'action publique :

Aux termes de l'arrêté du 17 mars 1992, sont définies comme " viandes " : toutes parties des animaux propres à la consommation humaine et comme " abats " : toutes les parties comestibles des animaux autres que la carcasse et notamment les langues.

Ainsi, il résulte de cette définition que les langues, parties des animaux propres à la consommation humaine, même si elles sont définies de manière spécifique comme abats, appartiennent à l'ensemble des viandes et sont ainsi considérées tant par le consommateur qu'en l'espèce par le professionnel, puisque les langues incriminées d'origine hollandaise étaient mentionnées au rayon " boucherie " sur le prospectus publicitaire du magasin et vendues à la coupe dans ce même rayon, malgré la présence de deux affiches avertissant de l'origine française de toutes les viandes proposées à la vente dans ce commerce.

M. O a reconnu que lui ou ses subordonnés n'avaient pas contrôlé l'origine des langues de boeuf qu'il vendait à la coupe, malgré la présence de l'affiche apposée dans son magasin.

Ainsi en apposant ou en faisant apposer sur les lieux de vente des produits de boucherie une affiche garantissant de façon trompeuse pour le consommateur moyennement avisé, l'origine française des viandes commercialisées, alors que les prévenus ne pouvaient ignorer qu'il y était vendu de la langue de boeuf provenant de Hollande, MM. D et O ont commis le délit visé à la poursuite.

L'infraction objet de la poursuite étant en conséquence établie, le jugement sera confirmé sur les déclarations de culpabilité.

Il sera en revanche réformé sur les peines qui seront autrement appréciées au regard de la nature des faits et de la personnalité de chacune des prévenus.

La mesure de publication de l'arrêt par extrait sera maintenue.

Sur l'action civile :

L'Association Familles Rurales sollicite la confirmation du jugement et le paiement d'une somme de 3 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Au vu des pièces versées aux débats, il apparaît que le préjudice de la partie civile a été exactement apprécié. En conséquence les dispositions civiles du jugement entrepris, seront confirmées.

Enfin il apparaît équitable d'allouer à la partie civile 2 500 F en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles.

L'Union Fédérale des Consommateurs " Que Choisir de Saint-Lô " demande par écrit le paiement d'une somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts ainsi que la publication de l'arrêt dans les éditions départementales de " La Presse de la Manche ", " La Manche Libre ", " Ouest-France " et " Que Choisir ".

En application de l'article 515 du Code de procédure pénale, en l'absence d'appel de cette partie civile, ses demandes en cause d'appel doivent être déclarées irrecevables.

Au vu des pièces versées aux débats, il apparaît que le préjudice de la partie civile a été exactement apprécié. En conséquence les dispositions civiles du jugement entrepris, seront confirmées.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les parties en leurs appels ; Vu les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, L. 213-1, L. 121-4 du Code de la consommation ; Confirme le jugement entrepris sur les déclarations de culpabilité ; Le réforme sur les peines ; Condamne M. Philippe D à une amende de 7 000 F ; Condamne M. Hervé O à une amende de 4 000 F ; Ordonne la publication de l'arrêt par extrait aux frais des condamnés dans les journaux " Ouest-France " édition de Cherbourg et " La Presse de la Manche " ; Dit que l'extrait d'arrêt à publier sera ainsi rédigé : " Par arrêt définitif du 19 novembre 1997, la Cour d'appel de Caen a déclaré M. Philippe D et M. Hervé O coupables du délit de publicité mensongère pour avoir mis en vente 198,60 kgs de langue de boeuf en provenance de Hollande alors que deux affiches apposées dans le magasin affirmaient la provenance française de toutes les viandes de boeuf exposées à la vente. Faits commis le 2 avril 1996 à Beaumont-Hague " ; Déclare irrecevables les demandes formées en cause d'appel par l'Union Fédérale des Consommateurs (UFC) Que Choisir de Saint-Lô ; Confirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux actions civiles ; Y ajoutant ; Condamne M. D et M. O à verser à l'Association des Familles Rurales, partie civile, 1 500 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Prononce la contrainte par corps ; Condamne MM. D et O aux dépens de l'action civile ; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné.