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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 5 décembre 1997, n° 97-02069

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sauret

Avocat général :

Me Auclain

Conseillers :

Mmes Verleene-Thomas, Marie

Avocats :

Mes Klein, Iscovici, Tresca, Antonini.

CA Paris n° 97-02069

5 décembre 1997

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré :

- G Bernard coupable de récidive de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, courant octobre 1994, à Paris, territoire national, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation, articles 132-10 et 132-11 du Code pénal et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation, articles 132-10 et 132-11 du Code pénal,

- M Francis Paul coupable de complicité de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, courant octobre 1994, à Paris, territoire national, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation, article 121-6 et 121-7 du Code pénal et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation, article 121-6 et 121-7 du Code pénal,

- W Jean-Philippe coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, courant octobre 1994, à Paris, territoire national, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation,

Et par application de ces articles, a condamné :

- G Bernard à 150 000 F d'amende,

- M Francis Paul à 100 000 F d'amende,

- W Jean-Philippe à 150 000 F d'amende,

a assujetti la décision à un droit fixe de procédure de 600 F ;

Sur l'action civile : le tribunal a reçu l'UFC Que choisir en sa constitution de partie civile et a condamné solidairement G Bernard, M Francis et W Jean-Philippe à lui payer la somme de 20 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

M. W Jean-Philippe, le 5 février 1997 contre UFC,

M. le Procureur de la République, le 5 février 1997 contre M. W Jean-Philippe,

M. G Bernard, le 7 février 1997 contre UFC,

M. M Francis, le 7 février 1997 contre UFC,

M. le Procureur de la République, le 7 février 1997 contre M. G Bernard, M. M Francis.

Décision :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par les prévenus et le Ministère Public à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence pour l'exposé de la prévention ;

W Jean-Philippe demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et demande à être relaxé des fins de la poursuite ainsi qu'il sera démontré.

I- La publicité en question :

Contrairement à ce que prétend abusivement l'Union fédérale des consommateurs UFC Que choisir, la publicité reprochée respecte parfaitement la loi en sa forme.

Cette publicité fait bien apparaître en caractères très apparents le nom de la société S et ce, à plusieurs reprises.

L'adresse postale de la société est parfaitement lisible et apparente, tout comme le numéro de téléphone de l'entreprise.

La simple consultation de l'annuaire téléphonique atteste de la réalité du numéro de téléphone et du siège de l'entreprise.

On ne saurait donc reprocher à M. W quelque dissimulation que ce soit sur ce point, la société dont il assume la direction est parfaitement connue sur place.

Il ne s'agit en aucune manière d'allégations mensongères comme semble le prétendre l'UFC.

II- Les éléments de l'infraction constatée ne sont pas réunis :

Il résulte de la consultation du dossier pénal concernant M. Jean-Philippe W que les pièces qui sous-tendent les poursuites ne sont constituées que du procès verbal d'audition et de l'exemplaire de la publicité.

Il n'existe aucune pièce, il ne résulte d'aucune enquête ou d'aucune analyse des produits en question, établissant qu'il y ait eu une quelconque allégation mensongère de la part du concluant.

W Jean-Philippe demande en conséquence à la cour de :

- réformer le jugement entrepris,

- le relaxer des poursuites diligentées à son encontre.

M Francis expose à la cour que :

Les motifs du jugement entrepris en ce qu'ils statuent sur la culpabilité de M. Francis M peuvent être ainsi résumés :

1- les responsables des journaux ont une connaissance des techniques publicitaires et de marketing ;

2- connaissance plus spécialement dans les matières qui touchent à la forme et à l'esthétique pour lesquelles il existe une sensibilité particulière des consommateurs ;

3- en conséquence, ces responsables doivent surveiller et vérifier le contenu de toutes les publications dont ils ont la charge ;

4- la parution d'une annonce s'avérant mensongère, [le délit] est donc constitué ;

Le raisonnement ainsi décrit conduit en fait à une réelle dénaturation de l'incrimination de complicité et revient à mettre à la charge du directeur de publication une présomption de responsabilité contestable dans son principe, d'autant plus que les publicités, en l'espèce n'apparaissent pas en soi comme manifestement illicites.

En conséquence, M Francis demande à la cour :

- de le recevoir en ses appels ;

- de prononcer la jonction des instances ayant donné lieu au jugement des 29 janvier 1997 et 23 avril 1997 ;

Y faisant droit, réformer les jugements entrepris [rendus] par la 31e chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris ;

Dire et juger en l'absence d'éléments démontrant que M. Francis M ait entendu sciemment aider ou assister à la commission du délit de publicité mensongère, qu'il y a lieu de prononcer sa relaxe pure et simple des fins de la poursuite et débouter la partie civile de ses entières demandes, fins et conclusions.

Subsidiairement, de prononcer la confusion des peines.

G Bernard expose à la cour :

Qu'il a fait l'objet d'une première procédure le 16 août 1995, l'UFC Que choisir a régularisé à l'encontre de M. G une citation directe mettant en cause un certain nombre d'articles proposés à la vente début 95.

Parmi ces 13 produits figurait notamment l'article " Bermuda amincissant ".

Cette citation va aboutir à un jugement de la 31e chambre du 19 novembre 1996 condamnant G au paiement d'une amende de 250 000 F.

Cette décision n'a pas été frappée d'appel.

Qu'il a fait l'objet d'une seconde procédure antérieurement à la citation directe plus haut indiquée, l'UFC Que choisir avait déposé une plainte à l'encontre de M. G et de FDS au titre de la diffusion courant octobre 94 (soit antérieurement aux faits visés dans la citation du 16-18) de deux articles :

- le bermuda amincissant (également visé à la citation),

- les semelles du Dr Metz,

C'est à la suite de cette plainte qu'en exécution du mandement du 16 septembre 1996, M. G fut (avec d'autres) cité à comparaître une seconde fois devant la 31e chambre correctionnelle.

C'est le jugement du 29 janvier 1997 l'ayant condamné au paiement d'une amende de 150 000 F qui a été frappé d'appel.

Sur l'exception de chose jugée (bermuda amincissant) :

Parmi les treize publicités sanctionnées par le jugement du 19 novembre 1996 aujourd'hui devenu définitif figurait celle relative au bermuda amincissant.

Or par application de l'article 6 du Code de procédure pénale, l'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort du prévenu, la prescription, l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale et la chose jugée.

Tel est bien le cas en l'espèce.

Le délit de publicité trompeuse prévu à l'article L. 121-1 du Code de la consommation constitue une infraction unique qui ne peut être poursuivie et sanctionnée qu'une seule fois dès l'instant qu'il s'agit d'allégations identiques contenues dans le même message publicitaire et diffusées simultanément.

- le bermuda amincissant : d'un prix de 169,90 F ;

Il s'agit d'un article dont les éléments de fabrication favorisent la rétention de chaleur et stimulent le processus de sudation ;

Le texte publicitaire est parfaitement conforme à la réalité, étant rappelé qu'il s'agit d'un article vendu par de nombreuses sociétés et qui donne là encore entière satisfaction.

- sur les semelles du Docteur Metz :

Il est reproché au message publicitaire d'induire en erreur le consommateur en :

- indiquant que les semelles permettaient d'éliminer les kilos superflus, sans y penser, sans effort et sans privation.

- laissant croire que le Docteur Metz était titulaire d'un Diplôme Français d'Etat de Docteur en Médecine,

Or, force est de constater qu'en l'espèce la partie civile ne satisfait pas aux obligations qui sont les siennes en matière de preuve dont la charge lui incombe.

En conséquence, G Bernard sollicite la cour :

L'application de l'article 6 du Code de procédure pénale concernant le jugement rendu le 19 novembre 1996 par le Tribunal de grande instance de Paris relatif au bermuda amincissant,

Sa relaxe pour les autres infractions sur lesquelles il est poursuivi en raison du caractère épiphénoménal des réclamations sur les articles généraux de l'entreprise,

L'absence de plaintes justifiées concernant les articles dont les publicités sont incriminées et qui sont là pour témoigner que le consommateur moyen ne s'est pas mépris sur les messages publicitaires.

Le Ministère Public demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris en raison de l'importance des commandes effectuées qui mettent en valeur une nouvelle fois la naïveté du consommateur ; G Bernard avait 2 400 articles référencés en 1995 il a fait effectuer des expéditions de 1 934 000 colis ; il demande en conséquence que les sanctions prononcées par le tribunal en tiennent compte.

L'Union fédérale des consommateurs Que choisir, expose que :

Le 17 février 1995, principale association de consommateurs, elle déposait plainte entre les mains du Procureur de la République de Paris à la suite de la publication dans les magazines Télé Poche, Nous Deux, Ici Paris de publicités pour des appareils ou produits amaigrissants ;

Que les publicités portaient sur " les semelles du Docteur Metz " " le bermuda amincissant ", " les pilules amincissantes Slim 4 ou ampoules Slim 20 ", " la publicité minceur chrono ", " le produit Star Light ".

Sur les faits reprochés à G Bernard :

G Bernard, gérant de la société DSI a fait paraître en octobre 1994 ans le numéro 1496 du magazine Télé Poche une publicité pour l'un de ses produits " les semelles acupression du Docteur Metz ".

Le visuel du produit était accompagné du texte suivant :

" Perdez du poids en marchant, sans y penser, sans effort et sans privation : grâce aux semelles acupression du Docteur Metz éliminez vos kilos superflus sans exercice exténuant, sans médicament, sans régime déséquilibrant " ;

G Bernard est encore poursuivi pour avoir fait paraître dans le numéro d'octobre 1994 du magazine Télé Poche et dans le numéro 2571 du magazine Ici Paris, une publicité pour le " bermuda thermo amincissant " ;

Cette publicité était accompagnée du texte ci-après :

" Perdez vos excédents graisseux sur le ventre, les fesse, les cuisses et affinez votre silhouette naturellement en portant ce bermuda " ;

Les " micro-cellules thermo-actives " produisent une douce chaleur et accélèrent l'élimination des toxines ;

Là encore le visuel d'un mannequin accompagne le texte présenté avant utilisation du bermuda puis après, avec comme résultat allégué la perte de 10 kilos ;

G lui-même a été contraint de reconnaître qu'il ignorait totalement ce que pouvait signifier " cellules thermo-actives " ;

Après avoir tenté d'alléguer l'existence d'études faites sur ce produit il a été contraint de reconnaître qu'aucune étude n'existait ;

Là encore G ne peut démontrer les effets de son produit tels que présentés dans la publicité ;

Sur les faits reprochés à M Francis :

Francis M était le directeur de publication des magazines Télé Poche, Nous Deux ;

Que dans le [premier] support ont été publiées les publicités relatives aux semelles du Docteur Metz et celle relatives au bermuda thermo amincissant ;

Que dans le second support est parue une publicité pour le produit " Minceur chrono " ;

Que cette 3e publicité indiquait " 5, 10, 15, 20 kilos en moins, les kilos fondent dès le premier jour, la méthode ne nécessite aucun effort, aucun régime, aucune contrainte " ;

Que là encore la publicité est soutenue par le visuel d'une personne étant supposée avoir perdu 38 kilos après utilisation du produit ;

Que des témoignages de consommateurs sont également produits ;

Que tous ces éléments sont destinés à persuader les consommateurs de la fiabilité des résultats, du sérieux du produit ;

Que Francis M a reconnu devant le tribunal qu'il avait notamment pour fonction d'indiquer aux services de publicité, vers lesquels il tentait de rejeter la responsabilité de la parution, les réglementations qui ne pouvaient être transgressées ;

Que le tribunal a justement rappelé que les annonceurs et les directeurs de publication étaient particulièrement critiquables s'agissant de la santé des consommateurs ;

Que nous somme en effet en présence de publicités présentant des produits susceptibles de soulager les consommateurs confrontés à des problèmes de poids et souvent complexés et fragilisés ;

Que Francis M cherchera vainement à invoquer la responsabilité de la régie publicitaire après avoir tenté de se retrancher derrière son service de publicité, l'annonceur dont M. M, se réservant la possibilité de refuser toute publicité contraire à ses intérêts matériels et moraux ;

Sur les faits reprochés à W Jean-Philippe :

W Jean-Philippe est le gérant de la société FSD qui a fait paraître en octobre 1994 dans le magazine Ici Paris n° 2571 une publicité pour la pilule amincissante Slim 4 et les ampoules amincissantes Slim 20 ;

W Jean-Philippe a remis lors de l'audience au tribunal une monographie du produit Slim 4 qui est une étude non scientifique qui n'est corroborée par aucun test médical sérieux qui n'en allègue en réalité pas même l'existence et qui ne peut donc sérieusement démontrer l'effet amincissant des pilules Slim 4 ;

Aucune étude n'est produite quant aux prétendus effets amincissants des ampoules Slim 20 ;

La présentation dans le magazine du produit tend à persuader les consommateurs que le produit présenté est un médicament, ce qui accrédite l'idée de la fiabilité et de l'efficacité du produit ;

W Jean-Philippe n'a pas craint d'affirmer qu'il existait un brevet sur ce produit, ce qui, selon lui, démontrerait les propriétés du produit ;

W Jean-Philippe a encore affirmé que l'inspection des denrées alimentaires belge n'aurait pas laissé distribuer le produit s'il ne possédait pas les propriétés alléguées ;

Dans l'esprit de W sans régime signifiait sans régime draconien ;

Les conditions de présentation du produit et le texte rédactionnel choisi trompent incontestablement le consommateur sur les propriétés du produit ;

L'on tente de persuader les consommateurs de l'existence de produits susceptibles de les soulager, de faire disparaître un problème sensible de poids sans effort et sans médicament ;

La cour ne pourra que confirmer les dispositions pénales et civiles du jugement dont appel ;

Que l'UFC est bien fondée à solliciter la confirmation du jugement en ce qu'il a alloué au titre de réparation du préjudice collectif des consommateurs une indemnité de 20 000 F ;

Qu'il sera juste d'allouer une indemnité complémentaire de 8 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en sus de la faible indemnité de 1 500 F allouée par le tribunal sur le même fondement.

En conséquence l'Union fédérale des consommateurs " Que choisir " demande à la cour de :

Confirmer le jugement du 29 janvier 1997 en toutes ses dispositions pénales et civiles ;

Et de lui allouer en sus une indemnité de 8 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Le 17 février 1995, l'Union fédérale des consommateurs (UFC) a déposé plainte auprès du Procureur de la République pour des faits de publicité trompeuse, dénonçant la publication dans divers magazines de publicités pour des appareils ou des produits d'amaigrissement.

Bernard G et Jean-Philippe W sont poursuivis pour avoir effectué des publicités mensongères ou de nature à induire en erreur et Francis M en leur qualité de directeur de publication des magazines Télé Poche et Nous Deux est poursuivi pour s'être rendu complice des délits reprochés à G et W.

Les publicités incriminées sont les suivantes :

1- les " Semelles Acupression du Docteur Metz " et le " bermuda thermo amincissant ",

La publicité des " Semelles Acupression du Docteur Metz " comporte le texte suivant " Perdez du poids en marchant, sans y penser, sans effort et sans privation ... Grâce aux Semelles " Acupression " du Docteur Metz, éliminez vos kilos superflus, sans exercice exténuant, sans médicament, sans régime déséquilibrant... Elle est illustrée par la photo d'un mannequin suggérant qu'elle a perdu une dizaine de kilos en marchant sur ces semelles qui sont dessinées avec mentions des points d'acupression.

La publicité du " bermuda thermo amincissant " est accompagnée du texte suivant : " Eliminez vos kilos superflus et votre peau d'orange grâce au bermuda ... perdez vos excédants graisseux sur le ventre, les fesses ou les cuisses et affinez votre silhouette naturellement en portant ce bermuda... Des micro-cellules thermo-actives produisent une douce chaleur, accélérant l'élimination des toxines. Elle est illustrée par des photos " avant-après " et la photo d'un mannequin suggérant qu'elle a perdu une dizaine de kilos en portant ce bermuda.

L'annonceur de ces publicités est la société " DSI " dont M. G est le gérant.

La publicité pour les " semelles acupression du Docteur Metz " est parue dans le numéro 1496 du magazine Télé Poche du 15-10-94 et la publicité pour le " bermuda thermo amincissant " a été publiée dans le magazine Télé Poche du 10-10-94 et dans le numéro 2571 du magazine Ici Paris du 18-10-94.

2- les pilules amincissantes Slim 4 ou les ampoules amincissantes Slim 20 :

La publicité pour la " pilule amincissante Slim 4 " comporte le texte suivant : " Maintenant il est possible de mincir sans effort, sans régime...la pilule anti-graisse Slim 4 est composée de 4 éléments nutritifs qui vous aident à éliminer rapidement et de manière naturelle les réserves de graisses du corps ... Des résultats durables... Encore plus efficace pour votre ligne, le Slim 20 liquide ". Le produit est présenté sous forme de pilule ou d'ampoules. Cette publicité est accompagnée de photos " avant-après " indiquant " 32 kilos de moins " et de la photographie d'un mannequin ultra-mince.

L'annonceur de cette publicité est la société FSD portant comme enseigne " S " dont M. W est le gérant. Elle est parue dans le n° 2571 d'Ici Paris du 18 octobre 1994 ;

3- minceur chrono :

La publicité " minceur chrono " comporte le texte suivant : " La méthode amaigrissante la plus rapide et la plus durable qui existe... 5, 10, 15, 20, kilos de moins... Vos kilos fondent dès les premiers jours... elle attaque instantanément la graisse et la cellulite envahissantes ...Sans aucun effort ... Sans aucun risque ... Sans aucun régime ... Sans aucune contrainte ... " Elle est illustrée par la photographie d'une certaine Mme Winkler de Strasbourg, " avant-après " avec la mention que 38 kilos séparent les 2 photos et d'extraits de deux lettres de consommateurs de Paris et de Tours.

L'annonceur de cette publicité est la société OPG située aux Etats-Unis et est parue dans le n° 2467 du magazine Nous Deux du 11 octobre 1994.

4- Star light :

Cette publicité est accompagnée du texte suivant : " Plus je dors, plus je maigris... Oui, Star Light détruit la graisse pendant le sommeil ... Chaque matin vous vous réveillez avec du poids en moins, c'est prouvé ... Vous mangez normalement, vous n'avez rien d'autre à faire que de prendre Star Light et à dormir ... Vous maigrissez et vous ne regrossirez plus jamais ... " Elle est illustrée par les photographies de quatre personnes " avant-après " indiquant avoir perdu entre 29 et 40 kilos.

L'annonceur de cette publicité parue dans le n° 1499 du magazine Télé Poche du 31 octobre 1994 n'a pas été identifié.

A l'audience M. G soulève l'exception de chose jugée au motif qu'il a été condamné pour publicité mensongère le 19 novembre 1996 pour la publicité relative au bermuda amincissant.

Il conclut à sa relaxe, la partie poursuivante ne rapportant pas la preuve du caractère mensonger des textes publicitaires incriminés.

M. W sollicite sa relaxe. Il fait valoir qu'il est clairement indiqué dans la publicité litigieuse que le Slim 4 est un complément alimentaire à un régime à faible teneur calorique. Il estime que la preuve du caractère mensonger de cette publicité n'est pas rapportée.

M. M conclut à sa relaxe car il n'est pas démontré qu'il a eu préalablement connaissance des annonces contestées et parfaitement conscience de leur caractère mensonger. Il ajoute que le BVP n'a pas émis de remarques sur ces publicités.

C'est pourquoi LA COUR adoptant les motifs des premiers juges :

1- Sur l'exception de chose jugée :

Par jugement définitif du 19 novembre 1996, M. G a été condamné à 250 000 F d'amende pour publicité trompeuse pour treize publicités, dont l'une relative au bermuda thermo amincissant, parues dans un catalogue de la société FD édité au cours de l'année 1996.

En l'espèce, la publicité incriminée a été établie par la société DSI et publiée au mois d'octobre 1994 dans les magazines Télé Poche et Ici Paris. Ces deux publicités, mêmes si leurs messages sont identiques, ont été diffusées par deux sociétés distinctes, dans des supports différents et dans un intervalle de temps de près de deux ans.Ainsi l'infraction poursuivie à ce jour est distincte de celle qui a fait l'objet de la condamnation précitée. L'exception de chose jugée sera donc rejetée.

2- Sur le délit de publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur :

Il incombe à MM. G et W, en leur qualité d'annonceur, de justifier de l'exactitude et de l'absence d'ambiguïté des affirmations contenues dans les messages publicitaires incriminés.

M. G ne produit aucun document démontant que le port du bermuda thermo amincissant entraîne une perte de kilos superflus et de la peau d'orange. Il verse aux débats le dossier du fabricant des semelles du Docteur Metz avec les témoignages de quatre médecins allemands les ayant testés sur 25 patients en moyenne. Ces derniers, après avoir noté que leur patient avaient constaté une irrigation des jambes améliorée et une meilleure évacuation intestinale, indiquent des pertes de poids extrêmement variables allant du simple au double. Ces documents n'ont rien d'officiel et leur caractère scientifique n'est pas établi. Par ailleurs, M. G ne fournit aucune pièce attestant que " le Docteur Metz " est titulaire d'un diplôme de médecine, alors que la référence à un médecin est pour le consommateur un gage de sérieux.

Le délit de publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur est donc constitué.M. G sera condamné dans les termes du dispositif, étant précisé que la récidive légale ne sera pas retenue, la condamnation du 10 mars 1994 étant amnistiée.

M. W produit une monographie du Slim 4 établie par le fabricant qui décrit très précisément sa composition et les vertus amaigrissantes de chacun de ses composants. Cette étude n'a aucun caractère scientifique et n'est accompagnée d'aucun test clinique alors que la présentation du produit en pilules ou ampoules fait référence à la notion de médicament. Elle ne peut permettre à M. W d'affirmer que la prise de Slim 4 dont la possibilité de " mincir sans effort et sans régime ", ces termes étant inscrits en caractères gras et en titre de la publicité alors que ceux qui indiquent qu'il s'agit d'un complément alimentaire figurent en petits caractères au milieu d'autres textes.

Le délit de publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur est donc constitué.M. W sera condamné dans les termes du dispositif.

3- Sur le délit de complicité de publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur :

M. M, en sa qualité de directeur de publication est manifestement au courant des techniques publicitaires et de marketing,spécialement dans un domaine touchant à la fois à la santé et à l'esthétique des consommateurs et plus généralement leur forme pour lequel il existe une sensibilité très particulière et bien connue des annonceurs. Il avait donc le devoir de surveiller et de vérifier le contenu de toutes les publications dont il avait la charge.

M. M ne justifie pas de l'absence de remarque du BVP, lequel au contraire, a indiqué au cours de l'enquête qu'il aurait déconseillé la publication sans modifications ou vérifications préalables des publicités incriminées.

Ainsi en acceptant de diffuser les publicités susvisées aux allégations mensongères (maigrir en marchant ... maigrir en dormant etc ...) accompagnées de clichés tapageurs (présentations de photos comparatives improbables) manifestement issus de montages et émanant d'annonceurs qui ne sont pas toujours identifiables, M s'est rendu coupable du délit de complicité qui lui est reproché. Il sera condamné dans les termes du dispositif.

4- Sur les intérêts civils :

L'Union fédérale des consommateurs se constitue partie civile et demande de condamner les prévenus à lui verser chacun la somme de 50 000 F de dommages-intérêts pour chacune des publicités poursuivies et celle de 3 000 F chacun sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Association ayant pour objet la défense des consommateurs, elle a subi, du fait des infractions reprochées aux prévenus, un préjudice personnel dont ils lui devront réparation dans les termes du dispositif.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard de toutes les parties, Reçoit les appels des prévenus et du Ministère Public, Vu le jugement de disjonction en date du 18 décembre 1996, Rejette l'exception de chose jugée soulevée par M. G Bernard, Déclare G Bernard et W Jean-Philippe coupables des délits de publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur, Déclare M Francis coupable des délits de complicité de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, Faisant application de la loi pénale, Condamne G Bernard à cent cinquante mille francs (150 000 F) d'amende, W Jean-Philippe à cent cinquante mille francs (150 000 F) d'amende, M Francis à cent mille francs (100 000 F), Sur le plan civil, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à l'UFC Que choisir à titre de dommages-intérêts la somme de 20 000 F pour la réparation du préjudice collectif du consommateur et la somme de 1 500 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable chaque condamné.