CA Rennes, 3e ch., 25 septembre 1997, n° 96-00863
RENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Auzenou, Besson (Mme), Breuillard, Cougnaud-Dughman (Mme), Galpin- Froger (Mme), Gosset, Goubet (Mme), Hervé, Hubert, L'Union Féminine Civique et Sociale, Le Borgne, Le Troadec (Mme), Maisonneuve (Mme), Normand, Pelé (Mme), Remy, Tuset, Vidal, Villemin (Mme), Voineau (Mme), Yubero (Mme)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Segondat
Conseillers :
M. Le Quinquis, Mme Legeard
Avocats :
Mes Azan, Lavolle, Arion, Le Gof, Beaugeard, Kerneis, Cartron, Fretin-Bathily, Lorillière, Travers, Berthault, De Montgolfier, Lucas.
Rappel de la procédure :
Le jugement :
Le Tribunal Correctionnel de Nantes par jugement contradictoire en date du 12 février 1996, pour :
Publicité mensongère ou de nature à induire en erreur
Démarchage, sans contrat, à domicile ou dans un lieu non destiné au commerce de bien ou service
Offre préalable de crédit sans formulaire nécessaire à l'exercice du droit de rétractation
a condamné P Alain-Pierre à 20 mois d'emprisonnement dont 14 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans, publication du jugement ; obligation d'indemniser les victimes.
et a statué sur les intérêts civils.
Les appels :
Appel a été interjeté par :
Monsieur P Alain-Pierre, le 14 février 1996 à titre principal et général
M. Le Procureur de la République, le 14 février 1996 à titre incident.
La prévention :
Considérant qu'il est fait grief au prévenu P Alain-Pierre :
- d'avoir sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription et en tout cas à Nantes :
* courant 1989, 1990, 1991, 1992 effectué des publicités comportant des allégations, indications ou présentations faussées ou de nature à induire en erreur sur les emplois proposés aux personnes ayant suivi un stage de formation organisé par la société E, au préjudice notamment des personnes (D 1253) :
Auzenou Y ; Avenel A, Balleix Y ; Barrier MS, Besson V, Bocande A, Bonin G, Bournac MF, Bourland T, Breuillard S, Brochard B, Chauvin FY, Chesnel M, Cornaud L, Daireaux V, Danet S, De Chechi M ; Delaroche Y, Desmasures D, Du Bouetiez V, Dughamm-Gougnac D, Durand S, Fraud P, Gaboret O, Galpin Froger M, Guinard C, Hardy N, Helaine P, Hervé G, Houal V, Hubert A, Jeconday E, Joly P, Jullien R, Laurendeau C, Le Borgne P, Lecomte L, Legoff A, Lemenicier C, Lempenicier C, Le Roux JJ, Le Troadec H, Leveque C, Maisonneuve F, Marchande E, Martineau S, Masson C, Maurel V, Nicole Y, Noel X, Normand D, Paulic L, Pelé M, Prochet S, Pruvost P, Raimbault P, Rasset F, Refloc'h B, Remy V, Richard V, Roche Ch, Roger P, Sagory P, Samson I, Simon JP, Talmon K, Tertre G, Toussaint MF, Traver R, Treguer V, Turquois V, Tuset A, Vallet A, Van Der Linden, Vidal L, Villemin C, Voineau F, Yubero I.
* courant 1989, 1990, 1991, 1992, démarché dans des lieux non destinés à la commercialisation de la prestation proposée en l'espèce des hôtels ou des centres d'affaires, des personnes à qui était remis un contrat ne comportant pas la formule détachable destinée à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation et exigé ou obtenu d'elles, directement ou indirectement une contre partie financière ou un engagement, en l'espèce des sommes d'argent allant de 1 200 à 6 100 F.
* courant 1990, 1991, 1992 effectué des publicités relatives à une formation professionnelle sans que ces publicités indiquent les tarifs applicables, fait souscrire des contrats de formation ne mentionnant pas la possibilité de rétractation par lettre recommandée avec accusé de réception dans le délai de 10 jours, et exigé des sommes d'argent avant expiration du délai de rétractation.
Fait prévus et réprimés par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-21, L. 121-23, L. 121-24, L. 121-26, L. 121-28 du Code de la Consommation, L. 920-6, L. 920-13, L. 993-2 du Code du travail (articles 8, 11, 20 de la loi du 4 juillet 1990).
En la forme :
Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme ;
Au fond :
Considérant qu'il résulte du dossier les éléments suivants :
En septembre 1989, M. P a créé l'EURL E à la fois institut de formation et conseil en ressources humaines. Cette EURL a été transformée en SARL en janvier 1991, M. P en étant le gérant.
Dans le cadre de son activité d'institut de formation, l'E prétendait assurer en 4 semaines la formation de ses élèves moyennant un coût réglé par eux de 14 200 F puis 15 600 F outre les frais d'hébergement. Ces élèves étaient ensuite censés être recrutés par les entreprises qui s'adressaient à l'E dans le cadre de son activité de conseil en ressources humaines.
Afin de trouver les candidats à la formation, l'E a fait paraître, de 1989 à 1992, dans divers journaux locaux (Ouest-France, Presse Océan, Le Télégramme de Brest) des annonces publicitaires ainsi conçues :
" Sans emploi : un emploi stable vous est garanti, par contrat à l'issue d'une formation accessible à tous avec ou sans expérience, 4 semaines seulement... Emploi possible dans votre département... Vente aux professionnels seulement... Pas de porte à porte.... Salaire fixe assuré ".
ou bien :
" L'E vous garantir l'emploi dans la fonction commerciale fixe 5 000 F minimum + un pourcentage pour les frais... Vente aux professionnels (pas de porte à porte) après formation intensive de quatre semaines "
ou encore :
" L'E vous garantit l'emploi après 4 semaines de formation... Plusieurs secteurs proposés... Fixe garanti : 5 000 F minimum, pas de porte à porte... "
A compter de janvier 1991, ces annonces seront légèrement modifiées en ce sens que l'emploi ne sera plus garanti mais proposé ce qui donne les rédactions suivantes :
" Sans emploi,
Un emploi stable est proposé à l'issue d'une formation accessible à tous (avec ou sans expérience, quatre semaines seulement) "
" Après 4 semaines de formation à l'E, nous vous proposerons un emploi de commercial dans les secteurs suivants... "
un astérisque renvoyant à la mention " selon les clauses du contrat ".
Intéressés par cette annonce fort alléchante, de nombreux candidats et plus particulièrement des jeunes ont pris contact avec l'E qui leur donne rendez-vous non dans ses locaux mais dans des centres d'affaires ou dans les hôtels où, après présentation de l'institut, M. P ou l'un de ses collaborateurs leur fait passer des " tests " puis après entretien individuel, leur fait signer un contrat sans leur accorder un délai de réflexion ni faire état d'une faculté de renonciation ; à compter du 22 janvier 1991, les candidats retenus après les tests ont été conviés à venir signer les contrats dans les locaux de l'E à Nantes.
De nombreuses plaintes ayant été déposées, la DGCCRF devait établir plusieurs procès-verbaux de délits pour publicité mensongère et non respect des dispositions sur le démarchage à domicile.
Considérant que Alain-Pierre sollicite sa relaxe au motif que les infractions ne sont pas constituées ;
Qu'en ce qui concerne la publicité mensongère, il affirme avoir toujours respecté ses engagements contractuels au-delà même de ce que les lecteurs des annonces publicitaires pouvaient raisonnablement en attendre ; qu'en effet, le vocable " garanti " en saurait être considéré comme une garantie totalement inconditionnée, dans la mesure où certaines conditions pourtant bien expliquées aux candidats préalablement à leur engagement n'ont pas été respectées par les stagiaires dont certains ont refusé l'emploi pour convenance personnelle ou ne sont pas présentés au rendez-vous d'emploi ;
Que de plus, aucune personne saine d'esprit ne pouvait réellement croire qu'eu égard à la situation de chômage, l'E allait obligatoirement fournir un emploi à ses stagiaires après seulement quatre semaines de formation ; que les candidats avaient un profil (Bac + 2) qui leur permettait de comprendre la réelle portée d'un tel slogan publicitaire sans être induite en erreur ; l'appréciation devant être faite au regard de la psychologie du consommateur moyen ;
Qu'en outre, l'intégralité des emplois proposés par ses entreprises partenaires correspondant aux engagements contractuels de l'E, tout contrat proposé étant à durée indéterminée même s'il était rompu au cours de la période d'essai ;
Qu'il ajoute que les stagiaires savaient pertinemment qu'à l'issue du stage, la seule obligation de l'E était de les présenter à des employeurs lesquels restaient " maîtres " de leur décision ; qu'il n'y a donc eu aucune tromperie, même au regard d'une concurrence interne entre les stagiaires E relevée par le Tribunal ; que les candidats non retenus dans de tels cas se voyaient présenter d'autres propositions ;
Que tous les emplois offerts prévoyaient une rémunération fixe au minimum de 5 000 F, les stagiaires ayant précisé dès le début du stage qu'ils avaient une mobilité nationale ce qui ne permet pas de reprocher à l'E d'avoir présenté des propositions non régionales ;
Qu'il observe que le renvoi par astérisque aux clauses contractuelles est parfaitement légitime et soutient avoir tout mis en œuvre pour respecter les engagements contractuels de l'E, une assistance commerciale ayant même été recrutée avec pour mission la recherche d'emplois aux stagiaires ; que d'ailleurs, le bureau de vérification de la publicité n'a relevé aucune anomalie ;
Que s'agissant du démarchage dans des lieux non destinés à la commercialisation de la prestation proposée, Alain-Pierre P soutient que c'est à tort que le premier juge a considéré qu'un centre d'affaires loué ou un salon d'hôtel retenu pour un séminaire ne pouvait être qualifié d' " annexe de l'E " alors même qu'il s'agit de salles de réunion à caractère commercial réservées en outre au seul usage de l'E ; que d'ailleurs, il n'y avait pas opération de démarchage puisque le client avait volontairement provoqué sa visite dans ce lieu en prenant auparavant contact avec l'E ;
Qu'il estime en conséquence, que les stagiaires ne peuvent se prévaloir d'un délai de rétraction pour tenter de récupérer leur versement ;
Qu'au surplus, il n'y a pas d'élément intentionnel puisqu'il a consulté au préalable M. Bardou, Conseiller Juridique et docteur en droit ;
Qu'en ce qui concerne les règles relatives à la formation professionnelle, Alain-Pierre P allègue que les articles L. 920-6 et L. 920-13 du Code du travail ne sont pas applicables en l'espèce au motif que sa formation ne peut être qualifiée de formation professionnelle continue, l'E dispensant un enseignement très généraliste axé sur le développement des qualités personnelles ; que cette formation ne correspond en rien aux critères visés par les articles 900-1 et suivants du Code du travail ; Que d'ailleurs l'administration elle-même ne lui a pas reconnu la qualité d'un organisme de formation mais celle d'une société de conseil ; qu'en outre, là encore, il s'est entouré de conseils ce qui exclut l'élément intentionnel ;
Qu'au surplus, Alain-Pierre P sollicite, si la Cour estimait les infractions constituées, le bénéfice de circonstances atténuantes continuant à s'appliquer au regard de la date des faits puisqu'il a cru agir en toute légalité ;
Considérant que M. Tuset, partie civile, souligne ne pas avoir reçu communication des conclusions et pièces déposées devant la Cour par le prévenu ;
Que M. Auzenou sollicite le rejet des pièces du fait du non-respect du contradictoire ;
Que les pièces produits devant la Cour sont les mêmes que celles déposées devant le Tribunal et restées dans le dossier présenté à la Cour ;
Que ces pièces doivent dès lors être admises et M. Auzenou débouté de sa demande de rejet desdites pièces ;
I - Sur la publicité mensongère
Considérant qu'est prohibée par l'article L. 121-1 du Code de la Consommation toute publicité comportant sous quelque forme que ce soit des allégations, indications fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur la portée des engagements pris par l'annonceur ;
Considérant que les annonces diffusées par l'E doivent s'apprécier dans leur entier et par rapport au public auquel elles s'adressent, c'est à dire aux jeunes sans emploi, dans un contexte économique de chômage important ;
Considérant que les publicités sus-reproduites sont de nature à donner aux lecteurs l'assurance d'un emploi à l'issue de la formation et ce, que cet emploi soit " garanti " ou simplement " proposé ", les modalités de l'emploi étant même définies, à savoir la rémunération garantie (fixe minimum de 5 000 F, la localisation : emploi régional voire local), les conditions de travail (vente aux professionnels, pas de porte à porte), le secteur d'activité.
Considérant que de telles annonces dépassent le stade du simple slogan et s'inscrivent au contraire dans le cadre d'une prestation particulièrement coûteuse, l'annonceur se faisant fort d'exécuter sa promesse grâce à son réseau d'entreprises partenaires dont il s'enorgueillissait ;
Considérant que c'est en vain que M. P s'abrite derrière les clauses du contrat relatives à la proposition d'emploi, n'hésitant pas à affirmer que toutes ses offres étaient sérieuses et que le refus d'obtention de l'emploi était imputable au seul stagiaire ;
Considérant en effet qu'en prévoyant dans le contrat que tout entretien préalable à une embauche équivalait à une proposition d'emploi puisque le stagiaire sera de ce fait considéré comme ayant le profil correspondant au poste de travail offert par l'entreprise, l'E s'exonérerait en réalité de son obligation relative à l'emploi " garanti " puis " proposé ".
Que la déposition de M. Masson, gérant de la société FIJ (D 955) démontre que les stagiaires ne correspondaient pas à ce que recherchait l'employeur ; qu'en ce qui concerne, sur les 9 stagiaires de l'E recrutés par lui avant mars 1990, un seul constituait un bon élément, quatre avaient donné leur démission et trois avaient été licenciés, le dernier étant en arrêt pour accident ;
Que les dires de M. Masson sont confirmés par les déclarations de M. Pasco gérant de la société CID Éditions à St Herblain (D 286) qui a recruté 2 candidats sur une dizaine proposée et M. Frein, inspecteur d'assurances du groupe La Mondiale à Nantes (D 288) qui, lui, a engagé deux candidats sur une vingtaine ;
Que cependant, en présentant aux employeurs des stagiaires n'ayant pas le profil recherché, l'E prétendait ainsi leur imputer la responsabilité du non-recrutement.
Considérant qu'à cet égard, la déposition de M. Refloch, stagiaire malheureux (D 1), est également révélatrice des carences de l'E ; que M. Refloch après avoir rappelé que l'E lui avait promis un emploi avec un salaire minimum de 5 000 F, commissions en sus, précise que le seul emploi proposé auprès de la société Belle Diapos à Fougères était assorti d'un salaire de 2 500 F ; qu'à la suite de son refus, l'E lui a indiqué que de ce fait, aucune autre proposition de travail ne lui serait faite, Alain-Pierre P n'hésitant pas à prétendre que ce plaignant n'a pas suivi de formation et ne saurait ainsi se plaindre d'une publicité mensongère ;
Qu'au surplus, M. Refloch souligne que deux autres stagiaires de l'E étaient candidats à cette offre d'emploi qui ne pouvait pourtant aboutir qu'à un seul recrutement, en l'occurrence celui d'un collègue stagiaire brestois de M. Refloch ; qu'ainsi, il est établi qu'avec une seule proposition d'emploi, l'E affirme avoir satisfait ses obligations à l'égard au moins de deux stagiaires (M. Refloch et le stagiaire embauché) ;
Que cette situation est confirmée par Mme Raimbault (D 208) qui pour la troisième offre d'emploi qui lui a été faite, précise que 5 candidats E étaient sur les rangs ; que sa candidature ayant été retenue, elle dû démissionner 3 semaines après car elle gagnait peu d'argent (2 224 F) et avait beaucoup de frais ;
Que Mme Le Goff (D 800) stagiaire en juillet 1990 signale pour sa part qu'à l'issue de ce stage, il lui a été proposé ainsi qu'à d'autres stagiaires un emploi auprès de la SEDAP laquelle était en liquidation judiciaire, le responsable M. Delaval ne payant pas ses commerciaux ; que pourtant M. P n'hésite pas à alléguer son refus d'accepter cet emploi ; que Mme Le Goff ajoute qu'ensuite, un autre travail lui a été proposé auprès de la Société Api d'Angers qui recherchait des vendeurs de publicités audiovisuelle sur St Herblain, poste auquel elle ne pouvait convenir du fait de son éloignement géographique ;
Qu'elle observe que sur 13 stagiaires, un seul a trouvé un emploi par l'intermédiaire de l'E, Mme Raimbault signalant que ses onze autres camarades n'avaient pas non plus trouvé de travail tandis que M. Refloch se souvient de 3 personnes non embauchées sur 5 ou 6 stagiaires ;
Considérant que les témoignages des stagiaires recueillis au cours de l'instruction confirment le caractère non sérieux des propositions qui étaient faites à tous les stagiaires de l'E lesquels pour la plupart n'avaient pas le profil recherché par les employeursqui s'étonnaient même de leur présence (cf déclaration de Mme Gaubert - D 824) ;
Que l'audition de Mme Regent (D 811) est également très révélatrice à cet égard ; qu'en effet, elle signale avoir refusé de se rendre à un entretien qui ne pouvait déboucher sur un emploi puisqu'elle n'habitait pas le secteur demandé ; que d'ailleurs, les 2 stagiaires E s'étant présentés ont été refusés pour ce motif ;
Considérant en outre que M. Bouin qui selon M. P a été embauché déclare (D 876) que la seule proposition qui lui a été faite comportait une rémunération en dessous du fixe annoncé par l'E ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que même si certains stagiaires E ont pu trouver un emploi, les offres d'emploi " garanties " voire seulement " proposées " n'étaient nullement sérieuses ;
Qu'en conséquence, la publicité alléchante de l'E était bien de nature à induire en erreur le lecteur, même consommateur moyen, d'autant plus que le contrat prévoyait qu'en cas de non proposition, l'E rembourserait 75 % du coût du stage ce qui a incité certains candidats à signer le contrat ;que là encore, l'E s'est dérobée à ses obligations puisqu'elle arguait pour refuser le remboursement que la non embauche du stagiaire lui était obligatoirement imputable ;
II - Sur le démarchage à domicile
Considérant que M. P reconnaît que jusqu'au 22 janvier 1991, les contrats de formation n'étaient pas signés dans les locaux de l'E à Nantes mais dans des centres d'affaires ou des hôtels pour des raisons dit-il de commodité pratique afin d'éviter à ses cocontractants des déplacements ; qu'à compter du 22 janvier 1991, les candidats toujours recrutés dans les centres d'affaires ou hôtels étaient conviés à venir signer leur contrat dans les locaux de l'E à Nantes ;
Considérant que contrairement aux dispositions prévues par la loi du 22 décembre 1972 sur le démarchage à domicile, les contrats de formation ne comportaient aucun bordereau de rétractation et il était exigé immédiatement du contractant un acompte variant selon situation financière ;
Considérant que l'article L. 121-21 du Code de la Consommation stipule qu'est soumis aux dispositions de la loi sur le démarchage à domicile le démarchage dans les lieux non destinés à la commercialisation du bien ou du service proposé (en l'espèce le contrat de formation) et notamment l'organisation par un commerçant à son profit de réunions ou d'excursions afin de réaliser les opérations définies à l'alinéa précédent : que cette disposition s'applique même lorsque le client est à l'origine des demandes en ayant pris contact préalablement avec L'E dès lors qu'aucun engagement n'a été pris ;
Considérant que les centres d'affaires ou les hôtels qui ne peuvent être assimilés à des " foires ou salons " et auprès desquels l'E louaient des salles spécifiquement pour la réunion et la réception des candidats stagiaires et le temps strictement nécessaire à celles-ci, ne devenaient pas de ce fait des " annexes " de l'E ; qu'il ne s'agit donc pas de lieux destinés à la commercialisation de la prestation offerte par l'E ; qu'il importe peu que ces salles soient destinées à être louées par leurs propriétaires et aient ainsi pour ceux-ci une vocation commerciale ;
Considérant que le non-respect du délai de réflexion de 7 jours prévu par la loi du 22 décembre 1992 s'est révélé d'autant plus dommageable pour les signataires du contrat que ceux-ci ont dénoncé de façon quasi-unanime la pression faite sur ceux par M. P ou ses collaborateurs (Cf Mme Le Goff D 800, Mme Lemercier D 961, Mme Balleix D 1226, Mme Pain D 1227), qu'un nombre non négligeable d'entre eux a aussitôt regretté leur engagement et tenté d'obtenir l'annulation du contrat, en vain, l'E exigeant le versement d'une indemnité de résiliation importante ; que d'ailleurs pour éviter les difficultés liées aux chèques frappés d'opposition, un paiement par carte bancaire a fini par être exigé ;
Considérant que les infractions relatives au non respect de la loi sur le démarchage à domicile sont ainsi constituées, M P ne pouvant s'abriter derrière les conseils qui lui ont été donnés par des juristes même éminents ;
III - Sur les règles relatives à la formation professionnelle (Loi n° 90-579 du 4 juillet 1990)
Considérant que l'article L. 900-2 1° du Code stipule : " les types d'action de formation qui entrent dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue sont les suivants :
1°) les actions de préformation et de préparation à la vie professionnelle, elles ont pour objet de permettre à toute personne, sans qualification professionnelle et sans contrat de travail, d'atteindre le niveau nécessaire pour suivre un stage de formation professionnelle, proprement dit ou pour entrer directement dans la vie professionnelle... "
Considérant que la formation assurée par l'E entre bien dans le cadre de cette disposition, qu'en effet, le contrat litigieux avait pour but d'assurer une formation commerciale à des stagiaires souhaitant exercer une fonction de vente dans une entreprise ou pour une entreprise ; que cette formation est ainsi définie (contrat signé le 15 novembre 1991 par Mme Voineau (D 610) " Elle comprend principalement les matières suivantes :
- Dynamique et puissance de l'esprit (séances de motivation et d'autosuggestion, cours théoriques et pratiques) :
- relations humaines,
- l'organisation du travail,
- comment conclure une vente... "
ce qui illustre à l'évidence son caractère professionnel d'ailleurs rappelé dans le programme annexé au contrat développant les quatre points susvisés ; qu'il ne peut en être autrement puisque l'objet de la formation est précisément de permettre au stagiaire d'obtenir un emploi dans le domaine commercial ainsi que le rappelle le document " Faire l'E... Pourquoi (D 639) remis aux candidats lequel document rappelle les engagements de l'E, s'agissant de la proposition d'emploi et vente, l'existence de son réseau de 200 entreprises partenaires ;
Que ce document a continué d'être remis aux stagiaires lorsque l'E a modifié à compter de janvier 1992 la rédaction de son contrat ; que celui-ci était ainsi rédigé : (Cote D 648 contrat signé le 31 janvier 1992 par Melle Yubero)
" Article 2 Formation (programme en annexe 1),
La formation dispensée par l'E est une formation contribuant au développement des ressources humaines, destiné à faciliter l'insertion de l'intéressé dans la vie sociale ;
Elle comprend principalement les matières suivantes :
- Dynamique et puissance de l'esprit (séances de motivation et d'autosuggestion, cours théoriques et pratiques)
- relations humaines,
- le développement de la personnalité,
- l'art de convaincre.
Celles-ci pourront toutefois subir quelques modifications, l'E s'engageant cependant à en maintenir l'esprit. Cette formation étant de portée générale, exploitable par l'intéressé dans différents domaines de la vie sociale, elle ne peut être qualifiée de professionnelle " ;
Le programme ainsi annexé étant lui-même modifié pour gommer tout aspect professionnel ; que ces précautions linguistiques ne sauraient faire illusion, l'objet du stage étant demeuré identique de même que son but à savoir permettre aux stagiaires de trouver un emploi ;
Considérant que Alain P ne peut se prévaloir de ce que sa formation ne permettait pas à ses stagiaires d'acquérir une qualification selon les critères de l'article L. 900-3 du Code du travail alors que celui-ci n'est pas applicable en l'espèce, puisqu'il définit simplement les conditions dans lesquelles les travailleurs peuvent prétendre à une formation et bénéficier à cet égard d'un crédit formation ;
Que de même, c'est à tort que Alain P affirme que le champ d'application de la formation professionnelle continue comme là où s'arrête la formation initiale fondée pour lui sur l'acquisition des connaissances générales ; qu'il lui est rappelé qu'aux termes de l'article L. 900-1, la formation professionnelle permanente comporte une formation initiale et des formations ultérieures ;
Considérant qu'il n'est pas inintéressant de souligner que Alain P a lui-même reconnue que l'E relevait de la formation professionnelle continue puisqu'il a adressé à la Préfecture la déclaration préalable prévue par l'article L.920-4 al. 2 du Code du travail (D 590) ;
Qu'il est tout à fait inopérant que la Préfecture de Loire-Atlantique ait renoncé fin 1997 à poursuivre le contrôle qu'elle avait engagé à l'encontre de l'E ; qu'en effet la Cour n'est pas liée par l'appréciation faite par l'administration envers l'E au regard de la loi sur la formation professionnelle continue ;
Qu'également, le Code APE attribué à l'E est non significatif en l'espèce d'autant plus que l'E avait une double activité dont l'une correspondait précisément à l'activité de conseil aux entreprises conforme au code APE allégué, activité qui permettait d'ailleurs à l'E de percevoir pour chaque stagiaire embauché une rémunération complémentaire versée par l'employeur ;
Qu'il est surprenant que Alain-Pierre P puisse déclarer au Juge d'Instruction (D 1237) que l'E ne dispensait pas de formation alors qu'il délivrait à ses stagiaires des certificats de formation commerciale.
Considérant que l'E relevant de la formation professionnelle continue au sens de l'article L 900-2 1° du Code du travail devait respecter les dispositions des articles L 920-6 et L. 920-13 du même Code ; que celles de l'article L. 920-6 imposent notamment de préciser dans la publicité les tarifs applicables et les modalités de règlement ainsi que les conditions financières prévues en cas de cessation anticipée de la formation ou d'abandon en cours de stage ; que celles de l'article L. 920-13 permettent au stagiaire de se rétracter dans le délai de 10 jours à compter de la signature du contrat et interdisent d'exiger quelque somme que ce soit de lui avant l'expiration dudit délai de rétraction ; que seule une somme de 30 % peut être payée à l'issue de ce délai, le solde étant payable par échelonnement au fur et à mesure du déroulement de l'action de formation ;
Considérant que Alain-Pierre P reconnaît que ces dispositions n'ont pas été respectées ; que là encore, il ne peut invoquer l'absence d'intention coupable du seul fait qu'il se serait entouré de l'avis de juristes ; que force est de constater que les modifications des contrats n'ont eu pour but que de contourner l'application de la loi et révèlent la volonté de Alain-Pierre P de commettre l'infraction ;
Considérant dans ces conditions que les faits visés à la prévention sont bien établis par les éléments du dossier ; qu'ils ont été exactement qualifiés par le premier juge qui a appliqué une sanction adéquate ;
Qu'Alain-Pierre P a en effet profité d'une situation de chômage difficile pour tirer profit du désir ardent d'obtenir un emploi émis par de nombreuses personnes lesquelles ont accepté de payer chez une prestation qui s'est révélée illusoire ;
Que malgré les nombreuses plaintes déposées, l'enquête et l'instruction en cours, Alain-Pierre P a maintenu son attitude répréhensible et poursuivi son activité laquelle ne s'est arrêtée que par l'effet du jugement de liquidation judiciaire de l'E ;
Que toutefois, la sanction prononcée sera réformée en ce que le premier juge a fixé le coût de la publication ordonnée ;
Considérant sur l'action civile que Alain-Pierre P ne peut méconnaître le préjudice subi par les signataires du contrat n'ayant pas suivi le stage ;
Qu'en effet, c'est en fonction d'une publicité mensongère qu'ils se sont engagés, la méconnaissance de l'interdiction de percevoir un acompte et du délai de rétractation ne leur ayant pas permis de récupérer les sommes versées ;
Considérant que MM. Hervé, Gosset, Hubert ainsi que Mmes Maisonneuve, Pelé, Voineau, Cougnaud-Dughman, Galpin-Froger, Yubero, Remy, Goubet sont fondées à réclamer les paiements des sommes versées et non restituées par l'E ; qu'il leur sera accordé en outre pour les parties civiles susvisées le demandant une indemnité complémentaire au titre du préjudice moral qui sera évaluée à 1 000 F ainsi qu'en application de l'article 475-1 du Code de Procédure Pénale, les sommes ainsi allouées étant précisées dans le dispositif ;
Considérant que les stagiaires n'ayant pas obtenu d'emploi ont subi un préjudice important sans pour autant égaler le coût du stage que certains ont malgré tout trouvé intéressant ; qu'il sera alloué à MM. Le Borgne, Breuillard, Normand, Vidal et à Mesdames Besson, Le Troadec, Villemin épouse Christin, les sommes mentionnées au dispositif à titre de dommages-intérêts ; qu'il sera souligné que si quelques uns on été embauchés après le stage, ils ont été licenciés à la fin de la période d'essai (M. Vidal) ou ont dû démissionner du fait des conditions financières nettement moins avantageuses que celles promises (Mme Besson) ;
Considérant qu'en ce qui concerne M. Tuset, celui-ci avait été embauché par L'E elle-même ; que son préjudice du fait des infractions retenues est de moindre importance ;
Considérant que M. Auzenou après avoir signé le contrat de formation a sollicité un congé sans solde auprès de son employeur la CAF ; que n'ayant pu trouver un emploi, il a réintégré la CAF à compter de la mi-janvier 91 ; qu'ainsi son préjudice est en ce qui le concerne plus important ;
Considérant que la constitution de partie civile de l'Union Féminine Civique et Sociale n'est pas contestée ; que le premier juge a correctement estimé son préjudice ;
Considérant qu'il sera alloué aux parties civiles le réclamant une indemnité au titre des frais non répétibles d'appel ;
Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de P Alain-Pierre, Auzenou Yves, Besson Valérie, Hervé Jean Gilles, L'Union Fémine Civique et Sociale, Le Borgne Bruno, Maisonneuve Florence, Pele Monique, Tuset Antoine et Villemin Cathy épouse Christin, par défaut à l'encontre de Breuillard Sébastien, Cougnaud-Dughman Dominique, Galpin-Froger Myriam, Gosset Manuel, Goubet Nathalie, Hubert Patrice, Le Troadec Herveline épouse Le Mercier, Normand Dominique, Remy Dominique, Vidal Laurent, Voineau Florence et Yubro Isabelle. En la forme Reçoit les appels, Au fond, Sur l'action publique Confirme le jugement en toutes ses dispositions à l'exception de celle relative au coût de la publication du jugement ; Rappelle qu'aux termes des dispositions légales, le coût de la publication est limité au maximum de l'amende encourue. Constate que l'avertissement prévu à l'article 132-40 du Code pénal n'a pu être donné au prévenu absent lors du prononcé de l'arrêt, Sur l'action civile Réforme partiellement le jugement, Condamne Alain-Pierre P à payer aux parties civiles à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudices confondues, les sommes suivantes :
- Mme Florence Maisonneuve 4 600 F
- Mme Pele Monique 4 600 F
- M. Bruno Le Borgne 10 000 F
- M. Jean-Gilles Hervé 4 600 F
- Melle Isabelle Yubero 4 600 F
- M. Antoine Tuset 8 000 F
- Mme Herveline De Troadec épouse Le Mercier 10 000 F
- Mme Rémy Dominique 3 600 F
- M. Sébastien Breuillard 10 000 F
- M. Yves Auzenou 30 000 F
- M. Dominique Normand 10 000 F
- M. Manuel Gosset 3 000 F
- M. Laurent Vidal 10 000 F
- Mme Florence Voineau 500 F
- Mme Dominique Cougnad-Dughman 5 100 F
- Mme Valérie Besson 10 000 F
- M. Patrice Hubert 4 200 F
- Mme Myriam Galpi- Froger 5 390 F
- Melle Nathalie Goubet 3 260 F
Confirme pour le surplus les dispositions civiles du jugement et notamment celles relatives au préjudice de l'Union Féminine Civique et Sociale et aux indemnités allouées en application de l'article 475-1 du CPP en première instance. Y ajoutant, Condamne Alain-Pierre P à payer aux parties civiles suivantes : M. Auzenou, M. Hervé, M. Tuset, Mme Villemin épouse Christin, M. Le Borgne et à L'union Féminine Civique et Sociale la somme de 2 000F chacun sur le fondement de l'article 475-1 du CCP en cause d'appel. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné. Le tout en application des articles susvisés, 800-1 du Code de procédure pénale.