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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 6 mars 1997, n° 96-06985

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Babigeon

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bertolini

Conseillers :

Mmes Barbarin, Marie

Avocat :

Me Boespflug.

TGI Paris, 11e ch., du 24 sept. 1996

24 septembre 1996

Rappel de la procédure :

La prévention :

Bernard P a été poursuivi devant le Tribunal correctionnel de Paris sous la prévention d'avoir à Paris et depuis temps non prescrit, du 27 juin 1995 au 2 août 1995, effectué une publicité fausse ou de nature à induire en erreur sur la portée des engagements pris par l'annonceur, en mettant en vente, à compter du 27 juin 1995, le numéro " juillet août " du magazine X mentionnant en couverture l'offre d'un coupon SNCF Carrissimo dont la validité se trouve en réalité restreinte au mois de juillet 1995.

Faits prévus et réprimés par les articles L. 121-1 à L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation.

Le jugement :

Le tribunal, par jugement contradictoire à signifier, a déclaré P Bernard coupable des faits reprochés et,

L'a condamné à 50 000 F d'amende,

A ordonné la publication du jugement dans le magazine X,

A assujetti la décision à un droit fixe de procédure de 600 F ;

Sur l'action civile le tribunal a reçu Cyril Babigeon en sa constitution de partie civile et a condamné Bernard P à lui payer la somme de 342 F à titre de dommages-intérêts.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

M. P Bernard, le 1er octobre 1996, sur les dispositions pénales et civiles,

M. le Procureur de la République, le 1er octobre 1996,

Décision :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par le prévenu et par le Ministère public à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence pour les termes de la prévention ;

A l'audience du 23 janvier 1997, M. Bernard P, assisté de son conseil, demande à la cour, par voie de conclusions, de le relaxer et de débouter M. Cyril Babigeon, partie civile, de ses demandes.

A titre subsidiaire, il demande que ne soit pas prononcée à son encontre, avec le bénéfice du sursis, qu'une amende de principe et que la mention de cette condamnation soit exclue du bulletin numéro 2 de son casier judiciaire, en application de l'article 775-1 du Code de procédure pénale.

M. P fait valoir, à l'appui de son recours, que la société Y a, dès le mois de mai 1995 demandé aux " Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne ", qui distribuent la revue " X" de retirer de la vente le numéro daté de juillet août 1995 le 31 juillet, et que cette entreprise a confirmé avoir reçu et retransmis ces instructions. Que les diligences ainsi accomplies étaient suffisantes, la société Y ne distribuant pas elle-même la revue en cause, et donc exclusive d'une quelconque imprudence ou négligence. Il estime que, dans ces conditions, il ne saurait être tenu pour responsable du fait que, le 2 août 1995, M. Cyril Babigeon ait pu acheter cette revue dans un kiosque, observant en outre que cette situation était à l'évidence exceptionnelle, puisqu'une seule plainte a été enregistrée.

Enfin, M. P soutient qu'il ne saurait être fait grief à la société Y d'avoir maintenu en vente un numéro daté des mois de juillet et août 1995 de la revue " X" jusqu'au 31 juillet au motif que les personnes qui l'ont acheté à cette date ne pouvaient l'utiliser que le jour même, alors qu'il est constant qu'un produit porteur d'une offre exceptionnelle peut être vendu jusqu'à expiration de celle-ci.

Le Ministère public demande la confirmation du jugement en toutes ses dispositions pénales.

M. Cyril Babigeon, partie civile, confirme les termes de sa plainte, à savoir qu'il n'a acheté le numéro "X" de juillet août 1995 que pour pouvoir bénéficier de deux trajets en chemin de fer gratuits, ainsi qu'il était annoncé sur la pastille plastique apposée sur l'enveloppe en plastique contenant la revue et ses suppléments. Il demande la confirmation du jugement sur ses intérêts civils et, en outre, la condamnation du prévenu à lui payer une somme supplémentaire de 300 F au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Sur ce, LA COUR,

I- Sur l'action publique :

1) Exposé des faits :

Par lettre du 3 août 1995, M. Cyril Babigeon déposait plainte auprès du service de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du département de Paris, pour publicité mensongère. Il exposait qu'il avait acheté dans un kiosque à journaux, le 2 août 1995, le numéro 173 du magazine " X" paru pour les mois de juillet août, parce qu'il était intéressé par l'offre faite au lecteur d'un coupon " Carrissimo " permettant deux trajets en trains gratuits, annonce qui figurait sur un autocollant apposé sur l'emballage de la revue ; or, il s'était aperçu que le " Carrissimo " n'était valable que pour les mois de juin et juillet 1995 et qu'il ne pouvait donc plus en bénéficier. Il convient de préciser que le coupon " Carrissimo " portant ces dates de validité était inclus dans un opuscule intitulé " Guide Eté 95 ", tiré à part du magazine.

L'inspecteur de la DGCCRF, chargé de l'enquête, entendait le responsable du service " Publicité et Promotion " de la SNCF, qui expliquait que cette opération s'inscrivait dans le cadre d'une campagne promotionnelle globale effectuée par son entreprise avec deux supports de presse du groupe Y et d'autres partenaires et que, si le " Guide Eté 95 " avait été élaboré conjointement par "X" et la SNCF, la mise sous plastique du magazine et l'apposition d'un autocollant sur l'emballage indiquant qu'un " Carrissimo " deux trajets était offert avec le numéro avaient été faites par Y. Il confirmait que l'offre n'était valable que du 1er juin au 31 juillet 1995, comme indiqué sur le coupon, mais précisait qu'il avait été convenu avec la société Y que les numéros de "X" seraient retirés de la vente le 31 juillet 1995, et en donnait pour preuve la télécopie que Y lui avait adressée le 17 mai 1995 à ce sujet.

L'inspecteur " entendait également le Directeur juridique adjoint des " Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne " (NMPP) qui distribuent le magazine " X" dans les différents points de vente. Il déclarait que le n° 173 de cette revue avait été mis en vente le 27 juin 1995, et que les NMPP avaient donné pour instruction aux intermédiaires, sur ordre de l'éditeur, de le retirer de la vente le 31 juillet 1995, mais que lesdits intermédiaires exécutaient cette instruction sous leur responsabilité, les NMPP n'étant tenus qu'à une obligation de moyen et non de résultat.

Le 22 janvier 1996, l'inspecteur de la DGCCRF dressait procès-verbal à l'encontre de M. Bernard P, président du directoire de la société Y dont le siège est situé <adresse>à Paris, pour publicité fausse ou de nature à induire en erreur, après s'être assuré que l'opération promotionnelle concernée n'avait pas fait l'objet d'une délégation de pouvoirs estimant que le prévenu avait fait preuve de négligence en laissant diffuser le message publicitaire.

Entendu par les services de police à la demande du parquet de Paris, M. Bernard P ne se reconnaissait pas responsable de l'infraction du fait qu'il avait donné des instructions précises, dès le mois de mai 1995, pour que le n° 173 de "X" soit retiré de la vente le 31 juillet 1995, consigne qui avait été répercutée par les NMPP.

2) Discussion :

Considérant qu'il résulte des faits ci-dessus rappelés que M. Cyril Babigeon, qui a seul saisi la DGCCRF, a acheté le numéro 173 de "X", dans un point de vente, le 2 août 1995. Qu'il pouvait raisonnablement penser que l'offre d'un coupon " Carrissimo " deux voyages avait la même période de validité que le magazine, dont la page de couverture indiquait qu'il s'agissait du numéro de juillet août 1995, et qu'il ne pouvait connaître les conditions réelles du " Carrissimo " indiquées sur le coupon inséré dans le " Guide Eté 95 ", qu'après avoir acheté le magazine, celui-ci étant emballé avec ses suppléments dans un sachet en plastique transparent. Qu'il en découle que cette présentation aurait été de nature à induire en erreur les acheteurs du magazine sur la portée des engagements prix par l'annonceur (en l'occurrence Y responsable de l'annonce indiquée sur l'autocollant et coéditeur du " Guide Eté 95 " si celui-ci avait laissé se poursuivre, fût-ce par simple négligence, les ventes de " X" au-delà du 31 juillet 1995, date limite de l'offre promotionnelle. Mais considérant, sur ce point, que M. Bernard P, dirigeant de droit de la société Y, justifie qu'il a donné ordre aux " Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne ", le 24 mai 1995, de retirer de la vente le numéro 173 le 31 juillet 1995, et que les NMPP ont confirmé et justifié qu'elles avaient bien enregistré cet ordre et l'avaient répercuté à leurs intermédiaires. Qu'aucune négligence ne saurait, dès lors, être imputée au prévenu et qu'il convient, en conséquence, en réformant le jugement déféré, de le renvoyer des fins de la poursuite exercée à son encontre.

II- Sur l'action civile :

Considérant que compte tenu de la relaxe à intervenir, il y a lieu, en réformant également le jugement déféré sur les intérêts civils, de débouter M. Cyril Babigeon, partie civile, de l'ensemble de ses demandes.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public, Réformant le jugement déféré, Relaxe Bernard P des fins de la poursuite exercée à son encontre, Déboute Cyril Babigeon, partie civile, de l'ensemble de ses demandes.