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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 21 mars 1997, n° 96-03981

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bertolini

Avocat général :

M. Guirimand

Conseillers :

Mmes Barbarin, Marie

Avocat :

Me Millot.

TGI Paris, 11e ch., du 9 janv. 1996

9 janvier 1996

Rappel de la procédure :

La prévention :

F Auguste a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour avoir à Montpellier (34) de février à mai 1994, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix en indiquant faussement sur des panneaux publicitaires qu'il s'agissait de l'affaire du mois et qu'une réduction de 30 % était pratiquée sur des articles de bijouterie,

Le jugement :

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré F Auguste coupable des faits reprochés prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation,

Et, en application de ces articles, l'a condamné à 20 000 F d'amende,

A ordonné la publication dans le quotidien " France Soir ",

A assujetti la décision à un droit fixe de procédure de 600 F ;

Les appels :

Appel a été interjeté par :

M. F Auguste, le 18 janvier 1996,

M. le Procureur de la République, le 18 janvier 1996,

Décision :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par le prévenu et par le Ministère public à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence pour les termes de la prévention ;

Auguste, Laurent F, présent et assisté de son conseil, sollicite, par voie de conclusions, sa relaxe.

A l'appui de sa demande, il soutient essentiellement qu'aucun texte n'interdit à une promotion de durer six semaines et qu'il a justifié par la communication de ses prix de référence de la réalité de la remise annoncée.

Il fait observer, en premier lieu, qu'il ne propose pas des prix promotionnels six mois par an, comme le prétend la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, les bijoux étant vendus principalement sans remise. Sur les coefficients multiplicateurs pratiqués, il soutient qu'il achète les bijoux à des prix intéressants, ce qui lui permet de réaliser une marge plus importante sans que le prix en soit augmenté par rapport à celui de ses concurrents et ajoute que ces marges importantes sont justifiées par les frais qu'il expose pour commercialiser ces bijoux.

Il précise en second lieu, pour ce qui est de la mention " l'affaire du mois ", il prétend que l'affiche qui la comporte n'a pas été commandée par la société X à son imprimeur et qu'elle a été apposée à la société Y au sein de laquelle il ne s'est jamais rendu.

Rappel des faits :

Le 14 février 1994, des agents des services déconcentrés de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, se présentaient à la Z à Montpellier, au sein du supermarché Y, par la société X dont le siège est à Paris 8e, <adresse>, pour opérer un contrôle.

Ils constataient qu'un panneau publicitaire exposé à côté du rayon bijouterie portait la mention suivante : " l'affaire du mois, 30 % de remise à la caisse sur les bagues, bracelets, chaînes et colliers ".

Le 3 mars 1994, ils relevaient qu'un panneau publicitaire exposé à côté du rayon bijouterie portait la mention suivante : " l'affaire du mois, 30 % de remise à la caisse sur la bijouterie or ".

Au-dessus des vitrines présentoirs étaient suspendus 4 panonceaux et, sur lesdites vitrines, étaient posés 6 chevalets sur lesquels figuraient les mentions suivantes : " 30 % de remise à la caisse sur boucles d'oreilles, pendentifs, broches, sauf étiquettes rouges " et " 30 % de remise à la caisse sur bagues, bracelets, chaînes et colliers, sauf étiquettes rouges ".

Le panneau exposé à côté du rayon n'indiquait pas la mention " sauf étiquettes rouges ".

La responsable du rayon indiquait que la société X lui envoyait directement du siège, les bijoux étiquetés ainsi que les panneaux publicitaires.

Les directives qu'elle avait reçues de sa direction étaient les suivantes :

Pour le mois de février 1994 : " pratiquer 30 % de réduction sur les bagues, bracelets, chaînes et colliers, sauf étiquettes rouges (à partir du 1er février au matin) ".

" Le présentoirs Saint-Valentin et les cours pour vitrines sont à mettre en place dès réception jusqu'au 20 février 1994 ".

Pour le mois de mars 1994 : " pratiquer une remise de 30 % sur les boucles d'oreilles, pendentifs et broches (à partir du 3 mars 1994 au matin) ".

" La promotion en cours du mois de février se prolonge jusqu'au 15 mars 1994 au soir ".

Sur 16 bijoux vendus avec une remise de 30 % en mars 1994, 11 d'entre eux avait déjà fait l'objet d'une remise de même montant au mois de février 1994.

Un nouveau contrôle effectué le 12 avril 1994, permettait de constater que le panneau publicitaire exposé à côté du rayon bijouterie portait la mention suivante : " l'affaire du mois, moins 30 % sur la bijouterie, pendentifs, boucles d'oreilles, broches, sauf étiquettes rouges ".

Les panonceaux suspendus au-dessus des présentoirs reprenaient les mêmes indications.

La responsable du rayon déclarait que cette promotion était valable jusqu'au 15 avril 1994, et qu'après, elle porterait sur les bagues, bracelets, colliers et chaînes.

Sur les prix de vente des bijoux ayant déjà fait l'objet d'un relevé au mois de mars 1994, 18 d'entre eux n'avaient pas été vendus, parmi ceux-ci 4 avaient déjà fait l'objet de la promotion du mois de mars 1994.

Le 16 mai 1994, les agents de la DGCCRF relevaient que le panneau indiquait sur une face : " l'affaire du mois, moins 30 % sur la bijouterie or, bagues, bracelets, colliers, sauf étiquettes rouges " et sur l'autre face : " l'affaire du mois, moins 30 % sur la bijouterie or, pendentifs, boucles d'oreilles ".

Deux chevalets portaient les mentions suivantes : " moins 30 % sur bagues, bracelets, chaînes et colliers " " moins 30 % sur les boucles d'oreilles, pendentifs et broches ".

La vendeuse déclarait qu'à l'occasion de la fête des mères, la remise s'appliquait sur tous les articles sauf étiquettes rouges.

Ainsi, du 1er au 15 mai, la remise portait sur les bagues, chaînes et colliers, à partir du 16 mai 1994, elle s'appliquait sur tous les articles et à compter du 31 mai 1994 sur les boucles d'oreilles, pendentifs et broches.

Les enquêteurs relevaient que le 19 décembre 1994, malgré la mise en demeure qu'ils avaient notifiée à la société X, les panonceaux se trouvaient toujours en place.

Selon l'extrait K bis du registre du commerce, la société X a pour président directeur général Chalom F, Auguste Laurent F en étant administrateur et directeur. Toutefois, ce dernier se présentait à la police lorsque Chalom F était convoqué et expliquait qu'il était directeur commercial, responsable des ventes et dirigeant de fait la société. Il ajoutait que les panneaux avaient été rédigés sous sa responsabilité.

Les coefficients multiplicateurs appliqués sur les articles en promotion se situaient à un niveau élevé (entre 2,5 et 5), alors que la marge moyenne appliquée par la profession est de 2,5.

Ayant pris connaissance du contenu du procès verbal de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, il soutenait que les panneaux portant la mention " l'affaire du mois " avaient été formulés par les responsables du supermarché Y et prétendait les avoir fait ôter dès qu'il avait eu connaissance de leur existence.

Il contestait l'infraction relevée au prix de référence, indiquant que la promotion dure un mois et demi et que la publicité est la même pour toute la période et niait avoir annoncé une réduction de façon permanente, expliquant avoir fait des interruptions et n'avoir ordonné des promotions que sur une partie de la marchandise.

Le responsable du magasin était interrogé et déclarait que son magasin était totalement indépendant de la société X et qu'il ne s'était jamais ingéré dans l'exploitation de celle-ci. Il affirmait que le panneau " affaire du mois " était apposé depuis son arrivée en 1993 et précisait que si des employés du magasin Y étaient intervenus pour aider les vendeuses de X, c'était à leur demande. Il ajoutait qu'Auguste Laurent F, son adjoint et le directeur régional de la société X avaient souvent visité les locaux du magasin.

Sur ce, LA COUR

Considérant que la véracité d'une publicité comportant l'annonce d'une réduction de prix doit être appréciée par rapport au prix de référence déterminé conformément aux dispositions de l'arrêté n° 77-105, lequel est défini par l'article 3 de ce texte, comme étant le prix le plus bas effectivement pratiqué par l'annonceur pour un article ou une prestation similaire, dans le même établissement de vente au détail, au cours des 30 derniers jours précédant la publicité ;

Considérant qu'il résulte des constatations des agents de la DGCCRF que les prix de référence retenus par le prévenu comme base de calcul ne répondaient pas à ces exigences ;

Qu'en effet, les prix relevés par les contrôleurs et présentés comme des prix promotionnels étaient en réalité les prix pratiqués dans les 30 jours précédents et qui étaient déjà présentés comme des prix réduits ;

Considérant qu'il est établi tant par les constatations des enquêteurs de la DGCCRF que par les déclarations du responsable du magasin Y que la société X laissait en permanence un panneau portant la mention : " affaire du mois " ;

Le directeur de Y a affirmé que les employés de la société n'agissaient qu'à la demande des vendeuses de la société X, ce qui exclut que cette affiche ait pu être placée à l'insu du prévenu comme celui-ci le soutient ;

Que l'argument du prévenu qui prétend que le responsable du magasin Y ne connaissait pas la réalité de l'exploitation du stand X situé au sein de ce magasin n'est pas pertinent et doit être écarté ;

Qu'en effet, le prévenu, en sa qualité de gérant de fait, est responsable des infractions commises par la société, peu importe la situation juridique occupée au sein de la société par les personnes à qui il a confié des missions de surveillance, dont il n'est même pas soutenu qu'elles aient bénéficié d'une délégation de pouvoir ;

Considérant que, par ailleurs, la mention " sauf étiquettes rouges " n'était pas apposée sur tous les documents publicitaires et que par suite le client pouvait croire que la réduction annoncée était appliquée à tous les articles ce qui n'était pas le cas ;

Considérant que les publicités incriminées étaient de nature à faire croire aux clients qu'ils achetaient les objets à un prix plus avantageux ;

Que l'infraction est caractérisée dans tous ses éléments et qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré tant sur la déclaration de culpabilité que sur la peine prononcée laquelle a été exactement appréciée par les premiers juges ;

Que c'est à bon droit que les premiers juges ont ordonné la publication et que leur décision doit être confirmée de ce chef ;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné.