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Décisions

CA Paris, 14e ch. B, 3 septembre 1999, n° 1999-05626

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Pomona Import (SARL)

Défendeur :

Fabre Domergue & Cie (SA), Exploitation l'Ajoupa (SARL), Balisier Scea (Sté), La Falaise (SARL), Exploitation Château Gaillard (SARL), Exploitation Du Grand Fond (SARL), Exploitation De Jonction (SARL), Exploitation Du Limbe (SARL), Exploitation Du Petit Galion (SARL), Habitation Roches Carrées (SARL), Exploitation Signardy Desgazons (SARL), Desfontaines (SARL), Macabou (SARL), Dunand & Cie des Bananes (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cuinat

Conseillers :

MM. André, Valette

Avoués :

SCP Duboscq & Pellerin, SCP Roblin-Chaix de La Varenne, SCP Bernabe-Ricard

Avocats :

Mes De Clerck, Pows, Cheyron.

T. com. Paris, du 25 janv. 1999

25 janvier 1999

La SARL Pomona Import a relevé appel d'une ordonnance de référé du 25 janvier 1999 rendue par le président du Tribunal de commerce de Paris qui a dit n'y avoir lieu à référé sur ses demandes tendant notamment à :

- ordonner à douze sociétés adverses de cesser immédiatement toute livraison, tant à la société Dunand & Compagnie des Bananes qu'à tout autre tiers, sous astreinte de 100 000 F par infraction constatée, jusqu'au terme de leur engagement de fourniture exclusive,

- faire interdiction à la société Dunand & Compagnie des Bananes de recevoir une quelconque livraison des douze sociétés concernées, qui serait fautive à raison de l'exclusivité dont bénéficie la société Pomona Import et ce, également sous astreinte de 100 000 F par infraction constatée, jusqu'au terme contractuel de l'engagement de fourniture exclusive pris par lesdites sociétés ;

- ordonner à ces douze sociétés de reprendre leurs livraisons et d'exécuter leur obligation de faire, sans délai, et ce, sous astreinte de 10 000 F par jour de retard à compter de la date d'appareillage du premier navire au départ de la Martinique suivant la signification ; le premier juge a également dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du NCPC, mais a condamné ses adversaires aux dépens.

Au soutien de son appel, la société Pomona Import expose par dernières conclusions du 1er juin 1999 qu'elle a, le 30 mars 1998, conclu des contrats "de fourniture exclusive de bananes et d'avance sur vente" avec dix filiales de la SA Fabre-Domergue & Cie, premier producteur de bananes en Martinique, à l'incitation pressante de cette société qui cherchait à procurer à ces filiales des avances de trésorerie, l'engagement de fourniture exclusive devant se poursuivre jusqu'au terme du 3e mois suivant le remboursement complet de l'avance, en capital et intérêts, tandis que la violation de cet engagement entraînerait immédiatement et de plein droit la déchéance du terme; qu'elle a ainsi avancé un total de 10 millions de francs, la société Fabre-Domergue s'étant porté-fort et s'étant constituée garante de ses filiales.

Elle précise qu'elle connaissait le courant d'affaires préexistant entre le Groupe Fabre-Domergue et la société Dunand & Compagnie des Bananes, mais que Fabre-Domergue lui avait affirmé qu'elle était dégagée de ses engagements avec Dunand & Compagnie des Bananes et qu'elle cherchait de nouveaux partenaires, ce qui était corroboré par le fait que Pomona Import avait déjà conclu, le 20 octobre 1997, des contrats de fourniture exclusive avec 2 autres filiales de Fabre Domergue, les sociétés Macabou et Desfontaines, sans qu'aucune réaction n'ait été enregistrée de la part de Dunand & Compagnie des Bananes, ces contrats se poursuivant normalement au moment de la conclusion des 10 nouveaux contrats, le 30 mars 1998. Elle fait valoir qu'après un premier échange de lettres recommandées en mai 1998, lequel ne visait aucune des 12 filiales de Fabre Domergue concernées ; les expéditions émanant desdites filiales se sont poursuivies jusqu'à la semaine 36 (1re semaine de septembre 98), avant que 3 d'entre elles ne cessent brusquement et sans explications leurs envois à partir de la semaine 37 et les adressent à la société concurrente, Dunand & Compagnie des Bananes ; que 4 autres filiales ont cessé à leur tour leurs envois à compter de la semaine 40, puis les 3 dernières filiales à dater de la semaine 41, tandis que les mises en demeure successives sont restées vaines, de même que celles adressées à la société Fabre-Domergue en sa qualité de caution de ses filiales ; qu'enfin, à compter de la semaine 43, les sociétés Macabou et Desfontaines ont elles aussi cessé de respecter les tous premiers contrats, d'octobre 1997, sans avancer non plus la moindre justification et sans répondre aux mises en demeure.

Elle ajoute qu'elle venait d'engager son action en référé lorsque la société Dunand & Compagnie des Bananes lui a fait signifier un jugement avant dire droit-alors qu'elle ne l'avait pas attraite à cette procédure dont elle n'avait pas connaissance-rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 18 septembre 1998 entre Dunand & Compagnie des Bananes d'une part et le Groupe Fabre-Domergue d'autre part, relatif à l'inexécution d'un contrat de vente/achat de bananes en consignation conclu entre elles le 21 avril 1993 et ordonnant à la société Groupe Fabre-Domergue de reprendre ses livraisons de fruits envers la société Dunand & Compagnie des Bananes ainsi que de cesser toute livraison à des tiers, corrélativement à un autre jugement avant dire droit également rendu entre les mêmes parties le 8 juillet 1998.

Elle estime que la société Groupe Fabre-Domergue a fait montre de duplicité en incitant ses filiales à contracter des engagements de fourniture exclusive, moyennant des avances très importantes, alors qu'elle avait elle même souscrit personnellement des engagements similaires au profit d'un tiers, et que la société Dunand & Compagnie des Bananes a fait preuve de légèreté en se satisfaisant d'un engagement de la société Fabre-Domergue que celle-ci, simple holding ne pouvait exécuter par elle-même, sans exiger d'engagement direct et personnel de chacune des sociétés de production de bananes dont la société-mère se portait fort.

Elle conteste chacun des motifs retenus par le premier juge pour dire n'y avoir lieu à référé sur les demandes qu'elle présentait, notamment pour faire cesser le trouble manifestement illicite qu'elle subissait et pour contraindre ses cocontractantes à exécuter leurs obligations. Elle objecte principalement que les jugements avant dire droit n'emportent aucune obligation pour elle et ses 12 cocontractantes qui n'y sont pas parties et qui n'ont aucun lien contractuel avec la société Dunand & Compagnie des Bananes, de sorte que le premier juge pouvait satisfaire aux demandes de Pomona Import sans contradiction avec ces jugements rendus entre d'autres parties, et qu'il devait faire primer l'exécution des "conventions légalement formées", dès lors que les 12 filiales de Fabre-Domergue sont des tiers au contrat conclu entre leur société-mère et Dunand & Compagnie des Bananes, lequel contrat - produit aux débats - révèle que Fabre-Domergue s'est porté fort de ses filiales et que Dunand & Compagnie des Bananes s'est contentée de cet engagement, sans prendre soin d'obtenir un engagement direct et personnel de chacune des filiales.

Elle conclut à l'infirmation de l'ordonnance déférée et prie la Cour, aux visas des articles 1119, 1120, 1134, 1165 et 1842 du Code civil, de bien vouloir :

- constater que les sociétés cocontractantes de Pomona Import, "petites-filles" ou "sous-filiales" de la société Fabre-Domergue, ont une personnalité juridique distincte de cette dernière, et que Pomona Import n'a traité qu'avec ces filiales et non avec la société Fabre-Domergue ;

- ordonner la cessation immédiate par les sociétés L'Ajoupa, Balisier, La Falaise, Château-Gaillard, Grand-Fond, Limbe, Jonction, Petit-Galion, Roches-Carrées, Signardy-Desgazons, Macabou et Desfontaines, de toute livraison, tant à la société Dunand & Compagnie des Bananes qu'à tout autre tiers, sous astreinte de 100 000 F par infraction constatée, jusqu'au terme contractuel de leur engagement de fourniture exclusive ;

- faire interdiction à la société Dunand & Compagnie des Bananes de recevoir une quelconque livraison des douze sociétés concernées, qui serait fautive à raison de l'exclusivité dont bénéficie la société Pomona Import et ce, également sous astreinte de 100 000 F par infraction constatée, jusqu'au terme contractuel de l'engagement de fourniture exclusive pris par lesdites sociétés ;

- ordonner à ces douze sociétés de reprendre leurs livraisons et d'exécuter leur obligation de faire, sans délai et ce, sous astreinte de 10 000 F par jour de retard à compter de la date d'appareillage du premier navire au départ de la Martinique suivant la signification de la décision à intervenir ;

- condamner chacune des sociétés défenderesses à payer à la société Pomona Import la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel.

La société Fabre-Domergue & Cie et ses 12 filiales les sociétés L'Ajoupa, Balisier, La Falaise, Château-Gaillard, Grand-Fond, Limbe, Jonction, Petit-Galion, Roches-Carrées, Signardy-Desgazons, Desfontaines et Macabou, intimées, font valoir par dernières conclusions du 17 juin 1999 que Fabre-Domergue considérait être détachée de ses obligations antérieures à l'égard de Dunand & Compagnie des Bananes lorsque les contrats litigieux ont été souscrits entre ses filiales et la société Pomona Import qu'elle avait recherché au titre de nouveau partenaire, mais que les jugements avant dire droit obtenus à son encontre par la société Dunand & Compagnie des Bananes l'ont obligée sous astreinte à reprendre ses livraisons à ladite société jusqu'au jugement au fond, lequel n'a pas encore été rendu ; elles estiment que les demandes de la société Pomona Import se heurtent à des contestations sérieuses du fait des jugements précités - contre lesquels Pomona n'a pas formé de tierce-opposition - ainsi que d'une circulaire du 31 juillet 1998 de l'ODEADOM (Office de Développement de l'Economie Agricole des DOM) relative au Règlement communautaire du 13 février 1993 qui oblige désormais les producteurs à livrer exclusivement à la Cobamar (société Coopérative d'intérêt Agricole). Enfin, elles soutiennent que la société Pomona Import est mal fondée à prétendre que l'arrêt des livraisons de bananes lui causerait un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite, alors que le non respect de l'obligation de livrer a été contractuellement sanctionné par Pomona Import qui a fait jouer la déchéance du terme des contrats, qui dispose du produit des saisies effectuées entre les mains de la société Dunand & Compagnie des Bananes et qui, pour chaque kilo de bananes vendu par les intimées, perçoit 0,40 F qui lui sont directement remis par la Cobamar.

Elles concluent à la confirmation de l'ordonnance entreprise et au débouté de la société Pomona Import en toutes ses demandes, outre sa condamnation à leur payer une somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

La société Dunand & Compagnie des Bananes, intimée, fait valoir par dernières conclusions du 16 juin 1999 que le Groupe Fabre-Domergue détient la majorité du capital de 16 filiales exploitant des plantations de bananes en Martinique, dont elle détient elle-même directement ou indirectement une participation minoritaire, de sorte qu'elle avait établi avec Fabre-Domergue, depuis le début de l'année 1993, un partenariat pour l'exportation du produit des 16 plantations, comprenant pour elle l'exclusivité de la commercialisation en contrepartie d'un financement important qu'elle apportait aux filiales de Fabre-Domergue ; qu'à partir de mars 1998, elle s'est cependant aperçue que Fabre-Domergue - qui lui adressait des griefs infondés-violait pour sa part te contrat d'exclusivité et livrait à ses concurrents, parmi lesquels Pomona Import ; qu'un litige s'en est suivi, aboutissant aux deux jugements avant dire droit des 8 juillet et 18 septembre 1998 ordonnant à Fabre-Domergue de reprendre les livraisons exclusives à Dunand, qu'elle a pris soin de signifier à Pomona Import. Elle estime que les jugements précités, assortis de l'exécution provisoire, font obstacle aux demandes formées par Pomona Import, sous peine d'aboutir à des décisions contradictoires, et ce, alors même que Pomona a contracté avec Fabre-Domergue en lui adressant une lettre du 24 mars 1998 qui a été visée "bon pour accord" par le représentant légal de cette société, M. Patrice Fabre, et qui constitue l'accord général à partir duquel des contrats ont ensuite été conclus avec les filiales pour la mise au point technique de cet accord.

Elle ajoute que Pomona Import a contracté en mars 1998 avec les 10 filiales dans lesquelles Dunand n'est pas directement associée et n'a donc pu avoir connaissance des contrats lors des assemblées générales qui les ont approuves.

Quant aux accords des 10-20 octobre 1997 conclus par Pomona Import avec les 2 autres filiales, elle fait observer que, s'agissant de la société Desfontaines, le contrat d'exclusivité qu'elle avait elle-même conclu avec cette filiale est encore antérieur puisque signé le 25 septembre 1997, et que, s'agissant de la société Macabou, elle en ignorait l'existence, de sorte que, sous toutes réserves de ses droits, elle s'en rapporte à justice. Elle conclut :

- sur la demande de Pomona concernant les livraisons effectuées à Dunand & Cie par 11 des 12 filiales de Fabre-Domergue :

- à l'irrecevabilité et à tout le moins au mal fondé de l'appel formé par Pomona ;

- à la confirmation de l'ordonnance dont appel ;

- a ce qu'il lui soit donné acte qu'elle fait réserve de tous ses droits de demander à la juridiction compétente de prononcer la nullité des contrats conclus en fraude de ses droits et la condamnation de Pomona et Fabre-Domergue à lui payer tous dommages-intérêts en réparation du préjudice qui lui a été causé ;

- à la condamnation de Pomona à lui payer la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du NCPC ;

- sur la demande de Pomona concernant les livraisons effectuées à Dunand & Cie par l'une des 12 filiales, la société Macabou, à ce qu'il lui soit donné acte que, sous toutes réserves de ses droits, elle s'en rapporte à justice.

Sur ce, LA COUR,

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que la SARL Pomona Import a, le 20 octobre 1997, conclu avec 2 sous-filiales de la société Fabre-Domergue :

- la SARL Desfontaines,

- la SARL Macabou,

des "contrats de fourniture exclusive de bananes et d'avance sur ventes" consistant pour les sociétés Desfontaines et Macabou, en qualité de commettant, à accorder à la SARL Pomona Import, commissionnaire, l'exclusivité de la vente de leur production de fruits, en contrepartie d'une aide financière sous la forme d'une avance sur ventes d'un montant de 1,2 MF pour la société Desfontaines et 0,5 MF pour la société Macabou ;

Que la société Pomona Import a, le 30 mars 1998, conclu des contrats similaires avec 10 autres sous-filiales de la société Fabre-Domergue : les sociétés Ajoupa, Balisier, La Falaise, Château-Gaillard, Grand-Fond, Limbe, Jonction, Petit-Galion, Roches Carrées et Signardy-Desgazons, auxquelles Pomona Import a fourni une avance sur ventes, de montants respectifs variant de 0,4 à 1,6 MF pour un montant total de 10 MF ;

Que ces contrats prévoient un engagement de fourniture exclusive des bananes produites, pour la durée suivante :

- pour les 2 premiers contrats, à compter du 10 octobre 1997 et pour une durée de 15 mois expirant le 30 décembre 1998, avec reconduction tacite par périodes successives d'un an, sauf dénonciation 3 mois au moins avant le terme d'une période, la durée de fourniture exclusive étant prorogée jusqu'à complet remboursement en capital et intérêts de l'avance sur ventes si ce remboursement n'est pas effectif à la date d'expiration ;

- pour les 10 contrats suivants, à compter du versement de l'avance et au plus tard le 1er mai 1998, et jusqu'à la fin du 3e mois suivant la date de l'amortissement complet de l'aide financière, en capital et intérêts, le commettant pouvant mettre fin à son engagement de fourniture exclusive par anticipation, à la condition expresse d'avoir procédé préalablement au remboursement en capital et intérêts de la totalité de l'avance consentie, la rupture anticipée ne pouvant prendre effet qu'à la fin du 3e mois suivant la date de remboursement effectif ;

Que l'article III de ces contrats prévoit que le remboursement de cette avance s'effectuera par des retenues d'un montant de 0,40 F au kilogramme net vendu, opérées directement par le commissionnaire (Pomona) sur te résultat net des comptes de vente de bananes établis au nom du commettant (la sous-filiale concernée) ;

Que l'article III-6 prévoit en outre que le montant de l'avance ou le solde restant dû deviendra immédiatement et de plein droit exigible, sans qu'il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire, au cas où la totalité des bananes produites par le commettant ne serait pas expédiée au commissionnaire, en violation de l'engagement de fourniture exclusive ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les différentes sous-filiales concernées, qui avaient reçu de la société Pomona Import les avances sur ventes convenues, ont successivement cessé d'honorer leur engagement de fourniture exclusive :

- à partir de la semaine 37 (2e semaine de septembre 1998) pour les sociétés Ajoupa, Balisier et La Falaise ;

- à partir de la semaine 40, pour les sociétés Grand-Fond, Jonction, Petit-Galion et Signardy-Desgazons ;

- à partir de la semaine 41, pour les sociétés Château-Gaillard, Limbe et Roches-Carrées :

- à partir de la semaine 43, pour les sociétés Desfontaines et Macabou ;

Considérant que le fait pour la société Pomona Import d'avoir fait application à chacune des douze sociétés contractantes de la déchéance du terme prévue par l'article III. 6 du contrat et de les avoir mises en demeure de rembourser, en capital et intérêts, les avances qu'elle leur avait consenties en contrepartie de la fourniture exclusive de leurs fruits, n'empêche nullement cette société de demander en référé que ses cocontractantes soient contraintes de poursuivre leurs livraisons en exclusivité dès lors qu'aucune pièce versée aux débats n'établit que Pomona Import ait résilié ces contrats, lesquels prévoient expressément :

- pour les 2 contrats du 20 octobre 1997, que la durée de l'engagement de fourniture exclusive est prorogée jusqu'au complet remboursement, en capital et intérêts, de l'avance sur ventes,

- pour les 10 contrats du 30 mars 1998, que l'engagement s'appliquera jusqu'à la fin du 3e mois suivant la date de l'amortissement complet de l'aide financière ;

Mais considérant qu'il résulte des deux jugements qualifiés d'avant dire droit en date des 8 juillet et 18 septembre 1998 rendus par le Tribunal de commerce de Paris dans l'instance au fond opposant la société Dunand & Compagnie des Bananes à la société Groupe Fabre-Domergue, qu'aux termes d'un accord du 21 avril 1993 cette dernière s'est engagée à livrer à Dunand & Compagnie la totalité de la production de bananes dont elle dispose et s'est interdite tout acte de concurrence, et que le Tribunal a, compte tenu de l'exclusivité contractuelle ainsi consentie à Dunand & Compagnie pour tous les fruits provenant des seize exploitations concernées, ordonné sous astreinte à la société Groupe Fabre-Domergue de reprendre sans délai ses livraisons et de cesser toute livraison à des tiers au contrat ;

Que ces décisions, assorties de l'exécution provisoire et dont il n'a de surcroît pas été relevé appel, rendent sérieusement contestable l'obligation de fourniture exclusive souscrite postérieurement par les sous-filiales de la société Fabre-Domergue au profit de la société Pomona Import et dont celle-ci demande en référé que l'exécution soit imposée à ses cocontractantes ; que ces jugements privent également de caractère manifestement illicite le trouble invoqué par Pomona Import ;

Que celle-ci prétend en vain que les décisions ainsi rendues à l'encontre de la société Fabre-Domergue dans une instance où elle-même n'était pas partie, ne sauraient la concerner ni obliger les sous-filiales de Fabre-Domergue qui ont seules contracté avec elle, alors qu'il résulte à l'évidence de sa lettre du 20 mars 1998 qu'elle a d'abord conclu un accord général avec le Groupe Fabre-Domergue pour la mise en place des avances pour un montant global de 10 MF réparti " entre les différentes sociétés de production du Groupe avec lesquelles un contrat individuel d'approvisionnement exclusif serait passé ", le remboursement de ces prêts devant faire l'objet "d'une lettre de confort de la part du Groupe Fabre-Domergue"; que cet accord général s'est trouvé réalisé par l'apposition, en bas de la lettre précitée, de la mention "Bon pour accord" signée par M. Patrice Fabre, Directeur Général du Groupe Fabre-Domergue ;

Qu'il est en outre notoirement connu dans ce milieu professionnel que la société Fabre- Domergue est, ainsi que le premier juge l'a du reste relevé, à la tête d'une série de filiales contrôlées par elle à 67 % et pour certaines à près de 100 % qui se consacrent à la production de bananes en Martinique ;

Qu'il n'est pas contesté que cette société n'a elle-même aucune activité de producteur et qu'elle intervient en tant que holding à la tête du Groupe, tandis qu'elle se porte fort des engagements souscrits par ses filiales qui sont seules productrices des fruits concernés ; que dès lors et sans qu'il soit besoin de répondre aux arguments surabondants invoqués par les parties, c'est à bon droit que le premier juge a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Pomona Import ;

Considérant qu'une décision de justice a pour fonction de trancher un litige conformément aux règles de droit applicables et non de donner acte aux parties de leurs intentions ou de leurs réserves ; que les demandes de donner acte de la société Dunand & Compagnie des Bananes seront donc rejetées ;

Considérant que le litige trouvant sa source dans les engagements manifestement incompatibles souscrits successivement par la société Fabre-Domergue, en 1993 au bénéfice de la société Dunand & Compagnie des Bananes puis en 1997 et 1998 avec la société Pomona Import, il convient de la condamner aux dépens d'appel, le premier juge l'ayant déjà et à juste titre condamnée aux dépens de première instance ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Pomona Import l'intégralité de ses frais irrécupérables ; qu'en revanche, l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du NCPC en faveur de la société Dunand & Compagnie des Bananes ;

Par ces motifs, LA COUR, déclare la société Pomona Import recevable mais mal fondée en son appel et l'en déboute ; Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ; Rejette la demande de la société Dunand & Compagnie des Bananes fondée sur l'article 700 du NCPC ; Condamne : la société Fabre-Domergue à payer la somme de 10 000 F ; les sociétés Ajoupa, Balisier, La Falaise, Château-Gaillard, Grand-Fond, Limbe, Jonction, Petit-Galion, Roches Carrées, Signardy-Desgazons, Desfontaines et Macabou à payer chacune la somme de 5 000 F, à la société Pomona Import, au titre de l'article 700 du NCPC ; Condamne la société Fabre-Domergue aux dépens d'appel ; admet la SCP Duboscq & Pellerin et la SCP Bernabé-Ricard-Chardin-Cheviller, avoués, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.