Cass. com., 20 mai 2003, n° 00-14.374
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
O'dylia (Sté)
Défendeur :
Sisley (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 28 janvier 2000), que la société Sisley a assigné la société O'dylia en résolution judiciaire du contrat de distribution sélective les liant et en paiement de dommages-intérêts ; que la société O'dylia a formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société O'dylia reproche à l'arrêt d'avoir considéré que la résiliation unilatérale du contrat par la société Sisley était valablement intervenue et de l'avoir condamnée à restituer la somme de 500 000 F octroyée à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°) que l'article 1184 du Code civil précise que le contrat n'est point résolu de plein droit, et que la résolution doit être demandée en justice ; que si la résolution unilatérale par un des contractants peut être exceptionnellement admise, c'est à la condition que les manquements relevés à la charge de l'autre partie soient d'une gravité telle qu'il s'impose de façon urgente que les rapports contractuels soient interrompus ; que ces conditions se justifient particulièrement dans la mesure où la résolution unilatérale a pour effet d'empêcher le juge, en le mettant devant le fait accompli, d'exercer son pouvoir de contrôle sur les manquements allégués afin de prononcer ou de refuser la résolution du contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, en considérant que la résiliation était valablement intervenue, sans qualifier, comme il lui était demandé, la gravité des manquements reprochés à la société O'dylia, et sans rechercher si la rupture du contrat présentait un caractère urgent, n'a pas donné de base légale à sa décision et a violé l'article 1184 du Code civil ; 2°) que la mise en œuvre d'une clause résolutoire suppose une mise en demeure visant exclusivement cette clause, à défaut de quoi elle ne manifeste pas de façon certaine et non équivoque l'intention du créancier d'y recourir ; que la cour d'appel, pour décider que la société Sisley avait valablement résilié le contrat qui la liait à la société O'dylia, s'est appuyée sur une lettre de la société Sisley du 14 mai 1997, qui se bornait à affirmer que la société Sisley serait d'accord pour rompre ses relations contractuelles avec la société O'dylia, et évoquait une proposition que le président de la société O'dylia, M. X, aurait faite en ce sens ; qu'ainsi, s'appuyant sur cette lettre pour estimer que la société Sisley avait valablement résilié le contrat, tandis que cette lettre ne faisait pas référence à la clause résolutoire de l'article 1.3 des conditions générales de vente, ne manifestant pas la volonté non équivoque de son auteur d'y recourir, et, au surplus, que la société Sisley avait accepté ultérieurement à cette lettre de satisfaire les commandes normales de la société O'dylia, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision et a violé l'article 1184 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions que la société O'dylia ait soutenu devant les juges du fond que la résiliation ne pouvait être prononcée qu'en cas de faute grave et d'urgence ; que le moyen, mélangé de fait et de droit, est donc nouveau ;
Attendu, d'autre part, que la société Sisley ayant demandé la résolution judiciaire du contrat, et non la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, la cour d'appel qui a retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain, que les manquements établis de la société O'dylia justifiaient la rupture du contrat, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société O'dylia reproche encore à l'arrêt d'avoir considéré qu'elle était responsable de la résiliation du contrat, d'avoir rejeté les demandes de dommages-intérêts formées par les deux parties et de l'avoir condamnée à rembourser à la société Sisley la somme de 500 000 F versée en application du jugement partiellement infirmé, alors, selon le moyen : 1°) que la cour d'appel s'est basée sur les factures établies par la société Sisley pour estimer que les commandes n'étaient passées directement par sa représentante, que lorsqu'il s'agissait de commandes urgentes liées à des animations en cours, ce que mentionnaient nombre de ces factures, et ce qui laissait entendre que la société O'dylia seule avait la charge de passer les commandes en période normale ; que pourtant l'ensemble des treize factures émises durant l'année 1997 mentionnaient que les commandes avaient été passées directement par la représentante de la société Sisley, Mme Y, puisqu'elles portaient toutes la mention "A", ou "agent" ; que seulement cinq d'entre elles faisaient état d'une animation en cours ; qu'il en ressort que ce mode de passation des commandes par le biais d'un représentant de la société Sisley, loin de présenter un caractère exceptionnel, constituait le procédé normal par lequel la société O'dylia s'approvisionnait auprès de la société Sisley ; que la cour d'appel, qui n'a pris en compte que ces cinq factures, sur les treize émises, pour estimer que l'intervention du mandataire de la société Sisley présentait un caractère exceptionnel et que les commandes relevaient de la seule responsabilité de la société O'dylia, a dénaturé les documents soumis à son appréciation et violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que la cour d'appel, qui a estimé que la société Sisley avait pu valablement refuser d'honorer la commande du 15 mai 1997 en considérant que la commande de la société O'dylia était insuffisante, a confondu approvisionnement minimal et objectif de vente, seul l'approvisionnement insuffisant étant sanctionné contractuellement par la résiliation du contrat, l'objectif de vente n'étant visé, lui, que par l'accord annexe du 11 février 1997, qui ne pouvait être sanctionné que par le retrait de la démonstratrice ; que par ailleurs, elle n'a pas recherché, comme il lui était demandé, en quoi ces commandes étaient anormales, au regard des conditions générales de vente de la société Sisley qui faisaient la loi des parties et qui ne mentionnaient aucune quantité minimale dans les commandes passées par ses distributeurs agrées ; qu'ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; 3°) que la cour d'appel a mis à la charge de la société O'dylia la preuve qu'elle remplissait, pour la commande du 5 septembre 1997, les obligations prévues aux conditions générales de vente, et que faute d'en justifier, elle ne pouvait reprocher à son fournisseur d'avoir considéré que sa commande ne présentait pas un caractère normal ; que ce faisant, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les articles 1134 et 1135 du Code civil, ainsi que l'article 14 de la loi du 1er juillet 1996, modifiant l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que, sans dénaturer les factures versées aux débats, l'arrêt relève qu'il ne ressort pas des conventions passées entre les parties que le réassortiment devait être effectué par la représentante du fournisseur, tandis que les commandes passées par l'intermédiaire de celle-ci étaient souvent des commandes urgentes liées à une animation en cours, qu'elle devait hâter pour pallier la carence du dépositaire agréé ; qu'il relève encore que l'examen des produits achetés en 1997 démontre le défaut d'approvisionnement et fait apparaître que l'objectif de vente serait difficile à atteindre; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche inopérante invoquée par la deuxième branche, a retenu souverainement que la rupture dénoncée le 29 août 1997 était justifiée, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société O'dylia fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, que si les conditions générales de vente prévoyaient bien que le distributeur doit offrir un service de conseil correspondant au prestige de la marque, cette obligation n'est assortie d'aucune obligation de suivre des cours de formation ; que par ailleurs, s'il est établi que les représentantes de la société Sisley se plaignaient dans leurs rapports du défaut de formation des employés de la société O'dylia, la société Sisley n'en a jamais fait le reproche à la société O'dylia avant le 7 mai 1997 ; enfin, la société Sisley n'avait jamais demandé auparavant que les employés de la société O'dylia participent à des stages de formation ; qu'en mettant à la charge de la société O'dylia une telle obligation, la cour d'appel a dénaturé le contrat et violé ainsi l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu, qu'en retenant l'insuffisance de qualification du personnel de la société O'dylia tandis que le contrat exigeait un service de conseil et de démonstration correspondant au prestige de la marque, la cour d'appel n'a pas dénaturé la convention liant les parties; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi ; Condamne la société O'dylia aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société O'dylia à payer à la société Sisley la somme de 1 800 euros et rejette sa demande.