CA Dijon, ch. civ. B, 27 mars 2003, n° 01-01609
DIJON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Sopafom (SA)
Défendeur :
Delaporte Bâtiment & Travaux Publics (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseillers :
MM. Littner, Richard, Mme Roux
Avoués :
SCP Avril & Hanssen, Me Gerbay
Avocats :
Me Gueulot, SCP Adida-Mathieu-Buisson-Vieillard-Meunier-Guigue
Exposé de l'affaire
Le 24 octobre 1996, la SA Sopafom a donné en location un "chargeur bobcat" à la SARL Delaporte Bâtiments et Travaux Publics (DBTP) moyennant un loyer de 700 F par jour.
Ce matériel a été volé sur un chantier dans la nuit du 30 au 31 octobre 1996 et la société Sopafom a adressé à sa locataire une facture de 125 279,28 F, correspondant à la valeur à neuf sous déduction d'une remise de 30 %.
La société DBTP ayant refusé de payer, la SA Sopafom l'a assignée en paiement de cette somme, outre intérêts.
Par jugement du 22 mars 1999, le Tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône, devant lequel la société défenderesse soutenait que la société Sopafom s'était engagée à souscrire une assurance vol, a dit qu'il convenait d'accueillir la demande de la société Sopafom dans son principe et a ordonné une expertise pour déterminer la valeur du matériel.
L'expert a proposé deux chiffres, 26 800 F pour la valeur vénale, 103 880 F pour la valeur à neuf.
Le tribunal, par un autre jugement, en date du 14 mai 2001 a condamné la société DBTP à payer à la société demanderesse la somme de 26 800 F, avec intérêts à compter de la date de signification, ainsi que 6 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SA Sopafom a fait appel.
Par conclusions du 8 février 2002, auxquelles il est fait référence par application de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, elle soutient que la jugement du 22mars 1999 a autorité de chose jugée, que les conditions générales prévoient, en cas de vol, la facturation de la valeur à neuf, que cette clause n'est pas abusive et que la somme de 15 836,40 euros (103 880 F) HT, outre pénalités de retard doit lui être accordée ainsi que 2 296,74 euros (15 000 F) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SARL DBTP, par écritures du 14 août 2002, auxquelles il est pareillement fait référence, répond que le jugement du 22 mars 1999 n'a pas autorité de chose jugée, que l'accord cadre du 9 juin 1994 mettait à la charge du loueur l'obligation de souscrire une assurance et que la réclamation doit en conséquence être rejetée.
A titre subsidiaire, elle soutient que la clause prévoyant la facturation de la valeur à neuf du matériel volé est une clause abusive et que faire droit à cette demande constituerait une exécution du contrat de mauvaise foi, un enrichissement sans cause et qu'en toute hypothèse il s'agirait d'une clause pénale excessive qui devrait être réduite.
Elle souhaite obtenir 3 050 euros en remboursement de ses frais irrépétibles.
Motifs de la décision
1. Sur l'autorité du jugement du 22 mars 1999
Attendu qu'il est vrai que, dans son dispositif, le tribunal de commerce a seulement ordonné une expertise, confiée à M. Sauvage, aux fins de chiffrer la valeur du matériel;
Attendu cependant que, dans ses motifs, le tribunal avait expliqué que DBTP sollicitait le rejet de la demande en faisant valoir que Sopafom s'était engagée à souscrire une assurance contre le vol mais que cette prétention devait être rejetée parce que cet engagement était contenu dans une lettre simple ne permettant pas de déterminer de façon certaine l'échange des consentements entre les parties sur la souscription du contrat d'assurance ;
Attendu que la désignation d'un expert chargé de déterminer la valeur du matériel n'a de sens que si le tribunal a préalablement rejeté la prétention de IDBTP relative à l'obligation d' assurance;
Attendu que la décision contenue dans les motifs, selon laquelle la demande de la société Sopafom doit être accueillie dans son principe est liée au dispositif, dont elle est le soutien nécessaire;
Qu'elle bénéficie donc de l'autorité de la chose jugée, ce qui a d'ailleurs été admis au cours des opération d'expertise par la société DBTP, dont le représentant a déclaré qu'il n'assistait à la réunion que "sous réserve d'appel du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône qui a tranché, dans ses motifs, une partie du principal";
Attendu que cette décision, signifiée le 15 juin 1999, n'a pas été frappée d'appel et est donc définitive;
Qu'il ne peut donc plus être prétendu que la société Sopafom s'était engagée à souscrire une assurance pour les engins loués à DBTP;
2. Sur les clauses du contrat
Attendu que l'article XII des conditions générales de location, dont le locataire a déclaré dans le bon de prise en charge, juste avant sa signature, avoir pris connaissance, prévoyait que les "détériorations, nettoyages ou manques de matériel, notamment en cas de vol, seront facturés au client au coût de réparation ou pour la valeur à neuf au tarif en vigueur";
Que l'article X indiquait que la responsabilité du locataire était engagée en cas de vol du matériel;
Attendu que la société intimée considère que la clause relative à la facturation de la valeur à neuf est une clause abusive;
Mais attendu que la réglementation des clauses abusives, qui a pour objet de protéger les consommateurs ou les non professionnels, ne s'applique pas aux contrats souscrits entre professionnels, étant observé qu'en l'espèce le matériel loué l'était pour l'exercice par le locataire de son activité professionnelle ; que cette protection ne peut donc être revendiquée;
Qu'il n'est pas possible de dire que cette clause, qui a été acceptée par la société DBTP, constitue une exécution de mauvaise foi du contrat;
Attendu que l'enrichissement sans cause ne peut être invoqué en présence d'un contrat;
Que la clause litigieuse ne peut être analysée comme une clause pénale dès lors qu'elle n'a pas pour objet, contrairement aux exigences de l'article 1225 du Code civil, d'assurer l'exécution de la convention;
Attendu qu'elle doit donc recevoir application;
Attendu que la valeur déterminée par l'expert n'est pas discutée et doit donc être retenue, soit 15 836,40 euros, somme qui portera intérêts à compter de la date d'échéance de la facture conformément à l'article XV des conditions générales;
3. Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Attendu que l'équité ne commande de faire bénéficier la société Sopafom des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ni en instance ni en appel; que l'intimée, qui succombe, ne peut bénéficier de ce texte;
Attendu que le litige résultant essentiellement de documents imprécis ou contradictoires imputables aux deux parties, chacune conservera la charge de ses dépens d'appel;
Par ces motifs, LA COUR, Réforme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, Condamne la SARL Delaporte Bâtiments et Travaux Publics à payer à la SA Sopafom la somme de 15 836,40 euros, avec intérêts "dans les conditions légales" à compter du 15 février 1997, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'appel.