CA Paris, 5e ch. B, 5 juin 2003, n° 2003-04163
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
City Automobiles (SA)
Défendeur :
Fiat Auto France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Main
Conseillers :
MM. Faucher, Remenieras
Avoués :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Nernabé-Chardin-Cheviller
Avocats :
Mes Guillin, Schrimpf.
Vu l'arrêt n° 14 - RG n° 2000-22031 du 16 janvier 2003 par lequel la 5e chambre B de la Cour de Paris a " confirm(é), par substitution de motifs, le jugement déféré, débouté les parties de leurs autres demandes, laissé à la charge de chacune des parties les dépens par elles exposés en appel ";
Vu la " requête aux fins de réparer une omission de statuer " du 6 mars 2003 par laquelle la SA City Automobiles, appelante, demande à la cour, au visa de l'article 463 du nouveau Code de procédure civile, de " dire et juger que la société Fiat Auto France SA a cessé d'exécuter normalement les relations d'exclusivité qu'elle a poursuivies avec (elle) jusqu'au 22 août 1998 et a porté atteinte à l'exclusivité territoriale qu'elle s'était engagée à lui réserver jusqu'à cette date " et de " condamner en conséquence la société Fiat Auto France à (lui) payer à titre de dommages et intérêts et pour les causes sus énoncées la somme de 945 000 F (ou 144 064,32 euros);
Vu la dénonciation de cette requête le 6 mars 2003 à la société Fiat Auto France, qui n'y a pas répliqué.
Sur ce:
Considérant que, tant dans ses dernières conclusions du 25 octobre 2002 que dans ses précédentes du 15 octobre 2002, seules mentionnées dans sa "requête aux fins de réparer une omission de statuer", la société City Automobiles, appelante, d'une part invoquait la nullité du contrat de concession conclu avec la société Fiat Auto France au mois d'octobre 1990 et les mauvaises conditions d'exécution des relations contractuelles à compter du 1er octobre 1997, d'autre part sollicitait la confirmation du jugement déféré du Tribunal de commerce de Paris du 21 septembre 2000 en ce qui concernai la reprise des stocks de pièces de rechange et le rachat des outillages;
Considérant qu'il n'est pas sérieusement contesté par la société intimée que la cour a omis de statuer sur "les mauvaises conditions d'exécution des relations de concession à compter du 1er octobre 1997" faisant l'objet des pages 12 et 13 des conclusions de la société City Automobiles des 15 et 25 octobre 2002 et de la société Fiat Auto France du 8 novembre 2002; qu'il convient donc d'examiner les moyens et la demande de dommages-intérêts formulés à cet, égard par l'appelante;
Considérant que, pour ce faire, il convient de rappeler:
- que le 23 octobre 1990 la société Fiat Auto France a, pour une durée indéterminée prenant effet le 13 septembre 1990, confié à la société City Automobiles, 56 route de Vienne à Lyon (69007), la mission de développer dans une certaine zone la vente de véhicules neufs de marque Lancia, l'intimée s'obligeant "pour la modification de la zone ou pour la nomination dans ladite zone de nouveaux concessionnaires..." à "obtenir l'accord préalable de (la société appelante)";
- que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 août 1996 la société Fiat Auto France a informé la société City Automobiles de sa décision de mettre un terme au contrat de concession à l'issue du préavis contractuel d'un an prévu à son article 6;
- que le 26 février 1997, l'intimée écrivait à sa cocontractante:
" Suite à nos différents entretiens et à votre courrier du 6 février 1997, nous vous confirmons notre accord pour proroger au 22 août 1998, l'échéance du préavis de résiliation de votre contrat de concession, qui vous a été signifiée le 21 août 1996.
" Bien entendu, cette prorogation ne remet pas en cause la résiliation de votre contrat de concession,
" Nous vous confirmons par ailleurs notre accord pour l'exploitation d'une autre marque sous réserve que les surfaces affectées à l'exposition des véhicules neufs de la marque Lancia ne soient pas inférieures à 200 m2 et soient exercées dans des locaux différents de cette marque...":
Considérant que la société City Automobiles reproche à la société Fiat Auto France, tout d'abord de l'avoir déstabilisée commercialement en annonçant dans la presse locale, au mois d'octobre 1997, à l'occasion du salon de l'automobile à Lyon, que le Groupe Hess était son "nouvel opérateur à Lyon" pour l'ensemble des marques du Groupe Fiat, Alpha Roméo et Lancia, ensuite d'avoir, dans le courant du 1er semestre 1998, confié officiellement la représentation de la marque Lancia aux sociétés Texier Automobiles et Autovista, contrôlées par le Groupe Hess et implantées dans sa zone d'activité, enfin de lui avoir, en violant ses engagements d'exclusivité, causé un préjudice pour perte de marge évalué à 945 000 F, soit 144 064,32 euros, dans sa requête;
Considérant que l'intimée s'oppose à ces prétentions en soutenant que l'argumentation de l'appelante et sa demande de dommages-intérêts ne sont pas justifiées;
Considérant que, ceci étant, il est établi que, en application du contrat de concession, la société City Automobiles avait en particulier comme secteur d'activité les agglomérations de Lyon 8e et de Vaulx-en-Velin;
Que dans ses numéros 591-592 du 10 octobre 1997, Le Journal de l'Automobile annonçait, dans un article intitulé "Mercedes divise et Fiat rassemble": "... Jacques Hess se voit attribuer un vaste secteur de l'agglomération lyonnaise avec notamment les villes de Vénissieux, Vaise et Vaulx-en-Velin. Sur ce secteur, Fiat a donc nommé un seul opérateur pour les marques Fiat, Alfa Roméo et Lancia", puis précisait dans ce même article que si Jacques Hess devait construire " au moins trois sites (Vénissieux, Vaux-en-Velin et Vaise) pour couvrir son territoire... ", il démarrait " pour l'heure " sur le site de l'ex-concession (Fiat) de Bernard Texier dans le 8e arrondissement de Lyon;
Que le 21 juillet 1998, Maître Cédric Michel Boucharlat, huissier de justice à Lyon, a, suite à une recherche sur "minitel" en mentionnant les noms "Lancia", "concessionnaire" et "Lyon", constaté que les sociétés Texier Automobiles et Autovista, contrôlées par le Groupe Hess, étaient des concessionnaires Lancia à Lyon 8e et à Vaulx-en-Velin;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'avant même le 21 juillet 1998 et avant l'échéance du 22 août 1998, la société Fiat Auto France avait, en l'absence d'accord de la société City Automobiles, ce qui n'est guère contesté, signé des contrats de concession, qu'elle se garde bien de communiquer, avec les sociétés Texier Automobiles et Autovista pour la marque Lancia et les secteurs d'activité dévolus à la société appelante;
Considérant que cette violation délibérée des obligations contractuelles par la société Fiat Auto France, précédée d'une campagne de presse à laquelle elle a participépuisque, comme il en est attesté par des articles et la lettre d'un journaliste, son 'patron', Monsieur Jean Pierre Vaillant, y a dévoilé "stratégie territoriale" pour Lyon, a causé un préjudice certain à la société City Automobiles, qui n'a pas manqué d'être déstabilisée et a nécessairement perdu des ventes de véhicules automobiles, ce qui s'est traduit par une perte de marge, laquelle, compte tenu des éléments de la cause, en particulier des éléments comptables produits, s'évalue à la somme de 16 000 euros;
Considérant qu'en raison de l'omission de statuer et de ce que cette décision ne peut porter atteinte à la chose jugée par l'arrêt du 16 janvier 2003, les dépens seront supportés par le Trésor public;
Par ces motifs: Vu l'arrêt du 16 janvier 2003, Vu l'article 463 du nouveau Code de procédure civile, fait droit à la " requête aux fins de réparer une omission de statuer " et condamne la société Fiat Auto France à payer à la société City Automobiles une somme de 16 000 euros en réparation de son préjudice. Dit que les dépens afférents à cette procédure seront supportés par le Trésor public.