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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 4 juin 2003, n° 2001-19619

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Fiat Auto France (SA)

Défendeur :

Société d'exploitation du Garage Oliver (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riffault-Silk

Conseillers :

MM. Faucher, Picque

Avoués :

SCP Bernabé-Chardin-Cheviller, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Me Schrimpf, Bourgeon.

T. com. Paris, 6e ch., du 19 oct. 2001

19 octobre 2001

La SA Fiat Auto France (société Fiat) ayant notifié le 21 août l996, la résiliation avec préavis d'un an, de la concession de Vaulx-en-Velin en vigueur depuis le 1er janvier 1986, la SARL société d'exploitation du Garage Oliver (société Garage Oliver) l'a attraite le 20 avril 1999, devant le Tribunal de commerce de Paris, aux fins d'entendre condamner le constructeur automobiles à lui payer différentes indemnités et-ou remboursements totalisant 11 638 952,34 F, outre 100 000 F de frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire du 19 octobre 2001, le tribunal a condamné la société Fiat à payer à la société Garage Oliver, 1 880 000 F de dommages et intérêts, outre 50 000 F de frais non compris dans les dépens, en estimant " que les circonstances de la résiliation du contrat de concession sont abusives " aux motifs essentiellement que " par son comportement, la société Fiat plaçait sciemment la SARL Garage Oliver dans une position d'infériorité vis-à-vis du nouveau concessionnaire qu'elle retenait " et qu'elle " ne montre pas avoir apporté à la SARL Garage Oliver l'aide qu'elle aurait dû lui apporter pour parvenir à la solution amiable la plus à même de lui permettre de conserver, au moins partiellement, le bénéfice des efforts accomplis ".

Appelante le 8 novembre 2001 de cette décision, la société Fiat expose, dans le dernier état de ses écriture signifiées le 18 avril 2003, qu'après avoir notifié la résiliation de la concession, elle s'est bornée à mettre en rapport la société Garage Oliver avec le nouvel opérateur qu'elle a retenu pour la couverture territoriale de la région lyonnaise, dès le moment où celui-ci a été connu. Elle précise qu'après diverses négociations directes entre l'ancien et le nouveau concessionnaire, la société Garage Oliver a, selon le protocole d'accord du 26 mai 1998, cédé à la société Soparau, l'ensemble de ses immobilisations corporelles et incorporelles moyennant le prix global de 4 870 000 F, mais en évaluant au franc symbolique, son fonds de commerce, le droit au bail des locaux et ses droits au titre du crédit-bail de matériel informatique, tandis que l'outillage, le matériel de transport, le mobilier, les installations techniques et les agencements étaient évalués à 4 869 997 F, laissant ainsi à la société Garage Oliver, la possibilité d'agir à l'encontre de Fiat, sans remettre en cause la cession, en prétendant avoir été dans l'impossibilité de céder sa clientèle dans de bonnes conditions, du fait des agissements du concédant, au motif allégué que la rupture du contrat de concession lui aurait causé une perte substantielle de clientèle.

Elle indique que le préavis d'un an stipulé au contrat de concession était en conformité avec le Règlement communautaire d'exemption n° 123-85 du 12 décembre 1984, concernant les accords de distribution automobile, encore en vigueur au moment de la résiliation, puisque le nouveau Règlement n° 1475-95 du 28 juin 1995, ayant porté le préavis minimum à deux années, dispose en son article 7, que l'article 85 [ancien], paragraphe 1 du traité ne s'applique pas pendant la période 1er octobre 1995 au 30 septembre 1996, aux contrats en cours au 1er octobre 1995, ceux-ci restant valables jusqu'au 30 septembre 1996.

L'appelante explique qu'en revanche, les nouveaux contrats intégrant les modifications imposées par le nouveau Règlement communautaire, ont été signés courant 1196, par la société Fiat pour prendre généralement effet à partir du 1er octobre 1996. Elle eu déduit que le tribunal ne pouvait pas qualifier son comportement de déloyal en se fondant sur le fait qu'au moment de la notification du préavis d'un an de la résiliation litigieuse, elle avait déjà stipulé des préavis de deux ans lors de la souscription de nouveaux contrats ou du renouvellement de contrats anciens.

Elle fait valoir :

- que le concessionnaire étant un commerçant indépendant, le concédant n'a pas l'obligation d'aide et d'assistance à son encontre, en vue de sa reconversion postérieurement à la résiliation de la concession, et en déduit qu'en lui reprochant un défaut d'aide en vue de permettre à la société Garage Oliver de parvenir à la solution amiable la plus à même de lui permettre de conserver le bénéfice des efforts accomplis, la juridiction consulaire a ajouté au contrat,

- que la résiliation de la concession, conformément aux stipulations contractuelles, lesquelles étaient elles-mêmes conformes à la législation applicable, ne peut pas caractériser un comportement fautif, d'autant que le délai du préavis s'est révélé suffisant pour permettre au concessionnaire d'organiser sa reconversion, ce dernier ayant souscrit, dès avant la fin du préavis, une nouvelle concession avec la société France Motors pour la distribution des véhicules des marques Mazda et Xedos.

- qu'outre que la société Garage Oliver ne démontre pas en quoi les investissements allégués auraient été perdus du seul fait de la résiliation de la concession Fiat, la réalisation de ceux-ci est intervenue plus de six ans avant la notification du préavis de résiliation, le concédant contestant en outre les avoir lui-même sollicités de son concessionnaire.

- qu'au surplus, la société Garage Oliver a été déchargée de l'exécution du crédit-bail immobilier initialement souscrit en 1989, de sorte qu'il est inexact de prétendre que l'intimée n'a pas pu amortir ses engagements financiers puisque ceux-ci ont été repris par le cessionnaire de son fonds.

- qu'aucune preuve n'est apportée par la société Garage Oliver au soutien de son affirmation selon laquelle la société Fiat aurait déjà pris dès 1995, sa décision de résilier la concession qu'elle n'a notifiée que le 21 août 1996, le tribunal ne pouvant, selon la société Fiat, entrer en voie de condamnation en se fondant sur une simple " forte présomption ",

- qu'il n'est pas davantage établi qu'elle n'aurait pas correctement exécuté le contrat pendant le préavis ou qu'elle aurait tenté de dénigrer les dirigeants de la société concessionnaire,

- que la cession du fonds de cette dernière n'est intervenue que le 26 mai 1998 parce que la société Garage Oliver a délibérément rejeté la première proposition qui lui avait été faite dès le 8 août 1997, par le dirigeant de la société Soparau.

La société Fiat conteste aussi les diverses primes revendiquées, leurs conditions d'octroi n'étant pas réunies, et les évaluations des divers préjudices allégués en indiquant :

- que le stock de pièces de rechange a été repris dans les conditions contractuelles et que les licenciements opérés par la société Garage Oliver se rapporte à une période où celle-ci était devenue concessionnaire Mazda et Xedos, les autres contrats de travail ayant été repris par le cessionnaire du fonds de commerce en ce compris la reprise de Jackie Oliver en qualité de responsable commercial,

- que les actifs incorporels ayant été repris par le cessionnaire du fonds, il n'existe pas de fondement à la demande de 1,8 MF relative à la prétendue perte de ceux liés à l'activité Fiat.

La société Fiat conclut à l'infirmation du jugement déféré, prie la cour d'écarter des débats la pièce n° 36 [de l'intimée] intitulée " procès-verbal de constat du 1er août 1997 " et sollicite 15 000 euros de frais irrépétibles.

Intimée, la société Garage Oliver réplique, dans ses ultimes écritures signifiées le 29 avril 2003, que c'est à la demande expresse de la société Fiat qu'elle s'est engagée en l989, dans un important investissement immobilier d'un montant de 5 404 000 F, financé par un crédit-bail d'une durée de 15 années, moyennant des loyers trimestriels de 174 675 F, pour mettre ses installations aux nouvelles normes du constructeur automobiles, à défaut de quoi celui-ci n'aurait pas poursuivi le contrat à durée indéterminée.

Elle indique que la presse professionnelle s'étant faite l'écho au début du deuxième quadrimestre 1995 d'un changement de la stratégie de Fiat pour la distribution de ses véhicules, les responsables de la marque turinoise ont, dès la fin de cette même année, publiquement rassuré les concessionnaires des métropoles régionales françaises, les mêmes assurances étant confirmées au cours du premier trimestre 1996 au Garage Oliver par ses interlocuteurs habituels au sein de la direction régionale Fiat de Lyon.

Cependant, l'intimée précise que le responsable du développement du réseau Fiat l'a soudainement informée, le 24 juillet 1996, soit deux mois avant l'expiration du délai imparti pour l'adaptation des contrats de concession en cours avec le nouveau Règlement communautaire, de ce que sa concession allait être résiliée, ce qui fut effectivement notifié le 21 août suivant.

Elle indique encore que, contrairement aux assurances données, aucune proposition de reprise ne lui a été faite par le nouvel opérateur jusqu'au classement de la ville de Vaulx-en-Velin en zone franche en 1997, époque à laquelle la direction lyonnaise du Groupe Fiat l'a invitée à lui transmettre une estimation en vue du rachat du fonds et des murs, ce qui fut fait par lettre du 1er avril 1997. L'intimée indique encore que le constructeur automobiles a transmis ladite estimation au groupe Hess, dont le représentant a été rencontré les 26 mai et 18 juin 1997, mais que celui-ci n'a formulé une offre, au demeurant inacceptable, que le 5 août 1997 d'une durée de validité de quelques heures. La société Garage Oliver prétend " s'être alors résignée à tenter une reconversion " en souscrivant le 1er septembre (et non le 1er août) 1997, un contrat de concession pour la vente des véhicules Mazda dont le potentiel local s'est cependant révélé insuffisant pour équilibrer l'exploitation du complexe immobilier initialement conçu pour une activité au moins trois fois supérieure. Elle indique avoir alors été conduite à rechercher la cession du fonds et-ou des murs et, étant en discussion avancée avec le concessionnaire Opel, avoir été à nouveau approchée le 14 mai 1998, par le Groupe Hess, lequel ayant renoncé à imposer des conditions suspensives, a repris le fonds de commerce et les installations à compter du 1er juin suivant.

La société Garage Oliver estime qu'en arrêtant sa nouvelle stratégie de distribution, la société Fiat " savait parfaitement " que sa mise en œuvre obligerait les concessionnaires traditionnels à négocier la cession de leur affaire aux nouveaux opérateurs choisis par la Marque. Elle considère que son concédant s'est attaché à lui dissimuler le plus longtemps possible ses véritables intentions, pour finalement lui notifier la résiliation de la concession dans des conditions qui ont compromis sa reconversion et de nature à faire échec à la mise en œuvre d'une cession à des conditions "honorables". Elle prétend que les investissements de 1989 découlent d'une "décision commune" avec la société Fiat, laquelle en "a étroitement surveillé la conception et la réalisation" et y a contribué par une avance de 525 000 F, amortissable dans le cadre d'un contrat de coopération commerciale régularisé le 7 février 1990.

Elle fait valoir :

- que le concédant ne pouvait pas faire abstraction du poids de ces investissements dans l'exercice loyal de son droit de résiliation, lequel est abusif aux yeux de l'intimée, dès lors qu'il s'opère dans des conditions incompatibles avec un retour suffisant sur investissement,

- que bien que n'ignorant pas que leur poids continuait encore de peser sur les comptes de la société Garage Oliver, ce qui constituait un handicap dans l'optique d'une cession ou d'une reconversion, l'appelante s'est évertuée à exercer son droit de résiliation dans des conditions propres à réduire les possibilités de reconversion ou de cession, en l'entretenant dans la perspective illusoire d'une continuation, par les assurances prodiguées au premier semestre 1996 par les dirigeants régionaux de la firme transalpine, alors qu'au même moment sa décision de réorganisation avec un seul opérateur " financièrement puissant " était déjà secrètement prise, ce qui résulte des éléments d'une autre procédure, la société Fiat ayant déjà informé en mars 1996 un autre concessionnaire de la région lyonnaise de sa décision de rupture.

- que l'obligation de loyauté dans l'exécution des conventions oblige le concédant à faite connaître ses intentions de résiliation dès qu'il les arrêtées, lequel s'oblige en outre à devoir aider et assister le concessionnaire évincé lorsque le concédant a désigné un unique repreneur et qu'il s'est, au surplus, immiscé dans la cession du fonds de commerce de la concession,

- qu'en dissimulant ses véritables intentions jusqu'en juillet 1996, la société Fiat a dissuadé son concessionnaire de saisir ou de susciter des solutions de reconversion qui auraient pu se présenter pendant cette période, manifestant ainsi une intention de lui nuire et de le placer délibérément dans une position d'infériorité, l'exposant à des offres inéquitables du nouvel opérateur choisi par Fiat, alors que pendant la même période, tous les autres panonceaux avaient été re-distribués dans le cadre de nouveaux contrats de concession bénéficiant du nouveau préavis de deux ans,

- que la première offre du 5 août 1997 du Groupe Hess, d'un montant nominal de 7,1 MF, se réduisait en réalité à 2 553 KF, après imputation des déductions exigées concernant les actifs nets et les loyers restant dus au titre du crédit-bail immobilier, et procédait d'une contrainte économique illégitime en ayant été proposée la veille de l'expiration du préavis,

- que c'est pour se ménager le laps de temps nécessaire à la recherche d'une solution de reconversion ou de cession, que la société Garage Oliver a dû poursuivre une exploitation déficitaire en représentant d'autres marques, ayant failli l'entraîner à la faillite, laquelle a été évitée grâce à l'offre de reprise du concessionnaire Opel, sur laquelle le Groupe Hess a dû s'aligner pour éviter que le site de vente dans la zone franche d Vaulx-en-Velin, n'échappe à la marque Fiat.

L'intimée soutient aussi que la société Fiat a mal exécuté le contrat pendant la durée du préavis :

- en lui fixant pour 1997, des ob1ectifs en augmentation de 64 % pour la vente des véhicules neufs, et de 80 % au titre de l'écoulement des pièces de rechange, alors que le marché national était en baisse de 20 % et que les parts de marché de Fiat accusaient un recul de 40 %,

- en lui affectant d'office des véhicules neufs non commandés, augmentant ses frais financiers à due concurrence, et réduisant d'autant son encours disponible pour satisfaire les commandes réelles de ses clients,

- en refusant de lui livrer des voitures " Punto " constituant à l'époque le meilleur produit du segment,

- en refusant le renouvellement à compter du 1er février 1997, du crédit-stock annuel de 800 000 F,

- en laissant le concessionnaire voisin, déjà repris par le Groupe Hess, démarcher les clients de son territoire, alors qu'il incombe au concédant de faire la police de son réseau, ses services téléphoniques occultant au surplus, l'existence du Garage Oliver lors de renseignements sollicités par une clientèle potentielle, ainsi que l'atteste le constat d'huissier du 1er août 1997 effectué dans le cadre des renseignements accessibles au public.

Elle reprend le détail des préjudices invoqués en première instance en critiquant l'évaluation, à ses yeux insuffisante, du tribunal, outre les sommes qu'elle prétend indûment retenues, concernant le calcul des primes " minimum operating standard " - MOS- des années 1995, 1996 et 1997, les primes correspondant à la vente en 1906 des modèles " Brava "et " Bravo " ainsi que les cotisations dites " Efficasse ", concernant l'enlèvement des épaves, et " Fiat Linéa " pour la gestion du suivi client pendant trois ans.

La société Garage Oliver conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société Fiat a résilié déloyalement et abusivement la concession. Formant appel incident pour le surplus, elle demande qu'il soit enjoint à la société Fiat de produire le protocole d'accord qu'elle a conclu avec le groupe Hess pour la reprise des marques en région lyonnaise, et sollicite l'allocation de dommages et intérêts à hauteur des montants suivants, majorés des intérêts au taux légal à compter du 12 septembre 1997, au titre des préjudices ci-après :

- 148 264,14 euros : baisse de rentabilité de l'activité concédée du fait de la mauvaise exécution du contrat pendant le préavis,

- 331 576,61 euros : pertes d'exploitation 1997 et 1998,

- 274 408,23 euros : pertes de la valeur des incorporels liés à l'activité Fiat,

- 26 663,03 euros : indemnités de licenciement payées au personnel,

- 17 654,21 euros HT : pertes sur stock pièces de rechange.

La société Garage Oliver requiert aussi le paiement :

- 10 146,51 euros HT : prime MOS 1995, (66 556,74 F)

- 61 184,19 euros HT : prime MOS 1996, outre enjoindre à l'appelante de lui communiquer sous astreinte définitive de 1 525 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, la grille de notation au titre de la prime MOS de 1996 et le cas échéant de lui payer toute somme due à ce titre, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1996, (401 341,98 F)

- 27 190,90 euros HT : prime MOS 1997, outre intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 1997, (178 360,61 F)

- 6 097,96 euros HT : prime Brava-Bravo du quatrième trimestre 1996, outre intérêts au taux contractuel à compter du 31 décembre 1996, (40 000 F)

- 1 555,44 euros HT : remboursement de la cotisation " Efficasse " outre intérêts au taux contractuel à compter du 21 août 1997, (10 203 F)

- l2 923,50 euros HT : remboursement de la cotisation " Fiat Linéa " outre intérêts au taux contractuel à compter du 21 août 1997, (84 772,60 F) et 7 622,45 euros de frais irrépétibles en cause d'appel.

Sur ce,

Sur la résiliation du contrat de concession

Considérant qu'il est constant que les sociétés Fiat France et Garage Oliver étaient 1iées par un contrat de concession à durée indéterminée, en date du 23 décembre 1985, à effet à compter du 1er janvier 1986, dont l'article 6 stipule qu'il peut être résilié à tout moment par l'une quelconque des parties, moyennant un préavis minimum d'un an.

Qu'il n'est pas contesté que ce dernier a été respecté, ni que sa durée était conforme à la réglementation européenne applicable à l'époque, mais que le concessionnaire estime que, nonobstant l'observation du préavis contractuel, la résiliation est intervenue dans des conditions exclusive de l'obligation de loyauté visée au troisième alinéa de l'article 1134 du Code civil ;

Qu'il appartient dès lors à la société Garage Oliver, d'en rapporter la démonstration ;

Considérant que celle-ci reproche essentiellement au concédant de lui avoir sciemment dissimulé le plus longtemps possible ses véritables intentions, pour finalement lui notifier la résiliation de la concession dans des conditions qui ont compromis sa reconversion et de nature à faire échec à la mise en œuvre de la cession de son fonds de commerce dans de bonnes conditions, à seule fin de favoriser le nouvel opérateur qu'elle avait choisi en lui permettant d'imposer ses vues dans la négociation de reprise à des conditions financières dérisoires, sans tenir compte des lourds investissements non encore amortis, auxquels elle avait consenti en 1989 ;

Mais considérant que la société Garage Oliver ne rapporte pas la preuve du contenu des entretiens du premier semestre 1996 ayant précédé la notification du préavis de résiliation, aux cours desquels elle prétend que les dirigeants régionaux du constructeur automobiles l'auraient entretenue dans l'espoir illusoire de la prolongation des relations contractuelles sur une longue durée;

Qu'au demeurant, l'intimée n'allègue ni ne démontre avoir décliné des offres de rachat pendant cette période ;

Que s'il se déduit des coupures de presse de l'année précédente, que la firme italienne était en crise et qu'elle cherchait à réorganiser son réseau de distribution dans les différents pays européens dans lesquels elle était implantée, il n'est pas illégitime que la teneur de chaque plan régional de restructuration ne soit pas dévoilée tant qu'il n'est pas définitivement arrêté, compte tenu de la nécessaire confidentialité qui s'attache à ce type de réorganisation, afin d'en préserver les chances de réussite;

Que s'il est établi que le concédant avait informé dès mars 1996, un autre concessionnaire de la région Rhône-Alpes, de son intention de confier l'ensemble de l'agglomération lyonnaise à un unique opérateur, il ressort des pièces du dossier qu'il s'agissait, au cours de cette réunion au siège parisien du concédant, de vérifier si l'intéressé avait l'intention d'être candidat, de sorte qu'il s'en déduit que le plan n'était toujours pas définitivement arrêté et que l'information donnée au concessionnaire Autosud faisait partie des réflexions encore confidentielles sur la future organisation ;

Que dès lors, la société Garage Oliver n'établit pas qu'en ne l'ayant pas encore mise dans la confidence à cette époque, la société Fiat aurait cherché à lui nuire ;

Considérant aussi que les investissements invoqués ont été réalisés en 1989et qu'il n'est pas discuté qu'à cette époque, aucune perspective de réorganisation des territoires concédés, n'était envisagée;

Que la société Garage Oliver ne démontre pas davantage que ceux-ci aient été décidés à la demande expresse ou sous la pression du concédant, les seules pièces figurant au dossier établissant seulement que la société Fiat n'y avait pas été défavorable et qu'elle avait même accompagné son concessionnaire en lui octroyant une aide de 550 KF amortissable sur cinq ans aux moyens des primes par véhicule vendu, dans le cadre d'un contrat de coopération commerciale ;

Que le concessionnaire est un entrepreneur indépendant, libre des décisions concernant son entrepriseet qu'il apparaît dès lors, que l'intimée n'est pas de bonne foi en assimilant une aide aux investissements, à une pression en vue de leur réalisation, au point de prétendre que celui qui l'octroie en est le véritable décideur ;

Considérant aussi, que si la difficulté éprouvée par la société Garage Oliver, dans ses discussions avec le nouveau distributeur des véhicules Fiat en région lyonnaise, résultait notamment du fait que la résiliation de la concession avait déjà été notifiée, il ne résulte pas des pièces du dossier que, dans le cadre de la mise en œuvre du plan de réorganisation, il aurait été possible au concédant de pratiquer différemment sans pour autant grever ses chances de réussite ;

Qu'il convient au surplus, d'observer que la société Garage Oliver ne justifie d'aucune recherche et/ou tentative de reconversion, sur la période ayant immédiatement suivi la notification du préavis de résiliation le 21 août 1996 jusqu'à la transmission, le 1er avril 1997 à la direction régionale Fiat, de son estimation du fonds de commerce de la concession, soit plus de sept mois après la notification du préavis ;

Qu'elle ne rapporte pas davantage la preuve des assurances qu'elle prétend avoir reçues des représentants régionaux du concédant, sur la reprise de son fonds de commerce.

Considérant encore, qu'il appartient au concessionnaire de mettre à profit le délai de préavis de résiliation pour organiser lui-même sa reconversionet qu'en dehors du respect du préavis, le concédant n'a pas souscrit d'obligation d'assistance au concessionnaire évincé, dans la mise en œuvre de la reconversion ;

Qu'en conséquence les demandes concernant les pertes d'exploitation et de la valeurs des incorporels liés à l'activité Fiat, et les indemnités de licenciement payées au personnel, ne sont pas fondées ;

Sur l'exécution du contrat pendant le préavis et les diverses primes réclamées par la société Garage Oliver

Considérant que la société Garage Oliver ne rapporte pas la preuve du dénigrement invoqué ;

Que l'attestation de Madame Buzzi, dont il n'est pas contesté qu'elle a été antérieurement la préposée du concessionnaire, ne sera pas retenue par la cour, ayant été élaborée quelques jours seulement après la cessation de l'activité salariée de l'intéressée au sein du Garage Oliver ;

Que ce dernier n'était pas fondé à exiger en février 1997, le renouvellement pour un an du " crédit stock ", alors que la concession était résiliée à effet désormais de moins de six mois et qu'il a expressément entériné les objectifs de vente pour 1997 ainsi qu'il le reconnaît dans la lettre du 19 mars de cette même année ;

Considérant en outre, qu'en se bornant à relever qu'un représentant du concessionnaire Fiat voisin, avait laissé sa carte à l'un des agents de la société Garage Oliver situé sur le territoire concédé, celle-ci n'a pas démontré la réalité d'un démarchage effectif de sa clientèle et que le constat dressé le 1er août 1997 sur les réponses téléphoniques obtenues du centre de renseignements du siège parisien de la société Fiat, établissent un fait isolé, aucun autre sondage à des dates différentes et espacées, n'étant versé aux débats ;

Qu'il est en conséquence insuffisant à établir la preuve de la réalité du préjudice allégué par l'intimée ;

Que la société Garage Oliver ne s'explique pas sur l'écart qu'elle revendique sur le prix de rachat du stock des pièces détachées, les obligations du concédant étant limitées par l'article 8 du contrat de concession, lequel stipule que le pris de rachat est égal à la moitié du tarif en vigueur à la date d'expiration de la concession et que la valeur de la reprise ne peut pas dépasser le montant des achats de pièces détachées effectués pendant les six mois précédant la fin du contrat ;

Considérant aussi que les conditions de l'attribution des primes dites " MOS " ne sont pas définies au contrat de concession et qu'elles résultent des décisions octroyées par le constructeur automobiles et discutées avec l'association représentative des concessionnaires ;

Que la société Garage Oliver ne justifie pas du droit personnel qu'elle aurait d'en discuter elle-même les conditions d'application ni du calcul qui lui serait spécifique et qu'en se bornant à en contester les critères d'attribution, elle ne démontre pas que ceux-ci auraient été appliqués de manière discriminatoire par rapport aux conditions d'octroi appliquées aux autres concessionnaires de la marque placés dans des conditions comparables ;

Considérant aussi que l'intimée ne justifie pas davantage

- avoir rempli les conditions d'immatriculation avant le 31 décembre 1996 des véhicules Brava et Bravo pour prétendre à l'allocation des primes correspondantes,

- ni avoir bénéficié d'un engagement de la société Fiat sur le maintien dans le temps de l'ancien tarif pour l'évacuation des épaves dans le cadre du système " Efficasse " ;

Que le suivi pendant trois ans des acheteurs d'un véhicule neuf ne s'arrête pas au moment de la résiliation de la concession, de sorte qu'il n'y a pas lieu à remboursement prorata temporis de la cotisation qu'elle a versée dans le cadre du programme " Fiat Linéa " ;

Qu'il apparaît équitable en l'espèce, de laisser à chaque partie la charge définitive des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer au cours de l'instance ;

Par ces motifs, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, Déboute la SARL société d'exploitation du Garage Oliver de toutes ses demandes, La condamne aux dépens de première instance et d'appel. Admet la SCP Bernabé-Chardin-Cheviller au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.