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Décisions

TPICE, président, 21 juillet 1999, n° T-191/98 R

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

DSR-Senator Lines GmbH (Sté)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vesterdorf

Avocats :

Mes Waelbroeck, Zinsmeister, Pheasant, Bromfield, Levitt.

TPICE n° T-191/98 R

21 juillet 1999

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Antécédents du litige

1. La requérante était l'une des quinze compagnies maritimes parties au Trans-Atlantic Agreement (ci-après "TAA"), un accord de conférence maritime relatif au transport de ligne à travers l'Atlantique, entre l'Europe du Nord et les Etats-Unis d'Amérique.

2. Le 19 octobre 1994, la Commission a arrêté la décision 94-980-CE, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV-34.446 - Trans-Atlantic Agreement) (JO L. 376, p. 1), par laquelle, d'une part, elle a constaté que certaines dispositions du TAA, dont, notamment, celles relatives à certains services de transport terrestre sur le territoire de la Communauté, enfreignaient le paragraphe 1 de l'article 85 du traité CE (devenu article 81 CE), et, d'autre part, elle a refusé d'appliquer l'article 85, paragraphe 3, du traité et l'article 5 du règlement n° 1017-68 du Conseil, du 19 juillet 1968, portant application des règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L. 175, p. 1) à ces dispositions. La décision 94-980, du 19 octobre 1994, interdisait à ses destinataires de se livrer, notamment, à des pratiques de fixation des prix ayant un objet ou un effet identique ou analogue aux dispositions contenues dans l'accord TAA.

3. A l'issue de nombreuses discussions avec la Commission, les parties au TAA ont notifié à cette dernière, le 5 juillet 1994, un nouvel accord destiné à le remplacer et intitulé le Trans- Atlantic Conference Agreement (ci-après "TACA"), lequel est entré en vigueur le 24 octobre 1994. En raison d'amendements successifs, cinq nouvelles versions du TACA ont été notifiées à la Commission après le 5 juillet 1994.

4. Le 16 septembre 1998, la Commission a adopté la décision 1999-243-CE, relative à une procédure d'application des articles 85 et 86 du traité CE (affaire IV-35.134 - Trans-Atlantic Conference Agreement) (JO 1999, L. 95, p. 1, ci-après " Décision ").

5. Selon les articles 1, 2 et 3 de la décision, les parties au TACA ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord sur l'Espace économique européen (EEE) et de l'article 2 du règlement n° 1017-68, du 19 juillet 1968, en concluant un accord en vertu duquel elles ont mené diverses activités contraires à la concurrence.

6. Selon les articles S et 6 de la décision, la requérante et les autres membres du TACA ont enfreint les dispositions de l'article 86 du traité (devenu article 82 CL) et de l'article 54 de l'accord EEE, en modifiant la structure concurrentielle du marché de façon à renforcer leur position dominante collective et en prévoyant des restrictions relatives à l'accès et au contenu de contrats de services.

7. L'article 8 de la décision inflige à la requérante une amende de 13,75 millions d'euros pour les infractions constatées aux articles 5 et 6 de la décision. Son article 10 prévoit que les amendes fixées à l'article 8 sont payables dans un délai de trois mois à compter de la date de sa notification.

8. Par lettre du 25 septembre 1998, la Commission a notifié la décision à la requérante. Dans cette lettre, elle précisait que, si la requérante introduisait un recours devant le tribunal, elle ne procéderait à aucune mesure de recouvrement tant que l'affaire serait pendante devant cette juridiction, pour autant que la créance produise intérêts, à partir de la date d'expiration du délai de payement, et qu'une garantie bancaire, acceptable par elle et couvrant la dette tant au principal qu'en intérêts, soit fournie au plus tard à cette date.

9. Par lettre du 16 décembre 1998, la requérante a sollicité une dispense de l'obligation de constituer une garantie bancaire. La Commission a rejeté cette demande par lettre du 10 février 1999, estimant, notamment, qu'il devait être possible de constituer la garantie exigée "auprès des partenaires, banquiers ou actionnaires de l'entreprise". En outre, la Commission a indiqué qu'elle était prête à accepter:

"a) une garantie bancaire d'une durée limitée à un an (automatiquement prorogée ou sujette à paiement en cas de révocation) conforme au modèle de garantie bancaire ci-annexé;

b) un mécanisme de règlement permettant à la société de payer par fractionnement à la condition que les intérêts de retard soient calculés et que le solde de la dette soit couvert par une garantie bancaire ordinaire."

10. Par requête déposée au greffe du tribunal le 7 décembre 1998, la requérante a introduit, en vertu de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE), un recours visant à l'annulation de la décision (enregistré sous le numéro T-191-98).

11. Par acte séparé, enregistré au greffe le 1er mars 1999, la requérante a introduit, en vertu de l'article 185 du traité CE (devenu article 242 CE), la présente demande tendant à la suspension de la décision en ce qu'elle lui impose dans ses articles 8 et 10 le payement d'une amende de 13,75 millions d'euros, jusqu'au prononcé de l'arrêt au principal, et sans qu'elle soit tenue de constituer la garantie bancaire exigée par la Commission dans sa lettre du 25 septembre 1998 comme condition pour éviter le recouvrement immédiat de cette amende.

12. La Commission a présenté ses observations sur la présente demande en référé le 24 mars 1999.

13. Par acte enregistré le même jour au greffe, la République fédérale d'Allemagne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la requérante. Par ordonnance du 12 avril 1999, le président du Tribunal a accueilli cette demande.

14. La République fédérale d'Allemagne a présenté ses observations écrites par mémoire enregistré au greffe le 12 avril 1999.

15. Par lettre du 28 avril 1999, la requérante a fourni, à la demande du juge des référés, certaines informations relatives à sa situation financière.

16. Les parties ont été entendues en leurs explications le 6 mai 1999.

17. A l'issue de l'audition, le juge des référés a invité les parties à engager des négociations en vue de la conclusion, avant le 30 juin 1999, d'un règlement amiable pouvant consister à échelonner le payement de l'amende et à constituer des garanties fractionnées.

18. Le 1er juillet 1999, la requérante a informé le greffe de l'échec de ces négociations.

En droit

19. En vertu des dispositions combinées des articles 185 du traité et 186 du traité CE (devenu article 243 CE) et de l'article 4 de la décision 88-591-CECA, CEE, Euratom du conseil, du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L. 319, p. 1), tel que modifié par la décision 93-350-Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 8 juin 1993 (JO L. 144, p. 21), le Tribunal peut, s'il estime que les circonstances l'exigent, ordonner le sursis à l'exécution de l'acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

20. L'article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal prévoit que les demandes relatives à des mesures provisoires doivent spécifier les circonstances établissant l'urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l'octroi des mesures auxquelles elles concluent.

21. Ces conditions sont cumulatives, de sorte qu'une demande de sursis à exécution doit être rejetée dès lors que l'une d'elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNKI-Commission, C-268-96 P(R), Rec. p. l-4971, point 30].

22. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la cour du 29 juin 1999, Italie-Commission, C-107-99 R, Rec. p. I-4011).

23. Il convient d'examiner si, en l'espèce, les conditions d'octroi de la mesure sollicitée sont satisfaites.

Arguments des parties

Sur le fumus-boni juris

24. Pour démontrer le bien-fondé, à première vue, de ses prétentions, la requérante soulève trois moyens tirés, respectivement, d'une violation des formes substantielles, d'erreurs de fait et de droit dans l'appréciation de l'existence d'infractions à l'article 86 du traité et de l'illégalité de l'amende infligée.

25. Dans le cadre du premier moyen, pris d'une violation des formes substantielles, la requérante développe trois séries d'arguments. Elle soutient, tout d'abord, que la Commission n'a pas respecté son droit d'être entendue au cours de la procédure administrative. Elle fait état, ensuite, de deux cas de refus d'accès au dossier. Enfin, elle estime que la Commission a méconnu ses devoirs de bonne administration, d'objectivité et d'impartialité dans la conduite de la procédure administrative, dans l'appréciation des faits, des preuves et des questions ainsi que dans l'évaluation des amendes.

26. Par son deuxième moyen, tiré d'une violation de l'article 86 du traité, la requérante allègue que la conclusion de la Commission selon laquelle les entreprises parties au TACA étaient susceptibles d'occuper une position dominante collective est entachée d'erreurs de droit et de fait.

27. Dans un troisième moyen, la requérante conteste la légalité de l'amende.

28. La Commission ne conteste pas l'existence d'un fumus boni juris. Toutefois, elle fait valoir que deux des arguments avancés par la requérante dans le cadre de son premier moyen pris d'une violation des formes substantielles doivent, dès ce stade de la procédure, être rejetés comme manifestement non fondés.

29. Elle réfute l'argument selon lequel toute constatation de faits postérieure à la communication des griefs aurait pour effet d'invalider celle-ci. Elle souligne que ladite communication vise à informer les parties et leur permettre de présenter des observations et qu'elle demeure valable jusqu'à son retrait. Lorsque, sur la base de constatations postérieures à la communication des griefs, la Commission soulève des griefs nouveaux, elle en informe les parties.

30. Elle relève également que l'argumentation de la requérante relative à l'accès au dossier vise à contester non pas le bien-fondé des griefs retenus mais les raisons qui ont pu l'amener à retenir ces griefs. Or, les droits de la défense auraient pour objet de permettre aux parties concernées de contester le bien-fondé des griefs et non pas les motifs qui ont conduit la Commission à les retenir.

Sur l'urgence

31. La requérante rappelle que, conformément à une jurisprudence constante, une demande de dispense de l'obligation de fournir une garantie bancaire ne peut être accueillie que dans des circonstances exceptionnelles (ordonnances du président de la Cour du 6 mai 1982, AEG-Commission, 107-82 R, Rec. p. 1549, point 6, et du 15 mars 1983, Ferriere di Roè Volciano-Commission, 234-82 R, Rec. p. 725). De telles circonstances existeraient en l'espèce, car elle n'est pas en mesure de fournir la garantie bancaire demandée.

32. Toutes les banques qu'elle a contactées auraient refusé de lui fournir une garantie. Elle produit une lettre du 8 octobre 1998 de la Kreditantstalt fuir Wiederaufbau à la direction générale de la concurrence de la Commission (DG IV), indiquant que les liquidités de la requérante excluent le paiement de l'amende ou la fourniture d'une garantie et que l'exécution de la Décision entraînerait sa mise en faillite immédiate. La Bremer Bank et la Commerzbank Hamburg ont respectivement, par lettres des 23 et 27 octobre 1998, refusé de fournir la garantie demandée.

33. Elle a également versé au dossier, à la demande du juge des référés, deux lettres de la Bremer Bank et de la Commerzbank Hamburg, respectivement datées des 17 mars et 16 avril 1999, par lesquelles celles-ci refusent de lui octroyer une garantie conforme aux termes de l'offre de la Commission du 10 février 1999.

34. La requérante attribue ces refus à ses difficultés financières. Alors que, au terme de l'exercice 1997, ses capitaux propres présentaient un solde négatif d'environ 143 millions de DM, elle n'aurait pu éviter la cessation de paiement et l'ouverture d'une procédure de faillite que grâce à une injection de 95 millions de DM, l'octroi de garanties à hauteur de 25 millions par les actionnaires ainsi qu'un transfert de participations d'un montant de 10 millions et la renonciation par son principal actionnaire, la société de droit coréen Hanjin Shipping Co. Ltd (ci-après "Hanjin"), à tout rang privilégié sur 42 millions de DM de créances.

35. Afin de réduire ses pertes pour l'exercice 1998 initialement estimées à 198 millions de DM, la requérante indique avoir renégocié sa dette à l'égard d'un groupe de 27 créanciers propriétaires de navires. Grâce à ces mesures, ses capitaux propres négatifs auraient été ramenés à 40 millions de DM et son résultat déficitaire à 68,2 millions de DM (voir annexe 9 à la requête).

36. Lors de l'assemblée générale du 30 novembre 1998, les actionnaires auraient pris des mesures afin de combler les capitaux propres négatifs de l'exercice 1998 et d'apporter 70 millions de DM de liquidités supplémentaires à l'entreprise. Ces mesures auraient, notamment, consisté en une augmentation de capital à concurrence de 60 millions de DM, dont 40 millions apportés par Hanjin et un transfert de participations de 20 millions par la Bremer lnvestitionsgesellschaft. Ces mesures auraient permis à la requérante d'éviter l'ouverture d'une procédure de faillite au 31 décembre 1998 et de disposer de liquidités suffisantes pour poursuivre ses opérations courantes.

37. En réponse aux questions écrites du juge des référés, la requérante a indiqué que, selon ses estimations les plus récentes relatives à l'exercice 1998, son résultat déficitaire s'élèverait à 88,8 millions de DM et ses capitaux propres négatifs à 136,9 millions de DM. Lors de l'audition, elle a expliqué que la différence entre ces montants et ceux indiqués lors de la procédure écrite serait due à une série de mesures financières hors-bilan.

38. La requérante estime que la mise en recouvrement de l'amende aboutirait à sa mise en liquidation, ce qui serait contraire aux intérêts financiers de la Commission.

39. Elle fait valoir que la Commission ne saurait justifier une telle mesure par le fait que les actionnaires ont toujours couvert ses pertes par le passé. La question de la responsabilité d'une société du fait d'une société tierce dont elle dépend serait régie par le droit national applicable (ordonnance du président du Tribunal du 25 août 1994, Aristrain-Commission, T-156-94 R, Rec. p. II-715, points 6, 17 et 32), conformément aux dispositions de l'article 192 du traité CE (devenu article 256 CE). Or, en droit allemand, la responsabilité des actionnaires est limitée au montant de leurs apports (arrêt du Tribunal du 21 janvier 1999, Neue Maxhutte Stahlwerke et Lech-Commission, T-129-95, T-2-96 et T-97-96, Rec. p. II-17). Dans la mesure où l'amende a été infligée à la requérante à titre personnel, ses actionnaires, à l'instar des banquiers et de ses autres partenaires, n'encourent aucune responsabilité à cet égard, et ne sauraient, juridiquement ni moralement, être tenus de lui porter une quelconque assistance.

40. Lors de l'assemblée générale du 30 novembre 1998, la requérante n'aurait pas réussi à obtenir de ses actionnaires, eux-mêmes dans une situation difficile, un apport de 13,75 millions d'euros pour le payement de l'amende ou, pour le moins, leur concours pour l'obtention d'une garantie bancaire.

41. Hanjin, en particulier, serait dans une situation délicate, après avoir déjà investi 285 millions de DM dans le capital de la requérante et s'être dernièrement engagée à lui apporter 40 millions de DM. Lors de l'audition, la requérante a, par ailleurs, soutenu que certaines règles imposées par le Fonds monétaire international limiteraient la possibilité pour les entreprises coréennes de transférer des fonds à l'étranger. En tout état de cause, Hanjin refusant de lui apporter une quelconque assistance, il importerait peu de savoir si cette dernière est ou non en mesure de lui prêter assistance, dès lors qu'il n'existe aucun mécanisme juridique permettant de l'y contraindre.

42. La République fédérale d'Allemagne estime que les conditions d'octroi du sursis à exécution sont satisfaites. Elle fait valoir que l'exécution de l'obligation de fournir une garantie bancaire devrait entraîner des conséquences irréversibles pour la requérante qui n'est pas en mesure de s'y conformer. La mise en recouvrement de l'amende entraînerait l'ouverture d'une procédure de faillite à l'encontre de la requérante. Une telle situation reviendrait à préjuger le recours au principal.

43. Par ailleurs, elle doute du bien-fondé de l'appréciation par la Commission de la capacité du groupe de fournir une garantie bancaire. A cet égard, elle souligne que, en droit allemand, une société à responsabilité limitée ne peut exiger ni contraindre ses actionnaires à lui apporter leur soutien. Le sort de la société ne dépendrait, en dernier ressort, que de la décision de ces derniers.

44. La mise en œuvre de la demande de garantie, comme la mise en recouvrement de l'amende, mettrait en péril l'existence de la requérante. Sa liquidation aurait des conséquences dommageables sur la situation de l'emploi en Allemagne et dans d'autres pays de la Communauté. Compte tenu des liens économiques étroits existant entre la requérante et de nombreux propriétaires de navires, elle estime qu'une liquidation aurait également des répercussions profondes sur l'ensemble du secteur des transports maritimes, risquant d'aboutir à la liquidation d'autres opérateurs et, partant, à une concentration accrue de la structure du marché des transports maritimes.

45. La Commission estime que la condition relative à l'urgence n'est pas remplie. Elle expose qu'une demande de sursis à l'exécution de l'obligation de constituer une garantie bancaire doit être examinée en prenant en considération le soutien que peuvent apporter les entreprises du groupe dont dépend la requérante (ordonnance du président de la cour du 7 mai 1982, Hasselblad-Commission, 86-82 R, Rec. p. 1555, point 4; ordonnances du Président du Tribunal du 21 décembre 1994, Laakmann-Commission, T-301-94 R, Rec. p. II-1279, point 26, et du 17 février 1995, Cascades-Commission, T-308-94 R, Rec. P. II-265, point 46). La référence, dans ces décisions, aux membres du groupe n'impliquerait pas la mise en cause de leur responsabilité mais viserait à déterminer si la requérante, avec l'assistance desdits membres, est en mesure de fournir la garantie exigée. La mauvaise volonté des actionnaires de l'entreprise ne constituerait pas la preuve de l'impossibilité d'une telle assistance.

46. La requérante n'aurait pas démontré que ses actionnaires ne sont pas en mesure de lui prêter assistance mais se serait bornée à indiquer qu'elle ne peut les y contraindre et que, en toutes hypothèses, ils n'ont aucune obligation à son égard. Or, selon la Commission, l'actionnaire majoritaire. Hanjin, semble être dans une bonne situation financière.

47. En outre, les actionnaires disposeraient, aux fins d'assister la requérante, d'autres moyens que celui consistant à faire un apport en capital égal au montant de l'amende. En particulier, si les actionnaires jouissent, à l'égard des tiers, d'un crédit supérieur à celui de la requérante, les banques pourraient se satisfaire d'une sûreté autre qu'un dépôt de liquidités afin d'accorder la garantie exigée.

48. La Commission concède que la requérante éprouve des difficultés certaines mais souligne que le paiement d'une amende peut poser des problèmes de trésorerie à toute société, quelle que soit sa santé financière. A cet égard, elle relève que les besoins de trésorerie de la requérante en 1999 comprennent le remboursement d'un emprunt de 49,9 millions de DM et l'acquisition de matériel informatique d'une valeur de 25 millions de DM. La Commission rappelle que la requérante n'a jamais répondu à sa suggestion du 10 février 1999 de fournir, à titre provisoire, une garantie limitée dans le temps, afin de faire face à ses besoins de trésorerie. En tout état de cause, l'amende ne serait pas la cause de l'insolvabilité de la requérante.

49. Si la requérante mie peut faire face à son passif exigible, la Commission estime que, en toute logique, elle devrait être déclarée en cessation de paiement, que l'amende soit immédiatement mise en recouvrement ou non. L'amende étant une dette, elle devrait être inscrite dans les comptes de la requérante depuis son prononcé, quelle que soit sa date d'exigibilité. Par suite, l'obligation de fournir une garantie bancaire n'affecterait pas les comptes de la requérante dans des proportions significatives, son montant ne représentant que 4% du passif au 31 décembre 1997.

50. Pour la Commission, les actionnaires tablent sur l'amélioration des résultats de l'entreprise. Si tel est bien le cas, il n'appartiendrait pas au Tribunal d'ordonner à la Commission d'accorder un crédit à la requérante plutôt que d'exiger des actionnaires qu'ils prennent eux-mêmes les mesures qui s'imposent. Si la requérante, comme elle l'affirme, a simplement besoin de temps pour améliorer sa situation financière, ses actionnaires ne courraient aucun risque en fournissant une garantie.

51. La liquidation éventuelle de la requérante dépendrait d'une décision des actionnaires et non pas de la Commission. Si les actionnaires sont convaincus de la viabilité de l'entreprise à long terme et du bien-fondé de leur action à l'encontre de la décision, ils devraient, dans ces conditions, prêter assistance à la requérante. S'ils estiment que l'un ou l'autre de ces éléments fait défaut, ils pourraient alors raisonnablement décider de retirer leur soutien à la requérante et la laisser faire l'objet d'une procédure de faillite.

Sur la balance des intérêts

52. La requérante soutient que l'exécution immédiate de l'amende ne permettrait pas à la Commission d'en recouvrer le montant. En effet, dans une telle hypothèse, la requérante tomberait en liquidation. La Commission, qui ne bénéficie d'aucun privilège particulier, serait tenue de déclarer sa créance au liquidateur, laquelle, faute d'actifs suffisants, ne pourrait vraisemblablement pas être réglée.

53. Au contraire, une dispense de l'obligation de fournir une garantie bancaire lui permettrait de poursuivre sa restructuration. Celle-ci aurait déjà conduit à une amélioration de ses résultats et, pour l'exercice 1999, la requérante prévoit un bénéfice compris entre 0,9 et 10 millions de USD. Une procédure de faillite remettrait en cause ces efforts, sans pour autant permettre à la Commission d'obtenir le paiement de l'amende.

54. La mise en recouvrement de l'amende mettrait directement en péril 541 emplois (405 en Europe dont 285 au siège de la société, à Brème, où le taux de chômage est particulièrement élevé) et, indirectement, 231 emplois à travers l'Europe.

55. Outre la disparition de ces emplois, la liquidation de la requérante affecterait les propriétaires de navires et leurs banquiers. Elle risquerait d'entraîner un effondrement du marché international de l'affrètement de porte-conteneurs en raison de l'arrivée soudaine sur ce marché de 37 navires sans affectation ainsi qu'un renforcement de la position de quelques très grandes compagnies propriétaires de navires.

56. La Commission fait observer que c'est précisément parce qu'elle ne dispose d'aucun privilège ou rang préférentiel qu'elle entend sauvegarder les intérêts de la Communauté par l'obtention d'une garantie bancaire (ordonnances du Président du Tribunal Cascades-Commission, précitée, points 55 et 56, et du 11 août 1995, Tsimenta Chalkidos-Commission, T-104-95 R, Rec. p. II-2235, point 23).

Appréciation du juge des référés

57. Avant de statuer sur la présente demande en référé, il convient de définir avec précision l'objet de la procédure. En effet, dans sa demande, la requérante conclut, en premier lieu, à ce qu'il soit sursis à l'exécution de la décision, en ce qu'elle lui inflige une amende et, second lieu, à ce qu'elle soit dispensée de l'obligation de constituer une garantie bancaire.

58. Or, il est constant que, dans sa lettre de notification du 25 septembre 1998, la Commission a précisé à la requérante que, au cas où elle introduirait un recours devant le Tribunal, il ne serait procédé à aucune mesure de recouvrement de l'amende tant que l'affaire serait pendante devant cette juridiction, pour autant que la créance produise des intérêts, à partir de la date d'expiration du délai de payement de l'amende, et qu'une garantie bancaire acceptable par la Commission et couvrant le montant de la dette principale majorée des intérêts, soit constituée au plus tard à cette date. Dans ces conditions, la demande de la requérante a, en fait, pour seul objet d'obtenir une dispense de l'obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat du montant de l'amende infligée par la décision.

59. Aux termes d'une jurisprudence constante, une telle demande ne peut être accueillie qu'en présence de circonstances exceptionnelles (ordonnances du président du Tribunal Tsirnenta Chalkidos-Commission, précitée, point 1 9. Cascades-Commission, précitée, point 43, du 21 décembre 1994, Buchmann-Commission, T-295-94 R, Rec. p. II-1265, point 22, et Laakman-Commission, précitée, point 22).

60. Il y a lieu d' examiner, tout d'abord, si la requérante a apporté la preuve qu'il lui est impossible de constituer la garantie demandée sans mettre en péril son existence et que la condition relative à l'urgence est, dès lors, satisfaite.

61. Malgré les récentes mesures de recapitalisation, la requérante demeure, à première vue, dans une situation financière fragile. caractérisée par des capitaux propres négatifs et des résultats déficitaires importants. Cette situation devrait toutefois s'améliorer sensiblement au cours de l'exercice 1999 selon les estimations de la requérante.

62. Par lettres des 23 et 27 octobre 1998, la Bremer Bank et la Commerzbank Hamburg ont chacune refusé de consentir à la requérante une garantie d'un montant équivalent à celui de l'amende au motif qu'elle ne disposait pas de liquidités suffisantes à offrir en sûreté. Malgré la recapitalisation de la société et l'offre de la Commission en date du 10 février 1999, ces banques ont réitéré, par lettres des 17 mars et 16 avril 1999 leurs refus d'octroyer une garantie sans la constitution préalable d'un dépôt de fonds de la part de la requérante.

63. Au vu de ces éléments, il convient d'admettre que la requérante a rapporté la preuve suffisante de son incapacité à se procurer, par elle-même, la garantie bancaire exigée par la Commission.

64. Toutefois, afin d'apprécier la capacité de la requérante à constituer la garantie en cause, il convient, conformément à une jurisprudence constante, de tenir également compte du groupe de sociétés dont elle dépend directement ou indirectement, notamment pour ce qui est de la possibilité de fournir les sûretés que les banques pourraient réclamer(ordonnances Hasselblad-Commission, précitée, point 4, Aristrain-Commission, précitée, point 33, Laakmann-Commission, précitée, point 26, Buchmann-Commission, précitée, et Cascades-Commission, précitée, point 46). Une telle exigence tient d'une part, à l'intérêt public qui s'attache à l'exécution des décisions de la Commission et à la sauvegarde des intérêts financiers de la Communauté et, d'autre part, aux avantages qui peuvent découler, pour ses actionnaires, des éventuels comportements anticoncurrentiels d'une société (ordonnance Buchmann-Commission, précitée, point 26). Contrairement à ce que soutient la requérante, cette prise en considération de la situation du groupe auquel elle appartient n'implique aucunement que l'amende ou la responsabilité de l'infraction soit imputée à des tiers.

65. Il convient de relever que la requérante est une filiale à 80% de Hanjin, laquelle est également destinataire de la décision, et classée par celle-ci parmi les "transporteurs moyens à grands"(point 596 des considérants de la décision).

66. Il est constant que les actionnaires de la requérante ont, par résolution du 30 novembre 1998, refusé d'apporter leur concours pour l'obtention d'une garantie bancaire, refus réitéré postérieurement à la proposition de la Commission du 10 février 1999, par résolution du 27 avril 1999. Bien que les actionnaires aient ainsi clairement exprimé qu'ils n'entendaient pas soutenir la requérante, ces résolutions ne prouvent pas, toutefois, qu'ils sont empêchés de le faire.

67. La Commission a produit, lors de la procédure écrite, un article du Lloyd's List du 1er mars 1999 dont il ressort que, après l'adoption de mesures de restructuration, le bénéfice net de Hanjin pour l'exercice 1998 était de 18,8 millions de USD. Il apparaît également que cette société prévoit pour l'exercice 1999 des bénéfices de 52 millions de USD, pour un résultat de 3,1 milliards de USD. Lors de l'audition, la Commission a, par ailleurs, fait état d'informations publiques supplémentaires tirées du rapport annuel de Hanjin pour l'exercice 1998, confirmant ces bons résultats.

68. La requérante n'a pas sérieusement contesté ces éléments. Elle s'est bornée à produire un article du Lloyd's List du 20 avril 1999 qui, outre des données très générales sur l'endettement des conglomérats coréens, fait état des mesures de restructuration adoptées par Hanjin. Elle n'a apporté aucun élément relatif aux résultats de Hanjin pour les exercices 1998 et 1999, ni étayé ses allégations relatives à d'éventuelles restrictions au transfert, par les sociétés coréennes, de fonds à destination de pays tiers.

69. Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que la requérante n'a pas apporté d'éléments susceptibles de démontrer que son actionnaire majoritaire, Hanjin, n'est pas en mesure de l'assister aux fins de constituer la garantie exigée par la Commission.La situation de Hanjin est, à première vue, suffisamment saine pour conclure qu'elle serait en mesure (l'apporter un concours déterminant à la requérante. Dans ces circonstances, la requérante n'a pas apporté la preuve de l'impossibilité de constituer la garantie bancaire exigée par la Commission.

70. Il s'ensuit que la condition relative à l'urgence n'est pas satisfaite en l'espèce.

71. Il y a donc lieu de rejeter la demande en référé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens et arguments invoqués par la requérante pour justifier l'octroi du sursis à exécution sollicité.

Par ces motifs,

ordonne:

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

1°) La demande en référé est rejetée.