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Décisions

Cass. com., 20 mai 2003, n° 01-02.657

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Dactyl buro du Centre (SA)

Défendeur :

François (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Viricelle

Avocats :

SCP Boré-Xavier-Boré, Me Le Prado.

T. com. Créteil, 4e ch., du 27 janv. 199…

27 janvier 1999

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 décembre 2000), que M. Cavallie, salarié de la société François, a été embauché par la société Dactyl buro, les deux entreprises étant spécialisées dans la fourniture de matériels de bureau; que le contrat de travail de M. Cavallie avec la société François comportait une clause de non-concurrence portant sur trois arrondissements parisiens et limitée dans le temps ; qu'à la suite de l'embauche de M. Cavallie par la société Dactyl buro, la société François a fait connaître à la société Dactyl buro que M. Cavallie était lié à elle par une clause de non-concurrence; que faisant valoir que malgré cette information, la société Dactyl buro avait persisté à employer M. Cavallie dans le secteur protégé et avait fautivement détourné sa clientèle, la société François l'a assignée en paiement de dommages-intérêts;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches: - Attendu que la société Dactyl buro fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société François la somme de 350 000 F à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et celle de 100 000 F en réparation de "l'atteinte à son image de marque", alors, selon le moyen: 1°) que le contrat de travail de M. Cavallie, s'il lui attribuait à titre exclusif les XVIe, XVIIe et XVIIIe arrondissements de Paris, ne lui faisait aucune interdiction expresse ou implicite de démarcher hors de ce secteur pour le compte de son employeur; qu'en se déterminant sur le fondement d'une "interdiction (contractuelle) expresse d'exercer son activité" hors du secteur conventionnel, dont la société Dactyl buro aurait sciemment accepté la violation au détriment d'un tiers, la cour d'appel, qui a dénaturé les stipulations du contrat de travail de M. Cavallie, a violé l'article 1134 du Code civil et, dans les rapports des sociétés Dactyl buro et François, l'article 1382 du même Code; 2°) qu'en condamnant la société Dactyl buro, sur la simple constatation d'un manquement à son "obligation de vigilance" à indemniser l'entier préjudice subi par la société François, dont elle avait préalablement relevé qu'avant de prendre l'initiative de la procédure, elle n'avait pas jugé utile d'informer la société Dactyl buro de la teneur de la clause de non-concurrence dont elle se prévalait, ni de lui communiquer copie du contrat de travail de son ancien salarié, la cour d'appel qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1382 du Code civil;

Mais attendu que l'arrêt constate qu'à réception de deux lettres recommandées d'avertissement démunies de toute ambiguïté émanant de la société François, la société Dactyl buro n'a pas réagi; que l'arrêt retient qu'en application du principe de vigilance, la société Dactyl buro se devait pourtant d'interroger son nouveau salarié qui, en réponse à sa lettre de démission, ne pouvait ignorer le rappel reçu sans protestation que lui a fait la société François de l'obligation de respecter pendant une année la clause de non-concurrence dans trois arrondissements énumérés; qu'en l'état de ces constatations et appréciations dont il résultait l'existence d'une faute de la société Dactyl buro à laquelle il appartenait, dès lors qu'elle avait été avertie d'une obligation de non-concurrence pesant sur son salarié, de prendre tout renseignement auprès de celui-ci ou de son ancien employeur sur l'étendue exacte de cette clause, la cour d'appel a pu retenir une faute à la charge de la société Dactyl buro, abstraction faite de la dénaturation critiquée par la première branche du moyen sans incidence sur la solution du litige; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;

Sur le deuxième moyen: - Attendu que la société Dactyl buro fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'en ne répondant pas aux conclusions de la société Dactyl buro, appuyées sur des documents intitulés "statistiques sur ensemble" et versé aux débats, selon lesquelles la société François n 'avait, à la suite du départ de M. Cavallie, affecté aucun salarié au secteur délaissé par ce dernier, de sorte que la perte de clientèle invoquée était, à tout le moins pour partie, imputable à cette inaction, la cour d'appel, qui a privé sa décision de motifs, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

Mais attendu qu'ayant retenu, pour déterminer le préjudice commercial de la société François, qu'il y avait lieu de réduire l'évaluation mathématique faite par cette société en fonction du droit pour tout client de conserver son libre arbitre dans le choix de ses fournisseurs et d'une possibilité de moindre performance du remplaçant de M. Cavallie dans le démarchage des arrondissements protégés, la cour d'appel a par là même répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées; que le moyen n'est pas fondé;

Et sur le troisième moyen: - Attendu que la société Dactyl buro reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer la somme de 100 000 F en réparation de "l'atteinte à son image de marque par les dénigrements dont elle a été l'objet de la part de son ancien salarié", alors, selon le moyen, qu'en se déterminant par des motifs qui ne caractérisent en rien le dénigrement retenu, faute de constatation de ce que l'affirmation selon laquelle les prix pratiqués par la société Dactyl buro étaient inférieurs à ceux de la société François, qui n'a jamais allégué, encore moins offert de prouver le contraire, aurait été inexacte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil;

Mais attendu qu'ayant souverainement apprécié le caractère dénigrant, pour son ancien employeur, des arguments commerciaux utilisés par M. Cavallie auprès de la clientèle fautivement démarchée, et sans avoir à vérifier autrement l'exactitude de ceux-ci, la cour d'appel a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé;

Par ces motifs: Rejette le pourvoi.