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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 26 mai 1999, n° 98-05303

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

AEG Aktiengeselschaft Theodor Stem, GIFAM, Arthur Martin (Sté), Bosch 4 (Sté), Calor (Sté), Electrolux (Sté), Gaggenau Werke (Sté), Neff-Werke (Sté), Seb (Sté), Siemens (Sté), Thomson (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Avocat général :

M. Blanc

Conseillers :

MM. Castel, Seltensperger

Avocats :

Mes Le Calvez, Leborgne, Antoine-Lalance.

TGI Paris, 31e ch., du 1er avr. 1998

1 avril 1998

Rappel de la procédure:

La prévention:

Affaire n° 9707203968

G André est poursuivi pour avoir, à Paris et sur le territoire national, courant 1996 :

- effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'identité, les qualités ou aptitudes du fabricant, des revendeurs, des promoteurs ou prestataires en diffusant des publicités dans les pages blanches et jaunes de l'annuaire France Télécom ainsi que dans l'annuaire électronique, proposant des pièces détachées et des dépannages d'appareils électroménagers de nombreuses marques et laissant croire faussement aux consommateurs que les annonceurs étaient soit titulaires, soit licenciés des marques concernées soit agrées par elles.

- effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les qualités ou aptitudes du prestataire en indiquant faussement dans des publicités diffusées dans les pages jaunes et blanches de l'annuaire de France Télécom et dans l'annuaire électronique que la société Y assurait les dépannages et disposait d'un atelier de réparations.

G Louis est poursuivi pour avoir, à Paris et sur le territoire national, courant 1996, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'identité, les qualités ou aptitudes du fabricant, des revendeurs, des promoteurs ou prestataires en diffusant des publicités dans les pages blanches et jaunes de l'annuaire France Télécom ainsi que dans l'annuaire électronique, proposant des pièces détachées et des dépannages d'appareils électroménagers de nombreuses marques et laissant croire faussement aux consommateurs que les annonceurs étaient soit titulaires, soit licenciés des marques concernées soit agrées par elles.

Affaire n° 9711102349

H Michel est poursuivi pour s'être à Paris et sur le territoire national, courant 1996, rendu complice des délits de publicité mensongère reprochés à André et Louis G gérant respectivement d'X et Y, par aide et assistance, en éditant l'annuaire 1996 de France Télécom (pages jaunes, pages blanches et annuaire télématique) comportant des publicités émanant des sociétés X et Y qui laissaient croire faussement aux consommateurs que lesdites sociétés étaient titulaires ou licenciées de nombreuses marques d'appareils électroménagers (AEG, Airluc, Ariston, Arthur Martin) et qu'elles étaient agréées.

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a

ordonné la jonction des procédures n° 9711102349 et n° 9707203968,

déclaré :

H Michel coupable de complicité de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur,

faits commis courant 1996, à Paris et sur le territoire national,

infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation

G André

coupable de publicités mensongères ou de nature à induire en erreur,

faits commis courant 1996, à Paris et sur le territoire national,

infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation

G Louis coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur,

faits commis courant 1996, à Paris et sur le territoire national,

infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation

Et par application de ces articles, a condamné :

H Michel à 100 000 F d'amende,

G André à 300 000 F d'amende,

G Louis à 500 000 F d'amende,

ordonné la publication du jugement par extraits, dans les journaux Le Figaro, Le Monde, France Soir et Le Parisien, aux frais des prévenus,

constaté que les sociétés X, Y et Z n'étaient pas dans la cause,

reçu le GIFAM Groupement interprofessionnel des fabricants d'appareils d'équipement, les sociétés AEG, Arthur Martin, Bosch, Calor, Electrolux, Gaggenau Werke, Neff-Werke, Seb, Siemens, Thomson en leurs constitutions de partie civile, les a déclarées fondées,

condamné Louis G, André G et Michel H solidairement à payer au GIFAM la somme de un franc titre de dommages-intérêts,

condamné Louis G, André G et Michel H solidairement à payer aux sociétés AEG, Arthur Martin, Bosch, Calor, Electrolux, Gaggenau Werke, Neff-Werke, Seb, Siemens, Thomson la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts,

condamné Louis G, André G et Michel H à payer chacun la somme de 1 500 F à l'ensemble des parties civiles en application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

rejeté le surplus des demandes des parties civiles,

a dit que cette décision était assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable chaque condamné.

Les appels:

Appel a été interjeté par

M. le Procureur de la République, le 2 avril 1998, contre Monsieur H Michel;

Monsieur H Michel, le 2 avril 1998, sur les dispositions pénales et civiles contre Groupement interprofessionnel des fabricants d'appareils d'équipement ménager, AEG Aktiengeselschaft Theodor Stem, société Arthur Martin, société Bosch 4, société Calor, société Electrolux, société Gaggenau Werke, Societe Neff-Werke, société Seb, société Siemens, société Thomson;

société Calor, le 9 avril 1998, contre Monsieur G Louis, Monsieur G André, Monsieur H Michel;

société Thomson, le 9 avril 1998, contre Monsieur G Louis, Monsieur G André, Monsieur H Michel;

société Siemens, le 9 avril 1998, contre Monsieur G Louis, Monsieur G André, Monsieur H Michel;

société Seb, le 9 Avril 1998, contre Monsieur G Louis, Monsieur G André, Monsieur H Michel;

société Neff-Werke, le 9 Avril 1998, contre Monsieur G Louis, Monsieur G André, Monsieur H Michel;

Groupement interprofessionnel des fabricants d'appareils d'équipement ménager G, le 9 Avril 1998, contre Monsieur G Louis, Monsieur G André, Monsieur H Michel;

AEG Aktiengeselschaft Theodor Stem, le 9 avril 1998, contre Monsieur G Louis, Monsieur G André, Monsieur H Michel;

Sociéét Arthur Martin, le 9 avril 1998, contre Monsieur G Louis, Monsieur G André, Monsieur H Michel;

société Bosch 4, le 9 avril 1998, contre Monsieur G Louis, Monsieur G André, Monsieur H Michel;

société Gaggenau Werke, le 9 avril 1998, contre Monsieur G Louis, Monsieur G André, Monsieur H Michel;

société Electrolux, le 9 avril 1998, contre Monsieur G Louis, Monsieur G André, Monsieur H Michel

M. le Procureur de la République, le 10 avril 1998, contre Monsieur G Louis, Monsieur G André;

Monsieur G André, le 10 avril 1998, sur les dispositions pénales et civiles contre Groupement interprofessionnel des fabricants d'appareils d'équipement ménager , AEG Aktiengeselschaft Theodor Stem, société Arthur Martin, société Bosch 4, société Calor, société Electrolux, société Gaggenau Werke, société Neff-Werke, société Seb, société Siemens, société Thomson;

Monsieur G Louis, le 10 avril 1998, sur les dispositions pénales et civiles contre Groupement interprofessionnel des fabricants d'appareils d'équipement ménager , AEG Aktiengeselschaft Theodor Stem, société Arthur Martin, société Bosch 4, société Calor, société Electrolux, société Gaggenau Werke, société Neff-Werke, société Seb, société Siemens, société Thomson;

Décision:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par les prévenus, le Ministère public et les parties civiles à l'encontre du jugement précité, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention;

Par voie de conclusions Michel H demande à la cour de :

- constater que le jugement entrepris n'établit aucun fait positif, personnel et précis à la charge de M. Michel H

Vu les articles 121-1 et 121-7 du nouveau Code pénal,

- infirmer le jugement entrepris, prononcer la relaxe de M. Michel H et déclarer les parties civiles irrecevables ;

Il affirme qu'en retenant une abstention pour caractériser un acte de complicité à son encontre, le tribunal a fait une fausse application de l'article 121-7 du Code pénal;

Il soutient par ailleurs que le tribunal n'a nullement établi quel fait précis et personnel était susceptible de lui être imputé et n'a donc pas légalement motivé sa décision ;

Par voie de conclusions conjointes Louis G et André G demandent à la cour de :

- dire les appelants, Messieurs Louis et André G recevables

- dire l'infraction de publicité mensongère non constituée à leur encontre eu égard à l'absence de confusion créée par les annonces passées par leurs sociétés dans l'esprit du public et subsidiairement par l'absence d'intention frauduleuse de tromper quiconque ;

Subsidiairement,

- dire qu'ils ont pu - fût-ce au prix d'une erreur de droit - se croire légitimes à se comporter en concessionnaires des marques dont ils ont utilisé le nom et dire en conséquence qu'ils sont pénalement non responsables des faits retenus par la prévention ;

Plus subsidiairement encore,

- réduire les pénalités prononcées par les premiers juges à une sanction infiniment moindre eu égard aux ressources des concluants et au caractère peu marqué de leur intention délictuelle ;

Monsieur l'Avocat général requiert la cour de confirmer le jugement attaqué sur les déclarations de culpabilité tout en s'en remettant à son appréciation sur le quantum des sanctions à prononcer ;

Par voie de conclusions conjointes le GIFAM, les sociétés AEG Aktiengeselschaft Theodor Stem, Arthur Martin, Bosch, Calor Bp, Electrolux Luxbachen, Gaggenau Werke, Neff Werke, Seb, Siemens et Thomson demandent à la cour de:

- Vu les réquisitions de Monsieur l'Avocat général,

- faire application à Messieurs Louis et André G et Michel H de la loi pénale

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 1er avril 1998 en ce qu'il a déclaré GIFAM et les sociétés concluantes recevables et bien fondés dans leur constitution de partie civile et jugé que Messieurs Louis et André G et Michel H avaient contrevenu aux dispositions des articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation ;

Et statuant à nouveau,

- faire à Messieurs Louis et André G et Michel H application de la loi pénale, et ce en application des articles L. 716-9 et suivants du Code de la propriété intellectuelle ;

- condamner in solidum Messieurs Louis G, André G et Michel H à payer au GIFAM la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts ;

- condamner in solidum Messieurs Louis G, André G et Michel H à payer aux sociétés concluantes la somme de 3 millions de francs, à titre de dommages-intérêts ;

- faire interdiction sous astreinte de 10 000 F par infraction constatée aux sieurs Louis et André G et Michel H d'utiliser à quelque titre que ce soit et sous quelque forme que ce soit, les marques sus mentionnées ;

- ordonner, et ce sous la même solidarité, la publication de l'arrêt à intervenir dans dix journaux au choix des concluants, aux frais conjoints et solidaires de Messieurs Louis G, André G et Michel H et dire et juger que le coût de chacune de ces publications ne sauraient être inférieur à 60 000 F H T ;

- condamner les sieurs Louis G, André G et Michel H au paiement de la somme de 25 000 F dans les termes de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

- condamner les sieurs Louis G, André G et Michel H en tous les dépens ;

Sur l'action publique

Considérant que la cour ne saurait suivre les prévenus en leur argumentation ;

Considérant, en effet, que c'est par des motifs pertinents que la cour fait siens et par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause, exactement rapportés dans la décision attaquée, que les premiers juges ont, à bon droit, ordonné la jonction des procédures et retenu André G, Louis G ainsi que Michel H dans les liens de la prévention;

Considérant que la cour observe pour sa part que:

- l'incrimination de contrefaçon n'a pas été visée à la prévention initiale. Dès lors, la demande des parties civiles tendant à l'application des articles L. 716-9 et suivants du Code pénal, ne peut être favorablement accueillie ;

- ainsi que souligné, à juste titre par le tribunal, ni Louis G ni André G n'étaient autorisés à utiliser les marques concernées à des fins publicitaires pour leur propre commerce ;

- par la présentation adoptée les annonceurs, en dépit de leurs assertions, créaient une confusion évidente en suggérant faussement qu'ils étaient titulaires ou licenciés des marques en cause, ce qui, au demeurant était bien le but recherché;

- les frères G ne justifient aucunement d'une erreur "invincible" sur le droit au sens de l'article 122-3 du Code pénal;

- André G a fait paraître des publicités annonçant "dépannage" ou "ateliers de réparation" alors que sa société consistait uniquement dans la vente de pièces détachées et d'accessoires;

- Michel H, ainsi que rappelé par les premiers juges, en raison du contentieux en cours, savait pertinemment que les insertions effectuées pour le compte des sociétés X et Y étaient susceptibles de constituer des publicités trompeuses ;

- l'importance de ces publicités (781 488 F pour X et 494 001,75 F pour Y) ainsi que leur caractère éminemment litigieux amènent la cour à estimer que Michel H a personnellement et en toute connaissance de cause autorisé leur diffusion, facilitant ainsi la consommation du délit au sens de l'article 121-7 du Code pénal et engageant sa responsabilité pénale;

Considérant que la cour confirmera le jugement entrepris sur la jonction des procédures, les déclarations de culpabilité, les peines d'amendes et la mesure de publication de la décision qui constituent une juste application de la loi pénale ;

Sur l'action civile

Considérant que la cour qui dispose des éléments nécessaires et suffisants pour apprécier le préjudice certain subi par chaque partie civile et résultant directement des faits visés à la prévention, confirmera l'estimation équitable qu'en ont faite les premiers juges;

Considérant que le jugement sera confirmé sur les intérêts civils ;

Qu'y ajoutant la cour condamnera chaque prévenu à verser à l'ensemble des parties civiles la somme supplémentaire de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Que la cour déboutera les parties civiles du surplus de leurs demandes;

Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges qu'elle adopte expressément, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement - Sur l'action publique, Rejette les conclusions de relaxe des prévenus, Confirme le jugement déféré sur la jonction des procédures, les déclaration de culpabilité et les peines d'amende prononcées, Vu l'article 121-4 du Code de la consommation, Ordonne la publication de la décision par extraits dans les quotidiens Le Figaro, Le Monde, France Soir et le Parisien aux frais des condamnés, - Sur l'action civile, Confirme le jugement entrepris sur les intérêts civils, Y ajoutant, Condamne Louis G, André G et Michel H à verser chacun à l'ensemble des parties civiles la somme supplémentaire de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Déboute les parties civiles du surplus de leurs demandes, Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires.