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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 18 janvier 1999, n° 98-01922

PARIS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Avocat général :

M. Blanc

Conseillers :

Mme Petit, M. Remenieras

Avocat :

Me Grand.

TGI Melun, 3e ch., du 23 oct. 1997

23 octobre 1997

Rappel de la procédure:

La prévention :

L Catherine est poursuivie pour avoir, à Paris, le 3 décembre 1996, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur le prix et les conditions de vente de biens, en l'espèce en offrant des remises de 10 à 20 % sur des produits de parfumerie par rapport à des prix de référence non conformes à ceux prévus par la réglementation (prix référence jamais pratiqués).

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a :

relaxé L Catherine épouse S des fins de la poursuite du chef de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, et l'a renvoyée sans peine ni dépens,

faits commis le 3 décembre 1996, à Paris,

infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 Code de la consommation

laissé les dépens à la charge de l'Etat.

Les appels:

M. le Procureur de la République, le 24 octobre 1997 contre Madame L Catherine;

Décision:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur l'appel relevé par le Ministère public à l'encontre de Catherine L épouse S des dispositions du jugement précité, auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention;

Monsieur l'Avocat général, s'en rapportant aux termes du rapport d'appel établi le 23 octobre 1997 par Monsieur le Procureur de la République près du Tribunal de grande instance de Melun, requiert la cour de retenir, par infirmation, la prévenue dans les liens de la prévention et de la condamner à telle peine d'amende qu'il appartiendra;

Par voie de conclusions, aux développements desquelles la cour se réfère expressément, Catherine L épouse S sollicite au contraire la confirmation de la décision de relaxe critiquée;

Elle fait valoir que le délit de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur n'est constitué ni en son élément matériel, ni en son élément intentionnel;

Elle soutient que la totalité des parfumeries appliquent un coefficient de 2 ou 2,1 sur le prix d'achat hors taxes et qu'il suffit d'appliquer ce coefficient pour avoir les prix de référence qui, pour la SA X sont des prix "conseillés", sauf à commettre une erreur de droit, dont il résulterait que le délit de publicité mensongère ne pourrait, pour cette raison encore, être constitué

Elle affirme par ailleurs que dans le domaine considéré, les consommateurs qui connaissent les prix de référence de ces produits, étaient à même de vérifier la réalité des réductions offertes par la SA X;

Considérant que par procès-verbal du 6 février 1997, les agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraude de Paris ont constaté, lors d'un contrôle effectué le 3 décembre 1996 à la parfumerie X, <adresse>à Paris 6e, dont Catherine S est la gérante, la présence, à l'entrée du magasin, de trois écriteaux publicitaires sur lesquels figuraient les mentions: "X - Nos prix sont inférieurs de -10 % à -20 % par rapport aux prix habituellement publiés" ; qu'ils ont effectué des relevés de prix portant sur 25 produits choisis de façon aléatoire parmi ceux exposés à la vente;

Considérant que lors du contrôle, M. S, présent sur place, a précisé que les remises s'effectuaient par rapport aux prix habituellement pratiqués par la profession ou "prix normaux", ou par rapport aux prix pratiqués dans les autres parfumeries exploitées par la SA X, situées en banlieue et grande banlieue;

Considérant que l'article 3 de l'arrêté interministériel du 2 septembre 1977 relatif à la publicité des prix à l'égard du consommateur dispose que le prix de référence ne peut excéder le prix le plus bas effectivement pratiqué par l'annonceur pour un article ou une prestation similaire, dans le même établissement de vente au détail au cours des trente derniers jours précédant le début de la publicité;

Que l'annonceur doit être à même de justifier de l'ensemble des prix qu'il a effectivement pratiqués au cours de cette période ;

Qu'il peut également utiliser comme prix de référence le prix conseillé par le fabricant ou l'importateur, sous réserve de justifier de la réalité de ces références et du fait que ces prix sont couramment pratiqués par les autres distributeurs du même produit ;

Considérant que Monsieur S a été invité à présenter les rouleaux de caisse faisant état des ventes effectuées lors de différentes journées comprises entre le 1er août 1996 et la période du contrôle et à justifier de l'existence de prix de vente conseillés établis par ses fournisseurs et relatifs aux produits objets du relevé;

Considérant qu'à tort les premiers juges ont renvoyé Catherine L épouse S des fins de la poursuite;

Considérant, en effet, que de l'ensemble des documents et renseignements recueillis, il résulte :

- qu'aucun des fournisseurs des produits, objet du relevé, n'édite de prix conseillés, les tarifs communiqués ne faisant état que des prix de gros hors taxe;

- que depuis le mois d'août, au moins, les prix de vente retenus par Madame S pour le calcul de ses remises n'ont jamais été pratiqués, la quasi-totalité des produits de parfumerie, de soin et de maquillage étant systématiquement vendus avec une remise exprimée en pourcentage ou en valeur absolue, affectée soit au prix du produit lui même, soit à la somme totale facturée;

Considérant, dès lors, que dans la mesure où les marques concernées n'éditent pas de prix conseillés pouvant valablement être retenus comme prix de base à un rabais, le seul prix de référence licite ne pouvait être que le prix le plus bas pratiqué dans le même magasin, dans les trente jours précédant le début de la publicité ;

Que l'examen des rouleaux de caisse a démontré que, depuis le mois d'août, au moins, les prix de référence n'ont jamais été pratiqués par la parfumerie X;

Qu'ainsi, cette pratique de rabais permanents contribue à induire les consommateurs en erreur sur la réalité des avantages qui leur sont consentis, puisque les prix de référence valides au sens de la réglementation ne sont jamais pratiqués, et contrevient à l'article L. 121-1 du Code de la consommation qui dispose qu'est interdite toute publicité comportant sous quelque forme que ce soit des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs des éléments ci-après... prix et conditions de vente de biens ou services qui font l'objet de la publicité... "

Qu'en outre elle contribue à perturber le jeu normal de la concurrence entre professionnels dans un secteur ou précisément cette concurrence est extrêmement vive ;

Considérant que vainement Catherine L entend se prévaloir maintenant d'un prix de référence distinct de ceux prévus par l'arrêté du 2 septembre 1977 et calculé par rapport au prix d'achat hors taxe multiplié par 2 ou 2, 1, prix pratiqué dans les boutiques de marque;

Que cette argumentation ne peut, en effet, être admise dès lors que cette référence, dont le caractère usuel dans la profession n'est pas établi, demeure en tout état de cause inaccessible au consommateur qui n'est pas en mesure de vérifier la véracité des promesses de rabais formulées, en l'absence de prix conseillés par les fabricants;

Considérant, par ailleurs, que Catherine L ne saurait utilement invoquer une erreur de droit au sens de l'article 122-3 du Code pénal dans la mesure où elle ne démontre aucunement le caractère véritablement "invincible" de l'erreur alléguée ;

Que la cour est au contraire convaincue que la prévenue, professionnelle de la parfumerie, connaissait parfaitement les dispositions en vigueur qu'elle a délibérément enfreintes;

Qu'en tout état de cause Catherine L, PDG de la SA X, se devait, en sa qualité d'annonceur et de dirigeante de la personne morale concernée, de s'assurer personnellement que la publicité critiquée était exempte de tout élément de nature à induire le consommateur en erreur, ce qu'elle s'est, à tout le moins, manifestement abstenue de faire, engageant ainsi sa responsabilité pénale;

Considérant que la cour, infirmant la décision de relaxe attaquée, retiendra la prévenue dans les liens de la prévention et la condamnera, en répression, à 20 000 F d'amende ;

Que, par ailleurs, la cour, au vu des éléments soumis à son appréciation, dispensera Catherine L de la publication de la décision prévue à l'article 121-4 du Code de la consommation;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement dont appel, Déclare Catherine L épouse S coupable d'avoir à Paris le 3 décembre 1996, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur le prix et les conditions de vente de biens, en l'espèce en offrant des remises de 10 à 20 % sur des produits de parfumerie par rapport à des prix de référence non conformes à ceux prévus par la réglementation (prix référence jamais pratiqués), Faits prévus et réprimés par les articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6 et L. 213-1 du Code de la consommation, Condamne Catherine L épouse S à la peine de 20 000 F d'amende, Dispense la condamnée de la publication de la condamnation.