CA Paris, 5e ch. B, 22 février 2001, n° 1999-14747
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Espace Billard (SARL)
Défendeur :
SEP (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Main
Conseillers :
M. Faucher, Mme Riffault
Avoués :
SCP Gaultier-Kistner-Gaultier, Cordeau
Avocat :
Me Vidal.
La société Espace Billard a confié à la Société d'Edition et de Publicité (ci-après société SEP), suivant bon de commande du 30 septembre 1997, la réalisation et la diffusion en salles de cinéma d'un film publicitaire, au prix de 28 944 F TTC payable par un acompte de 5 294 F et onze traites de 2 150 F chacune, à échéances du 15 novembre 1997 au 15 novembre 1998.
Seules les deux premières de ces traites ayant été honorées en dépit d'une mise en demeure recommandée avec accusé de réception du 3 mars 1998, la société SEP a saisi le juge des référés qui a ordonné à la société Espace Billard de mettre sous séquestre les sommes réclamées soit 19 535,72 F, et invité la société SEP à saisir le juge du fond, la société Espace Billard opposant à sa demande une exception de nullité du contrat fondée sur les dispositions de la loi du 29 janvier 1993 régissant l'activité des intermédiaires en publicité.
Par jugement contradictoire du 4 juin 1999 rendu sur assignation du 15 octobre 1998, le Tribunal de commerce de Paris a considéré que ces dispositions n'étaient pas applicables en l'espèce, et faisant droit à la demande en paiement de la société SEP, a condamné la société Espace Billard à lui payer 19 535,72 F avec intérêts au taux légal à compter du 16 avril 1998, 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, et a ordonné l'exécution provisoire.
Dans ses dernières écritures déposées le 10 septembre 1999, auxquelles il est renvoyé, la société Espace Billard, appelante, demande :
- l'annulation du contrat et le rejet des demandes formées par la société SEP, pour les mêmes motifs,
- subsidiairement, la résiliation du contrat pour inexécution de ses obligations par la société SEP et le rejet de ses demandes,
- la condamnation de la société SEP à lui payer 10 000 F de dommages-intérêts pour résistance abusive, 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Dans ses dernières écritures déposées le 20 avril 2000, auxquelles il est renvoyé, la société SEP, intimée, demande :
- la confirmation de la décision entreprise,
- le rejet des demandes de la société Espace Billard,
- la condamnation de la société Espace Billard à lui payer 10 000 F de dommages-intérêts et 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur ce, LA COUR
Sur la demande tendant à l'annulation du contrat :
Considérant que la société Espace Billard fait valoir que la société SEP a agi en tant qu'intermédiaire, et qu'elle devait dès lors se conformer aux prescriptions formelles de la loi du 29 janvier 1993, imposant l'établissement entre les parties d'un mandat écrit comportant un certain nombre de mentions obligatoires telles que la rémunération de l'intermédiaire par l'annonceur, le détail des différentes prestations effectuées ainsi que le montant de leur rémunération respective, ces dispositions d'ordre public étant sanctionnées pénalement ; qu'elle accuse en outre la société SEP d'avoir modifié unilatéralement l'exemplaire de bon de commande resté en sa possession, agissements également susceptibles de qualification pénale ;
Mais considérant qu'ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges, la société SEP n'est pas une agence de publicité régie par la loi du 29 janvier 1993, ainsi que le confirme son objet social selon lequel elle exerce l'activité " d'entreprise de publicité, placement d'éditions et d'impressions, d'objets publicitaires ", ainsi que " la prise en régie d'espaces publicitaires " ;
Qu'il résulte des mentions portées sur le bon de commande n° 90541 du 30 septembre 1997 signé par la société Espace Billard, que la commande portait sur " la réalisation d'un film en 35 mm (...) + diffusion tous les jours à chaque séance, en rotation sur l'ensemble de toutes les salles des complexes Gaumont-Comédie, Gaumont-Capitole et Royal de Montpellier pendant 44 semaines cinéma " ; qu'ainsi la société SEP a agi en tant qu'entreprise de publicité et de régie publicitaire, et non en tant qu'intermédiaire ;que selon l'article 26 de la loi du 29 janvier 1993, la régie publicitaire est considérée comme vendeur d'espace et non comme un intermédiaire ;
Que dès lors les dispositions de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, qui concernent l'activité des intermédiaires en publicité, ne sont pas applicables au contrat conclu entre la société Espace Billard et la société SEP ;
Considérant que le grief soulevé par la société Espace Billard et selon lequel le bon de commande aurait été " modifié unilatéralement " n'est pas établi, les mentions portées sur le bon de commande original, versé aux débats, et non reprises sur la photocopie produite par l'appelante, concernant le détail du prix des prestations dont le montant total figure sur les deux documents;
Considérant que la société Espace Billard se fonde également sur les dispositions du décret du 18 janvier 1961 pour demander l'annulation du contrat, au motif que la publicité ayant pour support des films projetés dans les salles de cinéma doit obtenir le visa préalable du ministre des Affaires culturelles, après avis de la Commission de contrôle des films cinématographiques, ces dispositions étant également assorties de sanctions pénales ;
Mais considérant que selon l'article 24 de ce décret, ces dispositions ne sont pas applicables notamment aux films publicitaires ;
Qu'il convient de rejeter les demandes de la société Espace Billard tendant à l'annulation du contrat conclu le 30 septembre 1997 entre la société Espace Billard et la société SEP;
Sur l'exécution du contrat :
Considérant que la société Espace Billard, qui fait encore valoir que la société SEP ne justifie pas avoir réalisé et diffusé un film ainsi qu'elle s'y était contractuellement engagée, n'apporte aucun élément au soutien de ses griefs ;
Que la société SEP verse aux débats le calendrier de diffusion du film publicitaire commandé par sa cliente, conforme aux prestations convenues entre les parties ; que l'appelante a été mise en demeure de régler le solde de ces prestations par courrier recommandé avec accusé de réception du 16 avril 1998, versé aux débats ;
Considérant qu'il convient de confirmer la décision entreprise ;
Considérant qu'il convient de faire droit, à concurrence de 5 000 F à la demande de dommages-intérêts de la société SEP pour procédure abusive, vu la faiblesse des arguments à nouveau développés par la société Espace Billard devant la cour afin de réparer le préjudice lié aux tracas causés à la société SEP par ladite procédure, et de l'indemniser pour les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en appel ;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, y ajoutant, Déboute la société Espace Billard de toutes ses demandes ; Condamne la société Espace Billard à payer à la société SEP 5 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive ; Condamne la société Espace Billard à payer à la société SEP 6 000 F pour ses frais irrépétibles d'appel ; La condamne aux dépens d'appel ; Admet Maître Nadine Cordeau, avoué, à bénéficier des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.