CA Versailles, 9e ch., 5 mars 1999, n° 193-99
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Canivet
Conseillers :
M. Limoujoux, Mme Delafollie
Avocat :
Me Trink
LE JUGEMENT
Par jugement en date du 16 février 1998, le Tribunal correctionnel de Versailles a déclaré Pierre A coupable de :
Tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, tromperie sur la marchandise entrainant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal,
Faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3, L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al.1 du Code de la consommation, et réprimés par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-l du Code de la consommation,
Faits commis aux Mureaux, depuis décembre 1991, et jusqu'en décembre 1994,
l'a condamné à une amende délictuelle de 50 000 F,
à titre de peine complémentaire, a ordonné l'affichage du jugement aux portes de l'entreprise SARL X <adresse>,
APPELS
Appel a été interjeté par:
- Pierre A, le 20 février 1998, des dispositions pénales du jugement,
- le Ministère public, le 20 février 1998,
LA COUR
après en avoir délibéré conformément à la loi :
Statuant sur les appels susvisés, réguliers en la forme, et interjetés dans les délais de la loi ;
Considérant que Pierre A est prévenu :
- d'avoir aux Mureaux, depuis décembre 1991 et jusqu'en décembre 1994, trompé, le consommateur, sur les qualités substantielles d'armes à air comprimé vendues en kit à monter sous forme de jouets alors que lesdites armes ne sont pas aptes à être employées, comme telles en vertu de l'annexe 1 du D 89-662 du 12 septembre 1989 pris en application de la directive CEE n° 88-378 du 3 mai 1988, avec cette circonstance que cette tromperie porte sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal, faits prévus par art. L. 213-1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 Code de la consommation;
- en sa qualité de gérant de la SARL X d'avoir aux Mureaux, depuis décembre 1991 et jusqu'en décembre 1994, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les kits à monter d'armes à air comprimé (référence marquage "CE X - ne convient pas aux enfants de moins de 36 mois", indiquant ainsi aux consommateurs utilisateurs que le produit est un jouet, alors que les aimes à air comprimé tel que le produit concerné ne peuvent être considérées comme des jouets (annexe 1 du D 89-662 du 12 septembre 1989 pris en application et la directive CEE n° 88-378 du 3 mai 1988), faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 Code de la consommation, et réprimés par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 Code consommation;
Considérant que par procès-verbal du 19/05/1995, le chef de section des services décentrés de la DGCCRF, à Versailles, certifiait que le 30/11/1994, il s'était présenté dans les locaux de la SARL X - <adresse>dont Pierre A est le gérant a fin de vérifier si les produits importés par cette entreprise, notamment les jouets respectaient les exigences de sécurité; qu'il était relevé que le produit référencé n° 1714 (un fusil d'assaut kit M177) importé et commercialisé depuis 1991 avait été acheté pour la dernière fois le 01/07/1993 (facture n°AP 93-061) auprès du fournisseur Suntak CO, LTD Tokyo-Japon;
Que l'emballage du produit portait des indications en anglais et en coréen, de même que sur les faces intérieure et latérales et qu'il était relevé, sur la face postérieure une étiquette portant "CE X". Ne convient pas aux enfants moins de 36 mois en raison des petites pièces pouvant être absorbées. Conserver l'emballage référence "importateur" X <adresse>- Notice de montage en français dans la boîte. Vendu sans peinture" ;
Qu'à l'intérieur de la boîte se trouvait une notice imprimée par le fabricant, en 4 volets, avec dessins, numérotages des pièces et des mentions en coréen, sans exemplaire correspondant en français, ni traduction en cette langue sur la notice coréenne; que s'y trouvait également un bon de service après-vente en français; que trois échantillons identiques étaient alors prélevés;
Que le 02/12/1994, en présence du responsable d'entrepôt G, il était constaté d'une part la présence de 25 boîtes du même produit 1714, destinées à l'envoi aux clients distributeurs et d'autre part, en sous-sol, la présence de 8 cartons de 10 pièces de même référence 1714 ; qu'à l'ouverture des 25 boites en rayon et des 8 boites extraites des 8 caisses, il était fait les mêmes constations que celles rapportées au 30/11/1994;
Considérant que, sur l'absence de notice de montage en français Pierre A estimait qu'il devait s'agir d'un oubli du fournisseur auquel il avait envoyé les notices en français;
Que cependant, à la réception Pierre A n'a pas vérifié leur présence;
Considérant que la DGCCRF précisait que la notice de montage comportait des consignes de sécurité dont tout consommateur devait prendre connaissance pour une utilisation sans risque, tels que:
-"toutes les armes possèdent une sécurité ou un sélecteur (généralement au-dessus de la crosse) permettant de bloquer le chien ou le mécanisme de la gâchette",
-"mettre la sécurité quand l'arme n'est pas utilisée";
Considérant qu'à l'examen d'un échantillon du produit 1714 par le laboratoire Inter-régional de la répression des fraudes de Paris-Massy, il résultait que s'agissant "d'une arme à air comprimé", le produit figurant dans la liste de l'annexe n° 1 du décret n° 89-662 du 12/09/1989 relatif à la prévention des risques résultant de l'usage des jouets, n'entre pas sans le champ d'application de ce décret;
Que la SARL X se fondait, pour critiquer la conséquence tirée de la non application du décret, sur le fait qu'elle avait fait procéder le 12/02/1991 à une analyse d'un produit référencé n° 1703, un pistolet Luger, examiné en qualité de jouet par le laboratoire Wolff à Clichy (92) et avait demandé une extension de conformité pour le produit 1714, selon les données fournies par elle, notamment quant à la nature de jouet;
Que cependant à cette occasion, puis postérieurement la SARL X n'a pas vérifié que le produit 1714 fusil d'assaut qualifié d'arme à air comprimé figurait à l'annexe n° 1 du décret 89-662 et ne pouvait de ce fait être examiné en "qualité de jouet", ladite Annexe 1 disposant que les armes à air comprimé ne peuvent être considérés comme des jouets;
Considérant que le marquage "CE" sur le fusil d'assaut à air comprimé a été apposé sur la base du décret 89-662 alors que l'annexe 1 exclut formellement les fusils à air comprimé de son champ d'application qui ne doivent donc pas porter la mention "CE"qui indique à l'acheteur que le jouet a été fabriqué conformément aux normes le concernant, ce qui lui confère une garantie de sécurité;
Que Pierre A a apposé le marquage "CE" sur la base d'une extension au produit 1714 - fusil d'assaut - d'un procès-verbal d'essai réalisé sur un pistolet Luger P844 à ressort et a en outre étendu l'usage du produit 1714 incriminé aux enfants de plus de 3 ans alors que le Luger objet de l'essai était utilisable par des enfants de plus de 10 ans;
Qu'il est par conséquent relevé à l'encontre de A une tromperie sur les risques inhérents du produit par l'apposition indue du marquage "CE";
Considérant que Pierre A conteste le bien fondé de la prévention en faisant valoir :
- que les répliques d'armes vendues comme jouets n'ont jamais posé le moindre problème de sécurité
- qu'il n'est démontré aucune intention frauduleuse, Pierre A s'étant adressé à un laboratoire agréé pour délivrer l'attestation qualifiée "CE de type" sur les jouets
- que la conclusion de ces essais démontrait que les caractéristiques de l'échantillon étaient conformes aux exigences des normes en vigueur, la restriction était celle figurant sur le produit (ne convenant pas aux enfants de moins de 36 mois);
- que le laboratoire Wolff dans les références d'identification vise la référence 1703 et par extension un certain nombre d'entre elles dont le 1714, l'extension n'était délivrée parce que le laboratoire a vu en sa possession soit l'objet incriminé soit au moins sa notice explicative
- que s'agissant du mode véritable de propulsion de la bille du fusil d'assaut 1714, à la lecture de la notice de montage en français, il n'apparaît pas un mécanisme réel d'air comprimé, ni la présence d'un chargeur d'air comprimé le principe étant celui d'un ressort qui, appuyant sur le chargeur, fait en sorte d'expulser les billes qui sont contenues dans le canon, ce descriptif étant celui décrit dans la notice en deux pages écrites en français jointe aux écritures de Pierre A produites en première instance;
Considérant que l'applicabilité du décret permettant l'apposition de la mention "CE" sous les conditions préalable de soumission à un contrôle, ou de l'Annexe 1 excluant les armes à air comprimé du marquage "CE" dépend de la classification du produit 1714 en jouet;
Que la classification dépend de la configuration du système de propulsion;
Que le dossier pénal contient la notice de montage en coréen, sans exemplaire en français que Pierre A n'a pas produite, qui est sans intérêt pour ne pas contenir d'explications exploitables sur la chambre, la représentation du système de propulsion
Que la notice produite par la défense en annexe de ses conclusions concerne l'utilisation d'une arme de poing montée comme le Luger et non pas le modèle fusil d'assaut (arme d'épaule) pour une page et la notice de montage M177 (le produit litigieux) pour la deuxième page, qui ne contient aucun descriptif du système intéressant la propulsion mais seulement la manière de disposer les pièces à monter l'identification de celles à coller ou à fixer;
Que l'affirmation de Pierre A dans son mémoire selon laquelle il a toujours été en possession de la notice traduite en français ne remet pas en cause la constatation selon laquelle les boites contenant le produit 1714, en rayon, destinées aux clients distributeurs ne contenaient pas une telle notice en français;
Que Pierre A ne justifié pas que le système d'éjection du produit 1714 n'est pas celui qui a été identifié comme étant "air comprimé" par le laboratoire inter-régional des fraudes de Massy;
Considérant au contraire au regard des pièces produites le 19 décembre 1999, c'est-à-dire les exemplaires de notice de montage en 4 volets, en coréen, et le texte, concentré de conseil de montage sur une page format 21 x 15, identiques à ceux versés en procédure initiale, ainsi que le constat d'huissier du 10/02/99, il est établi que le phénomène de propulsion des billes est l'air comprimé;
Que le schéma n° 5 du texte coréen et le constat permettent d'identifier le cylindre de petite section dans lequel s'insère un ressort, le système couplé adhérent à une pièce en forme de tronc de cône, l'ensemble s'insérant dans un cylindre de plus grande section, la détente du ressort faisant déplacer vers l'avant le couple vers l'extrémité du grand cylindre, mécaniquement, ce qui permet la compression de l'air et le départ du projectile, situé en extrémité du grand cylindre étant dépendant de ladite compression d'air ; que l'image retenue par l'huissier de la seringue hypodermique représente exactement le principe de la méthode; que la qualification donnée à l'arme n'est pas contestable;
Considérant que Pierre A responsable qualifié de la SARL X d'une part,
- en apposant le marquage "CE X..." indiquant aux consommateurs que le produit 1714 était un jouet avec seule limite d'utilisation aux enfants de plus de 3 ans;
- en présentant un bulletin d'analyse d'extension du produit 1714 au bulletin de conformité d'un jouet référence 1703 pistolet Luber, pour conclure à la conformité du produit 1714 aux conditions minimales prévues dans la directive CEE n° 88-378 du conseil du 03/08/1988 et dans le décret 89-662 pris en application de ladite directive, sans égard aux disposition de l'annexe du décret excluant les armes à air comprimé de la catégorie des "jouets",
- d'autre part, en mentionnant, contrairement aux faits constatés, qu'une notice de montage en français était incluse et en ne s'assurant pas à la réception, de l'existence d'une telle notice dans la boîte,
Alors même que la notice, dans son texte français contient des consignes de sécurité, a commis les deux infractions relevées à son encontre;
Qu'en particulier une arme à air comprimé, indépendamment de sa fausse qualité prétendue de jouet, à travers l'extension dont elle bénéficié, développe par rapport à un jouet à ressort, une puissance de lancement du projectile plus importante entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal ; qu'est à ce titre significative la mention d'utilisation par enfants de plus de 10 ans, du Luger, jouet de référence et d'arme à air comprimé du fusil d'assaut bénéficiaire de l'extension de conformité, à volontairement agi pour bénéficier du "label" de conformité "CE" ; que l'élément intentionnel est caractérisé; qu'il y a lieu par conséquent lieu de confirmer la déclaration de culpabilité et les condamnations décidées par le premier juge;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, en la forme : Reçoit les appels; Au fond : Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.