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Décisions

Cass. com., 17 juin 2003, n° 01-10.272

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Carita international (Sté)

Défendeur :

La Particulière (Sté), Charlie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

Mes Odent, SCP Vier, Barthélemy.

T. com. Paris, du 26 sept. 1997

26 septembre 1997

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Carita international que sur le pourvoi incident formé par la société La Particulière et Mme Roger; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'estimant que la société Carita international (société Carita) lui avait transmis, le 29 février 1996, une proposition de collaboration qu'elle-même avait régulièrement acceptée le 3 mai suivant, la société La Particulière, dirigée par Mme Roger, dite Charlie, coiffeuse, a assigné la société Ganta en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive de l'accord conclu et, à titre subsidiaire, au titre de la rupture des pourparlers engagés entre les parties, Mme Roger étant intervenue volontairement à l'instance; que la société La Particulière sollicitait également des dommages-intérêts du fait de l'embauche, au mépris d'une clause de non-concurrence, d'un de ses anciens salariés, M. Marcireau, ainsi que pour détournement de clientèle et dénigrement ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident: - Attendu que la société La Particulière et Mme Roger font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande en dommages-intérêts "pour rupture abusive d'accord ou de pourparlers du contrat formé entre Charlie et la société Carita", alors, selon le moyen : 1°) que l'acceptation d'une offre suffit à former le contrat dès lors qu'elle porte sur des données essentielles; qu'aux termes d'une offre ferme en date du 29 février 1996, la société Carita a proposé à Mme Roger le paiement d'un droit d'entrée d'un montant de cinq millions de francs, le titre et la fonction de directeur artistique ou de styliste, un droit de regard important sur les activités du salon et la possibilité de continuer à travailler à l'identique de sa formule actuelle en touchant directement la recette de ses conseils et prestations et la réservation de deux cabines royales; que, par un courrier en date du 3 mai 1996, le conseil de Mme Roger dite Charlie a répondu en ces termes à cette offre: "en ce qui concerne le droit d'entrée à l'image de Charlie, vous avez accepté de verser une somme de 5 000 000 F. Il a été entendu et précisé que le montant serait versé pour la première année et qu'il y aura un réexamen des conditions à la fin de chaque période. Toutefois, je vous rappelle les conditions dans lesquelles Charlie travaille actuellement qui lui donnent droit à une rémunération égale à 10 % du chiffre d'affaires réalisés dans ce salon. J'ai noté à l'occasion de ce rendez-vous que vous en aviez accepté tant le principe que la mise en œuvre"; que ma cliente se tient à votre disposition pour vous assister dans cette tâche (poste de directeur artistique) au fur et à mesure de vos besoins et ceci sous forme de vacation. J'ai pris bonne note de l'accord des parties pour la mise en place et la distribution de quelques produits coiffants sous la marque Charlie en particulier pour Carita ainsi que le principe d'une rémunération de ma cliente sur la base d'un pourcentage du chiffre d' affaires réalisé dont le quantum reste à définir. Il va de soi que cet aspect est totalement indépendant de l'accord intervenu entre les parties"; qu'en considérant que cet échange de correspondance n'emportait pas accord sur les éléments essentiels cependant qu'il formait un contrat ferme et définitif portant sur les conditions financières et les modalités essentielles d'exécution du contrat, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) qu'en réponse à l'offre en date du 29 février 1996, le conseil de Mme Roger dite Charlie, dans le courrier d'acceptation du 3 mai 1996, avait écrit :"En conclusions, ma cliente accepte les différents points que vous avez vous-même proposés et vous remercie de me mettre en rapport avec vos conseils pour mettre en œuvre, dans les meilleurs délais, les modalités pratiques de vos relations"; qu'en considérant cependant que ce courrier ne valait pas acceptation de l'offre émise le 29 février 1996, la cour d'appel a dénaturé par omission cet élément de preuve et a violé l'article 1134 du Code civil ; 3°) que lorsqu'une négociation, en raison de son état d'avancement, a créé une apparence de volonté ferme et définitive de conclure le contrat négocié dans l'esprit des négociateurs, la rupture subite et brutale est signe de déloyauté et, sauf motif légitime, source de responsabilité extra contractuelle pour celui à qui elle est imputable; qu'en se bornant à affirmer que Mme Roger dite Charlie avait informé imprudemment le coiffeur Alexandre de son départ sans rechercher, comme elle y était expressément invitée si, en l'état des pourparlers dont elle relevait expressément qu'ils avaient été engagés durant les cinq premiers mois de l'année 1996 et qu'ils devaient aboutir avant le 22 mai 1996 ou le 1er juillet 1996, Mme Roger n'avait pas été victime d'une apparence de volonté ferme et définitive de la part de la société Carita de conclure le contrat négocié, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève qu'il résulte des termes de la lettre du 3 mai 1996 qu'aux propositions exprimées par la société Carita dans sa lettre du 29 février 1996, ont été ajoutées des conditions nouvelles qui n'y figuraient pas; qu'en l'état de ces constatations, dont il ressort que le contrat n'aurait pu être formé que par l'acceptation, par la société Carita, des contre-propositions formulées au nom de Mme Roger, peu important l'acceptation par celle-ci des propositions de la société Carita du 29 février 1996, la cour d'appel, qui retient qu'aucun accord n'est intervenu, à la suite des correspondances échangées, sur l'ensemble des données essentielles évoquées, lesquelles forment un ensemble indivisible duquel aucun élément ne peut être retranché sans altérer l'économie générale de la convention, a statué à bon droit sans dénaturation ;

Et attendu, en second lieu, qu'en l'état du comportement fautif allégué ayant consisté, pour la société Carita, à rompre des pourparlers engagés depuis une durée de cinq mois, sans qu'aient été critiquées des manœuvres déloyales dans la conduite des pourparlers, ou l'illusion qu'elle aurait entretenue, chez l'autre partie, dans sa volonté d'aboutir, qui n'aurait pas été réelle, la cour d'appel, qui estime que la société La Particulière n'est pas fondée à reprocher un comportement fautif à la société Carita à la suite du refus de ses demandes, considérés comme exorbitantes, et du rejet des nouvelles conditions qu'elle exposait dans la lettre datée du 3 mai 1996, a légalement justifié sa décision ;qu'il suit de là que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branche : - Attendu que la société Carita fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société La Particulière et à Mme Roger une certaine somme pour concurrence déloyale, alors, selon le moyen : 1°) qu'une clause de non-concurrence ne peut être valable que si elle est proportionnée à son but; qu'en ne recherchant pas, comme les conclusions de la société Carita l'y invitaient, si la clause imposée à M. Marcireau n'était pas illicite dès lors qu'elle l'empêchait en pratique complètement de travailler pendant deux ans, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'en se bornant à relever qu'il résultait des documents versés aux débats que M. Marcireau avait coiffé chez la société Carita 83 anciennes clientes de Mme Roger, sans analyser ni même nommer ces pièces, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que la clause de non-concurrence, valable pendant vingt-quatre mois suivant la cessation des fonctions, est limitée au secteur de Paris et de la région parisienne; que l'arrêt constate qu'il est admis que M. Marcireau exerçait, en qualité d'unique collaborateur de Charlie, son activité professionnelle dans le sillage de celle-ci qui l'avait formé et qui l'avait mis en contact avec la clientèle prestigieuse qu'elle avait fidélisée grâce à la qualité de ses prestations; que l'arrêt estime que la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de travail de M. Marcireau avait précisément pour objet de réserver à la société La Particulière l'exclusivité des prestations fournies par Charlie dans un secteur géographique déterminé et à empêcher qu'une tierce personne ne bénéficie de façon déloyale de l'expérience professionnelle de son collaborateur ainsi que de la connaissance que celui-ci avait du milieu dans lequel elle l'avait introduit; qu'en l'état de ces constatations et appréciations faisant ressortir le contrôle de la licéité de la clause litigieuse par la cour d'appel, au regard de l'intérêt légitime de la société La Particulière, celle-là a légalement justifié sa décision;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu, par une appréciation souveraine des éléments de preuve versés aux débats que sur 383 clientes coiffées par M. Marcireau chez Carita dans les cinq mois de la réouverture du salon, 84 étaient d'anciennes clientes de Charlie, la cour d'appel n'encourt pas le grief de la deuxième branche du moyen ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le moyen, pris en sa quatrième branche :vu l'article 1382 du Code civil; - Attendu que pour décider que la société Carita devait réparation à la société La Particulière du fait de l'atteinte portée à l'image de cette société, l'arrêt retient que cette société a fait l'objet d'une publicité dénigrante ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser le contenu de la publicité qualifiée de dénigrante ni dire en quoi celle-ci pouvait être attribuée à la société Carita, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la 3e branche du moyen: Rejette le pourvoi incident; casse et annule, mais seulement en ce qu'il a décidé que la société Carita avait commis une faute de concurrence déloyale par dénigrement et l'a condamnée à payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts à la société La Particulière, l'arrêt rendu le 20 septembre 2000, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles.