Cass. crim., 21 novembre 1989, n° 88-85.357
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
Mme Ract-Madoux
Avocat général :
M. Galand
Avocats :
SCP Waquet, Farge, SCP Desaché, Gatineau.
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par le procureur général près la cour d'appel de Douai, l'association Union Fédérale des Consommateurs, partie civile, contre l'arrêt n° 725 de ladite Cour, 4e chambre, en date du 22 juin 1988, qui a relaxé Jean-Claude S des chefs d'infractions à la loi sur les loteries et a débouté la partie civile de ses demandes - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le moyen unique de cassation proposé par le procureur général et pris de la violation des articles 2 de la loi du 21 mai 1836 et 410 du Code pénal, défaut de motifs et manque de base légale ;
" En ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu
" aux motifs que " le lien commutatif nécessaire entre l'offre et le sacrifice pécuniaire n'existait pas lorsque s'agissant du jeu " surprise de la chance ", puis des trois autres jeux pris dans leur phase première, le participant a, à l'instant où l'offre l'a atteint, été informé de ce que le hasard avait déjà, de manière gratuite pour lui, déterminé son sort et que l'opération, abstraction faite de ses conséquences attendues au plan commercial, n'a d'autre retentissement que celui de le placer devant le choix d'entrer ou non en possession de ce qui s'avère n'être qu'une libéralité dont, de la plus importante jusqu'à la plus modeste, il peut estimer la valeur ; et que " il n'est pas davantage de sacrifice pécuniaire dans la participation au tirage supplémentaire, lié au premier, ouvert au bénéfice de ceux ayant fait le choix de se faire attribuer leur lot, et qui n'a d'autre conséquence que de faire un heureux gagnant auquel il n'est strictement rien demandé " ;
" alors que, d'une part, aux termes de la loi du 21 mai 1836, modifiée en dernier lieu par celle du 9 septembre 1986, et de la jurisprudence en la matière, de telles loteries sont prohibées dès lors qu'un sacrifice pécuniaire, si minime soit-il (participation symbolique, frais de dossier, apposition d'un timbre-poste sur l'enveloppe-réponse) est exigé du consommateur,
" et que, d'autre part, une libéralité n'exige aucun débours en contrepartie ;
Et sur le moyen unique de cassation proposé par l'Union fédérale des consommateurs et pris de la violation des articles 1 et 2 de la loi du 21 mai 1836, de l'article 410 du Code pénal, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" En ce que l'arrêt infirmatif attaqué a renvoyé le prévenu des fins de la poursuite du chef du délit de loterie prohibée poursuivi et a débouté l'organisation demanderesse de ses demandes ;
" aux motifs qu'il y avait bien eu en l'espèce offre au public et espérance d'un gain déterminé par le hasard, mais qu'il n'y avait pas eu sacrifice pécuniaire en contrepartie de l'offre faite ; que ce lien commutatif nécessaire entre l'offre et le sacrifice pécuniaire n'existe pas lorsque, s'agissant du jeu " Surprise de la chance ", puis des trois autres jeux pris dans leur phase première, le participant a, à l'instant où l'offre l'a atteint, été informé de ce que le hasard avait déjà, de manière gratuite pour lui, déterminé son sort et que l'opération, abstraction faite de ses conséquences attendues au plan commercial, n'avait d'autre retentissement que celui de le placer devant le choix d'entrer ou non en possession de ce qui s'avère n'être qu'une libéralité dont de la plus importante jusqu'à la plus modeste, il peut estimer la valeur ;
" alors que, comme l'ont énoncé les juges du fond, la circonstance que l'offre de participation ait été précédée d'un tirage est sans effet sur l'incrimination dont aucun des éléments ne peut exclure l'autre en raison de sa seule antériorité ; qu'en conséquence, en distinguant plusieurs phases dans le jeu et en retenant que dans une phase première l'offre qui était faite était accompagnée de l'information de ce que le hasard avait déjà, de manière gratuite pour le participant, déterminé son sort de sorte que le lien commutatif entre l'offre et le sacrifice pécuniaire n'existait pas, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 21 mai 1936 ;
" alors, en outre, qu'en conséquence de cette erreur, la cour d'appel n'a pas relevé les conditions de la mise en possession du lot espéré et notamment, n'a pas précisé si elle s'accompagnait d'un éventuel sacrifice pécuniaire ; que, de ce chef, elle n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, surtout, qu'il résulte de ses propres constatations que la bague gagnée au jeu " Surprise de la chance " n'était envoyée qu'en contrepartie d'une somme de 11 francs adressée, prétendument, pour frais d'envoi ; que de ce chef, il y avait donc bien sacrifice pécuniaire et que, partant, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en résultaient nécessairement ;
" alors, enfin, que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de l'organisation demanderesse selon lesquelles, dans le jeu " Grand tirage d'automne ", le consommateur était obligé de commander pour recevoir son lot, s'il s'adressait à L. en utilisant le téléphone, sacrifice retenu par les premiers juges, et que, pour les deux autres jeux, il y avait bien débours, quand bien même ils étaient minimes, dès lors qu'il y avait à payer soit le prix de la conversation téléphonique, soit celui du timbre ;
Lesdits moyens étant réunis ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société L., dont Jean-Claude S. est le directeur général, a adressé à ses clients des documents publicitaires personnalisés, les invitant à participer à quatre jeux comportant l'attribution gratuite de nombreux lots tirés au sort ;
Attendu qu'il était reproché au prévenu d'avoir organisé une loterie, prohibée par la loi du 21 mai 1836, dès lors qu'un sacrifice financier était exigé du consommateur, participation aux frais d'envoi, coût de l'affranchissement du courrier ou d'une communication téléphonique pour avoir connaissance du lot attribué par le sort, ce qui avait pour effet de conférer un caractère onéreux à la loterie ;
Attendu que pour déclarer ce délit non constitué, la cour d'appel énonce que le sacrifice financier n'était pas consenti par le participant en contrepartie de l'offre qui lui était faite et que l'opération n'avait d'autre effet que de lui permettre d'entrer en possession de ce qui n'était qu'une libéralité ;qu'elle relève, en outre, que dans aucun des jeux, le client n'avait d'obligation d'achat ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations d'où il résulte que les frais incombant au client pour entrer en possession de son lot ne conféraient pas en l'espèce un caractère onéreux à l'opération, la cour d'appel a justifié sa décision,sans encourir les griefs allégués aux moyens lesquels doivent, dès lors, être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs : rejette.