CA Rennes, 3e ch., 27 février 1997, n° 96-00394
RENNES
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Segondat
Conseillers :
M. Le Corre, Mme Legeard
Avocat :
Me Rousseau
RAPPEL DE LA PROCEDURE:
LE JUGEMENT:
Le Tribunal de grande instance de Nantes par jugement contradictoire en date du 1er décembre 1995, pour :
Publicité mensongère ou de nature à induire en erreur
- a relaxé partiellement les trois prévenus sur la publicité mensongère portant sur la réalisation d'une piscine,
- les a déclarés coupables de publicité mensongère portant sur la réalisation d'un court de tennis,
- les a condamnés à une amende de 12 000 F, chacun,
- a ordonné la publication d'extraits du jugement dans les journaux " Ouest-France " et " Presse-Océan ", à leurs frais.
LES APPELS:
Appel a été interjeté par :
Madame P Micheline, le 5 décembre 1995 (appel principal),
Monsieur R Gilles, le 5 décembre 1995 (appel principal),
Monsieur R Pierre, le 5 décembre 1995 (appel principal),
M. le Procureur de la République, le 5 décembre 1995 (appel incident contre les trois prévenus) ;
LA PREVENTION:
Considérant qu'il est fait grief:
à P Micheline épouse R,
d'avoir à La Bernerie-en-Retz et sur le territoire national courant 1992, 1993, 1994, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la réalisation d'une piscine et d'un tennis dans le cadre d'une opération immobilière (par voie de presse, affichage, diffusion d'une carte postale),
faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-4, L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation
à R Gilles,
d'avoir à La Bernerie-en-Retz et sur le territoire national courant 1992, 1993, 1994, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la réalisation d'une piscine et d'un tennis dans le cadre d'une opération immobilière (par voie de presse, affichage, diffusion d'une carte postale),
faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-4, L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation;
à R Pierre,
d'avoir à La Bernerie-en-Retz et sur le territoire national courant 1992, 1993, 1994, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la réalisation d'une piscine et d'un tennis dans le cadre d'une opération immobilière (par voie de presse, affichage, diffusion d'une carte postale),
faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-4, L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation;
EN LA FORME:
Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme ;
AU FOND:
EXPOSE DES FAITS ET DES DEMANDES:
La SARL " C ", dont la gérante jusqu'au 6 juin 1993 était Mme Micheline P, épouse R et depuis M. Gilles R, son fils, est maîtresse d'ouvrage d'un ensemble immobilier appelé "X" à La Bernerie-en-Retz (44). Le programme est commercialisé par la SA Z, prestataire de service, dont, jusqu'au 17 février 1993, Mme R était la présidente pour être ensuite remplacée par son époux : Pierre R. La réalisation de l'ensemble était scindée en trois tranches.
La première tranche, réalisée entre mars 1989 et octobre 1991, comportait des villas (48), des appartements (44), des garages (37) et, comme équipement collectif, une piscine ouverte à l'été 1990. La seconde tranche, dont les travaux, qui ont commencé en novembre 1991, sont toujours inachevés, devait comprendre, au vu du permis de construire (20/11/91), 25 bâtiments.
La troisième tranche fut, quant à elle, abandonnée; les terrains où elle devait être édifiée n'ayant pas été acquis (B 2/4).
Le plan-masse des 2e et 3e tranches ainsi que l'état descriptif de division et le règlement de copropriété de cette seconde opération, appelée "X II", prévoyait la réalisation d'une autre piscine et d'un court de tennis communs aux copropriétaires de ces deux dernières tranches (chapitre II : "parties communes") ; leur implantation se faisant sur l'assise de la troisième tranche, selon le plan-masse.
Par ailleurs, dans la même zone, la SARL C avait acquis, le 31/01/92, une parcelle constructible de 36 a 49 ca pour laquelle elle n'a, à ce jour, demandé aucun permis de construire. Comme les lots de la première tranche, ceux de la deuxième sont vendus en l'état futur d'achèvement.
Dans l'édition du journal "Ouest France" du 4 août 1992, la SA Z faisait paraître une publicité ainsi libellée: "superbes villas trois pièces, avec salle de bains, mezzanine, piscine et tennis privés, accès direct à la plage". En outre, la même société avait distribué, de mai à septembre 1992, sur le lieu de vente, 5 000 cartes postales représentant une maquette des immeubles de la seconde tranche, Cette carte postale portait au verso un texte publicitaire ainsi rédigé: " chers amis, que diriez-vous de nous rejoindre à La Bernerie-en-Retz à deux pas de Pornic ?..." Je dois dire que j'apprécie énormément la piscine et le tennis privés" (annexes 3-2-2). Enfin, sur place, était implanté, le 23/03/94, un panneau publicitaire de 4X4 mètres portant les indications suivantes :
"Z CONSTRUCTEUR"
"lancement 2e tranche de travaux"
PISCINE - TENNIS
"Z
<adresse>"
Lors de son audition, Gilles R, administrateur de la SA Z et nouveau gérant de la SARL C, précisait que le plan-masse des 2e et 3e tranches, où figuraient la piscine et le tennis, pouvait être remis aux clients pour leur permettre de "situer leur achat" (annexe n° 3 - Folio 4). Au jour de l'établissement du procès verbal par le service départemental de la répression des fraudes (22/09/994), ni cette seconde piscine, ni le court de tennis n'étaient réalisés.
Toutefois, les prévenus déclaraient que celui-ci serait aménagé, à une date indéterminée, sur la parcelle acquise en janvier 1992.
Considérant que les prévenus demandent leur relaxe, y compris pour la publicité portant sur la réalisation du court de tennis, dans la mesure où :
- la piscine de la première tranche est accessible, depuis la décision prise par l'assemblée générale des propriétaires du 20 juillet 1995, à ceux de la seconde tranche qui acquittent une quote-part pour son entretien,
- le tennis sera réalisé sur l'emprise de la seconde tranche ou sur la parcelle achetée en 1992,
- les ventes étant faites en l'état futur d'achèvement, l'infraction ne peut être constituée puisque la seconde tranche est toujours en cours de réalisation.
DISCUSSION
Sur l'existence de l'infraction
Considérant que si, comme en l'espèce, en cas de ventes en l'état futur d'achèvement la réalisation des bâtiments et équipements privatifs ou communs peut être différée jusqu'à la déclaration d'achèvement des travaux, les publicités y afférant ne doivent vanter que des équipements qui seront effectivement réalisés et ne pas les présenter comme existants s'ils ne sont pas encore achevés,
Considérant qu'il résulte clairement tant des déclarations de Gilles R (annexe 3 - folio 4), que du règlement de co-propriété de la deuxième tranche, que du plan-masse de cette même tranche et de la mention "2e tranche" sur le panneau publicitaire implanté sur place où figuraient une piscine et un tennis, que les copropriétaires des deuxième et troisième tranche de l'ensemble immobilier "X II" devaient avoir comme équipements communs une piscine et un court de tennis,
Que, par conséquent, les considérations des appelants sur la piscine réalisée dans le cadre de la première tranche sont sans intérêt ; le droit d'accès à celle-ci consenti, le 20/07/95, aux copropriétaires de la deuxième tranche ne pouvant remplacer la piscine particulière qui était initialement prévue pour eux,
Considérant qu'il résulte de la même déclaration de Gilles R que les publicités incriminées (annexes 3-2-2, 3-2-3 et le panneau publicitaire) étaient bien afférentes aux lots de la deuxième tranche,
Que la mention " lancement deuxième tranche " sur le panneau publicitaire est d'ailleurs sans équivoque,
Considérant que toutes ces publicités vantent la réalisation d'une piscine et d'un court de tennis privés,
Que, mieux encore, la carte postale distribuée à 5 000 exemplaires, de mars à septembre 1992, présente ces deux équipements comme déjà réalisés,
Considérant dès lorsque les responsables de la SA Z ont bien commis le délit de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur,
Qu'en effet il résulte clairement des déclarations et des écritures des prévenus que la piscine prévue pour les deuxième et troisième tranches ne sera jamais réalisée le terrain prévu pour son implantation sur la plan-masse mis à la disposition des acquéreurs n'ayant même pas été acheté,
Que les copropriétaires de la deuxième tranche devront donc se contenter de pouvoir accéder à la piscine réalisée pour ceux de la première tranche ; cette possibilité étant d'ailleurs révocable,
Que si le court de tennis peut être réalisé sur un autre emplacement que celui initialement prévu, il ne l'est toujours pas ; or, comme la piscine, il était présenté comme déjà réalisé sur la carte postale publicitaire ;
Sur l'imputabilité
Considérant que les publicités mensongères ont été réalisées pour le compte de la SA Z, chargée de rendre les réalisations de la SARL C, de mars 1992 à mars 1994,
Que Micheline et Pierre R se sont succédés à la tête de la SA Z pendant cette période ; Gilles R, leur fils, en étant l'un des administrateurs,
Maisconsidérant que, dans ses déclarations aux services de gendarmerie et devant les premiers juges, Pierre R déclare assumer seul la responsabilité des infractions relevées, ayant toujours été, en droit ou en fait, le dirigeant responsable de la SA Z, société qu'il a créée vers 1975,
Que ses dires sont corroborés par le fait qu'il a assuré la présidence de sa création à 1990 et depuis le 7 juin 1993,
Qu'en conséquence son épouse et son fils, gérant de la SARL C, seront renvoyés des fins de la poursuite,
Qu'il lui sera infligé une peine d'amende de 50 000 F,
Que la publication, par extraits, de l'arrêt sera ordonnée,
Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard de P Micheline épouse R, R Gilles et R Pierre, prévenus. En la forme, Reçoit les appels, Au fond, Réformant en partie le jugement du Tribunal correctionnel de Nantes du 01/12/95, Renvoie Micheline P, épouse R, et Gilles R des fins de la poursuite, Déclare Pierre R coupable de l'ensemble des faits de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur visés par la prévention, Le condamne à une amende de cinquante mille francs (50 000 F), Ordonne la publication à ses frais, dans la limite de 4 000 F par insertion, d'extraits de l'arrêt comportant son identité, la prévention et le dispositif dans les quotidiens " Ouest France " et " Presse Océan " éditions de Nantes. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné, Prononce la contrainte par corps, Le tout par application des articles susvisés, 800-1, 749 et 750 du Code de procédure pénale.