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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 30 avril 1998, n° 97-06968

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Sauret

Conseillers :

Mmes Marie, Bonnan-Garçon

Avocat :

Me Casanova

TGI Evry, 5e ch., du 2 juill. 1997

2 juillet 1997

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

LE JUGEMENT :

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré G Bernard coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, faits commis courant 1995, à Evry (91), infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al.1 Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 Code de la consommation

et, en application de ces articles,

l'a condamné à 30 000 F d'amende

a ordonné la publication du jugement dans les journaux le Parisien et le Républicain (Editions de l'Essonne)

a déclaré la société S civilement responsable.

LES APPELS :

Appel a été interjeté par

S, le 4 juillet 1997 contre Monsieur G Bernard

Monsieur G Bernard, le 4 juillet 1997

M. le Procureur de la République, le 8 juillet 1997 contre Monsieur G Bernard

DÉCISION:

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par le prévenu, la société civilement responsable et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence pour l'exposé de la prévention ;

S et G Bernard demandent à la cour de dire et juger que l'administration ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, que les prix publics de S auraient été artificiellement gonflés, préalablement à l'opération promotionnelle incriminée, d'infirmer en conséquence le jugement entrepris et de relaxer G Bernard des fins de la poursuite,

Ils exposent à cet effet que le délit de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur n'est nullement constitué en l'espèce, que le 19 juillet 1995 les agents de la Direction générale de la Consommation de la Concurrence et de la Répression des Fraudes ont dressé procès-verbal d'infraction aux dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation en considérant que l'opération promotionnelle pratiquée par S était constitutive du délit de publicité mensongère, que des différents calculs qu'elle avait ainsi effectués, l'administration a déduit que le coefficient multiplicateur moyen de 4,08 appliqué sur le prix de 16 produits litigieux aurait été nettement supérieur au coefficient multiplicateur précédemment appliqué par S au cours des exercices 1992 1993 et 1994 ; qu'en droit, sur la notion de prix effectivement pratiqué, au sens de l'arrêté du 2 septembre 1977, l'administration ajoute au texte réglementaire, en violation du principe d'interprétation stricte de la loi pénale, des exigences qu'il ne contient pas ; qu'en effet, S n'était nullement tenue de justifier de la vente effective d'articles similaires au 16 articles litigieux, dans les 30 jours précédant l'opération promotionnelle, qu'en effet l'arrêté du 2 septembre 1977 prévoit que dans le cadre d'une opération promotionnelle sur les prix, l'annonceur doit être à même de justifier du prix de référence auquel se rapporte la remise considérée, et que ce prix de référence ne peut excéder le prix le plus bas effectivement pratiqué, et non les ventes effectives, au cours de 30 derniers jours précédents le début de la publicité.

Ils font valoir, en outre, que la circulaire du 4 mars 1978, précise par ailleurs que sont exclues du champ d'application de l'arrêté, les opérations promotionnelles sur les prix pour lesquels les avantages et les remises ne sont consenties qu'à une partie seulement de la clientèle, que tel était bien le cas puisqu'une opération promotionnelle était relative à une remise consentie aux seuls titulaires de la carte C, et non à l'ensemble de la clientèle.

A aucun moment, il n'est exigé par les textes que le prix de référence, tel que précédemment défini, doive s'apprécier non seulement par rapport au prix effectivement marqué dans le magasin, mais également par rapport aux ventes réalisées par ledit magasin. S justifie au moyen des pièces qu'elle verse aux débats, avoir durant la période antérieure à la promotion litigieuse, effectivement pratiqué dans son magasin d'Evry les prix de référence ainsi de surcroît avoir effectivement vendu, dans d'autres de ses stocks des articles identiques à ceux relevés par la prévention, aux prix de référence incriminé.

La cour infirmera en conséquence le jugement entrepris et dira que les remises promotionnelles de l'espèce n'étant consentie qu'à une seule catégorie distincte, et non à l'ensemble de la clientèle, G Bernard a valablement justifié tant du prix de référence des articles remisés uniquement sur le stand d'Evry, que de la véracité de son annonce publicitaire, en établissant d'une part que les articles remisés avaient été affectés à la vente au prix de référence avant le début de l'opération promotionnelle litigieuse et d'autre part, que des articles identiques avaient été effectivement vendus avant ladite opération au dit prix de référence,

Grâce à sa double qualité de fabricant et de distributeur implanté dans un réseau de magasin de grandes surfaces, S est en mesure de pratiquer des opérations de remises beaucoup plus importantes que celles habituellement pratiquées par les détaillants, le coefficient moyen calculé par l'administration n'est donc pas à l'évidence, le coefficient multiplicateur qui permet de déterminer les prix de référence, mais le ratio existant en fin d'exercice, entre les achats et les ventes après remise.

L'application d'un coefficient multiplicateur moyen de 4,08, tel que calculé par la prévention sur les articles contrôlés, lors de l'opération promotionnelle, est donc parfaitement normal et ne constitue en aucune façon une augmentation artificielle dudit coefficient, par rapport au coefficient habituellement pratiqué par ailleurs.

Sur ce, LA COUR

Du 22 avril au 28 mai 1995, N, société exploité par S, dont l'administration est assurée par G Bernard, gérant non associé, a procédé à la mise en vente d'une opération promotionnelle de 40 %, réservé aux porteurs de cartes accréditives telles que A, B, C et D, des affiches rappelant l'opération étaient apposées sur cinq des vitrines du point de vente.

Par lettre recommandée en date du 2 mai 1995, avec avis de réception, il lui était demandé de faire parvenir à la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de lui faire parvenir les factures d'achat des différents bijoux ayant fait l'objet d'un relevé des prix, ainsi que les justificatifs des prix dûment pratiqués.

Il résulte des vérifications effectuées que sur 19 articles présentés à la vente, 11 d'entre eux faisaient l'objet d'une majoration de 3,52 % à 4,47 %.

Aux fins de vérifications de l'offre publicitaire, il était demandé à G de justifier des prix précédemment pratiqués pour ces bijoux, faisant partie de l'offre promotionnelle.

Pour l'exercice 1992 le coefficient multiplicateur moyen s'est élevé à 2,34 %

Pour l'exercice 1993 le coefficient multiplicateur moyen s'est élevé â 1,75 %

Pour l'exercice 1994 le coefficient multiplicateur moyen s'est élevé à 2,03 %

L'administration fiscale a communiqué la monographie régionale des impôts en vigueur dans le secteur de la bijouterie, ce document détermine le coefficient multiplicateur moyen appliqué par la profession, est celui compris entre 2,05 et 2,30 % avec une dominante de 2,15 %.

Le consommateur est ainsi abusé quant à la réalité de la réduction annoncée puisque les prix publics sont artificiellement gonflés ;la marge liée aux prix publics ne reflète pas celle résultant des comptes de résultat.

Les termes de l'offre promotionnelle laissent supposer aux consommateurs qu'ils vont bénéficier de prix attractifs, alors qu'il a été démontré précédemment que le coefficient multiplicateur moyen calculé après remise, est légèrement supérieur de 2,44 % aux coefficients multiplicateurs moyens habituellement pratiqués sur l'ensemble des ventes réalisées, au cours des exercices 1992, 1993, 1994 ou celui déterminé par l'administration fiscale pour l'ensemble de la profession.

Si cette offre commerciale n'est pas applicable à l'ensemble de la clientèle, il importe que la clientèle concernée bénéficier d'un réel effort commercial et que la réalité de l'offre ne soit pas mensongère; le caractère déloyal de cette publicité est manifeste par rapport à celles réalisées par les concurrents responsables de la réglementation.

Les faits constatés constituent une infraction aux dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommationet de la loi du 26 juillet 1993, qui stipule l'interdiction de toute publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses, ou de nature à induire en erreur lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs des éléments, sur les prix et conditions de vente des biens qui font l'objet de la publicité sur la portée des engagements pris par les annonceurs.

Les éléments constitutifs du délit de publicité mensongère se trouvent donc réunies par l'existence d'une publicité des affiches étant exposées au nombre de cinq sur l'ensemble des vitrines, les dites affiches comportant des allégations, indications ou présentations dont chacune des vitrines concernées par l'opération publicitaire mentionnant "40 % du 22 avril au 28 mai 1995".

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable le condamné.