Cass. crim., 28 mai 1997, n° 96-84.342
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Blin
Rapporteur :
Mme Ferrari
Avocat général :
M. de Gouttes
Avocats :
SCP Gatineau, SCP Waquet, Farge, Hazan.
LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par D Alain, la société X, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, du 28 mai 1996, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, a condamné le premier à 20 000 F d'amende et a ordonné une mesure de publication. - Vu le mémoire produit; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 459, 512 et 593 du Code de procédure pénale:
" en ce que la cour d'appel a omis de statuer sur la question préjudicielle invoquée par la défense en première instance;
" alors que, lorsqu'une partie conclut à la confirmation du jugement entrepris, les motifs dudit jugement constituent autant de moyens auxquels la cour d'appel est tenue de répondre si elle infirme ce jugement; qu'en l'espèce il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'en cause d'appel le prévenu et le civilement responsable ont expressément conclu à la confirmation de la décision des premiers juges; que, dès lors, la Cour se devait de statuer sur la question préjudicielle soulevée en première instance; qu'en omettant de le faire elle a violé les textes visés au moyen ";
Attendu qu'Alain D, poursuivi pour publicité de nature à induire en erreur, a excipé devant les premiers juges de l'incompatibilité des articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation avec la directive CEE n° 84-450 du 10 septembre 1984 en matière de publicité trompeuse; que le tribunal a écarté cette exception, mais relaxé le prévenu; que, sur l'appel du ministère public, la cour d'appel a infirmé le jugement et déclaré Alain D coupable des faits poursuivis;
Qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué ni d'aucunes conclusions que le prévenu, qui a demandé la confirmation de sa relaxe, ait repris en cause d'appel l'exception qu'il avait initialement présentée; qu'il ne saurait dès lors invoquer une omission de statuer par les juges du second degré;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-4 à L. 121-6, L. 121-36 et L. 213-1 du Code de la consommation:
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de publicité de nature à induire en erreur;
" aux motifs que les termes contenus dans la lettre d'accompagnement apparaissent, à la lecture par un consommateur moyen, comme l'informant du gain d'un des 20 postes de télévision, indication reprise à plusieurs reprises avec la caution d'un huissier de justice, alors que le renvoi de la validation ne permettait que la mise à disposition d'un des téléviseurs mis en jeu; que ce document ne comporte aucunement l'indication du report de lecture au règlement complet du jeu, et notamment à ses articles 6, 7 et 8, règlement qui figure en petits caractères au dos de la pochette plastique de l'enveloppe fermée et, de par sa nature, destinée à être déchirée et délaissée; que M. Gérard, qui s'était vu attribuer le numéro 11, compris entre les numéros 1 et 20, pouvait légitimement penser, à la lecture des documents au caractère trompeur, être le gagnant d'un des 20 téléviseurs mis en jeu, alors qu'il n'était pas stipulé qu'un tirage au sort serait effectué ultérieurement pour tous les possesseurs de rouleaux de couleur bleu; que ces documents confus étaient de nature à induire en erreur le plaignant sur sa qualité de gagnant; que le tribunal ne pouvait retenir que M. Gérard n'aurait pu être trompé du fait qu'il n'avait souscrit aucune commande et que le caractère mensonger ne pouvait être apprécié que dans le cadre de la vente de ses produits, du fait que ce jeu était bien stipulé gratuit et sans obligation d'achat; que dès lors la société X a bien usé d'une publicité comportant des présentations de nature à induire en erreur; qu'il appartenait à ses dirigeants de s'assurer, à supposer la pratique non délibérée, que la publicité ne pouvait être faussement interprétée, et que le délit comporte un élément intentionnel résultant même d'une simple négligence;
" 1° alors que l'incrimination de publicité mensongère ayant été édictée dans le seul but de protéger le consommateur, une loterie publicitaire organisée par une entreprise de vente par correspondance afin de promouvoir la consommation des articles qu'elle commercialise, ne peut être considérée comme mensongère que par rapport aux prestations fournies aux participants ayant passé commande; qu'ainsi aucune infraction ne peut être retenue si le destinataire de la publicité n'a effectué aucun achat; d'où il suit qu'en déclarant le délit établi bien que le plaignant ait seulement participé au jeu sans commander aucun article, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen;
" 2° alors, en toute hypothèse, que le caractère trompeur d'une publicité s'apprécie au regard du discernement d'un consommateur moyen, lequel est réputé lire le message publicitaire dans son intégralité; qu'en l'espèce le règlement complet du jeu énonçait: " un huissier de justice tire au sort les destinataires des rouleaux de couleur blanche; puis il tire au sort 20 destinataires et leur attribue un rouleau de couleur bleue portant le numéro désigné gagnant compris entre 1 et 20; le reste des destinataires reçoit un rouleau de couleur bleue portant un autre numéro compris entre 1 et 20, différent du numéro désigné gagnant "; qu'il ressortait sans la moindre ambiguïté de ces énonciations que la possession d'un rouleau de couleur bleue ne suffisait pas à entraîner le gain d'un téléviseur, le rouleau devant comporter en outre le numéro qui avait été désigné comme numéro gagnant par les organisateurs du jeu; d'où il suit qu'en déclarant que tout détenteur d'un rouleau bleu pouvait légitimement penser avoir gagné un poste de télévision, la cour d'appel a dénaturé le sens du message publicitaire litigieux et violé les textes visés au moyen;
" 3° alors en outre que, contrairement aux énonciations de l'arrêt attaqué, le règlement complet du jeu ne pouvait échapper à l'attention des destinataires dès lors que l'intitulé " règlement complet du jeu 20 téléviseurs à gagner " était imprimé en caractères gras sur l'enveloppe contenant les documents expédiés au client, et que ledit règlement, typographié en caractères aisément lisibles, occupait toute une face de cette enveloppe; qu'il s'ensuit que les énonciations de l'arrêt à cet égard sont en contradiction avec les pièces du dossier et ne peuvent donner de base légale à la décision attaquée ";
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société de vente par correspondance X, à l'enseigne Y, a organisé une loterie publicitaire intitulée " 20 téléviseurs à gagner "; que sur la plainte d'un consommateur qui faisait valoir que les documents de cette opération, expédiés à son domicile, lui avaient laissé croire, à tort, qu'il avait gagné un téléviseur, Alain D, directeur des études de marché de la société, est poursuivi pour publicité de nature à induire en erreur; que la société X a été citée comme civilement responsable; - Que les premiers juges ont relaxé le prévenu aux motifs que, si le message publicitaire relatif à la loterie présente un caractère trompeur, l'annonceur n'a pas induit les consommateurs en erreur à l'occasion de la vente des articles qu'il offre dans son catalogue, le plaignant n'ayant pas de surcroît passé de commande lors de la participation au jeu;
Attendu que, pour infirmer cette décision et déclarer le prévenu coupable du délit, les juges d'appel retiennent, par des motifs procédant de leur appréciation souveraine, que les documents de l'opération publicitaire et la lettre d'accompagnement sont présentés et rédigés de manière telle qu'un consommateur moyen est fondé à croire qu'il a gagné par tirage au sort l'un des 20 lots mis en jeu alors que ce n'est pas le cas; qu'ils ajoutent que le tribunal ne pouvait statuer comme il l'a fait dès lors que, conformément aux prescriptions de l'article L. 121-36 du Code de la consommation, le jeu était gratuit et sans obligation d'achat;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a caractérisé la publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la portée des engagements pris par l'annonceur, a fait l'exacte application de l'article L. 121-1 du Code de la consommation et justifié sa décision sans encourir le grief allégué; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Rejette le pourvoi.