Cass. crim., 14 septembre 1999, n° 98-85.998
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gomez
Rapporteur :
Mme Ferrari
Avocat général :
M. Di Guardia
Avocat :
SCP Gatineau.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par W Yan, la société X, civilement responsable, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, du 2 septembre 1998, qui, pour loteries publicitaires illicites et publicités de nature à induire en erreur, a condamné le premier à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 50 000 F d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ; Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 460, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce qu'il résulte, des mentions de l'arrêt que la défense a eu la parole en dernier ;
"alors que, le prévenu ou son conseil doivent toujours avoir la parole les derniers ; qu'en l'état des énonciations de l'arrêt qui laissent incertain le point de savoir si l'expression "la défense" désigne le prévenu ou les parties civiles, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la régularité de la procédure et a violé les textes visés au moyen" ;
Attendu que les mentions de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, lors des débats devant la cour d'appel, saisie des recours du prévenu, du ministère public et de dix-neuf parties civiles, Yan W ou son avocat ont eu la parole en dernier ; - Que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-4 à L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation, 6, 459, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, de la règle non bis in idem ;
"en ce que, l'arrêt attaqué a déclaré Yan W coupable de publicité de nature à induire en erreur et l'a condamné à des sanctions pénales ainsi qu'à des réparations civiles ;
"I - aux motifs, communs à tous les jeux, que la caractéristique des publicités incriminées est d'annoncer qu'un gain important est déjà acquis par leur destinataire, avec une mise en scène destinée à donner crédit à cet espoir ; que le consommateur n'a aucune raison de soupçonner que le règlement du jeu contredit le contenu de la publicité, alors au surplus que l'existence de ce règlement ne peut être révélée que par un examen attentif ;
"alors que le sens d'un message publicitaire doit être déterminé en tenant compte de tous les éléments qui le composent ; qu'en l'espèce l'existence du règlement du jeu était systématiquement rappelée sur chaque publicité litigieuse ; que ce règlement expliquait au destinataire qu'il était seulement admis à participer à un jeu dont les gagnants étaient désignés par un tirage au sort préalable ; que dès lors, en déclarant que les publicités incriminées avaient pour caractéristique commune de laisser croire au destinataire qu'il avait d'ores et déjà acquis un gain important, les juges du fond ont dénaturé le sens, pourtant exempt d'ambiguïté, des documents publicitaires litigieux et violé les textes visés au moyen ;
"II - la publicité incriminée comporte le texte suivant : "vous savez tout de suite ce que vous avez gagné" ; que le texte mentionne le gain d'un cadeau en nature ou d'un chèque de 6 690 F ; que la mention relative au règlement du jeu ne figure qu'en caractères minuscules imprimés dans le sens vertical et de bas en haut sur le bord de la page, ce qui la rend quasiment invisible ; que la formule employée dans la publicité ne fait référence à aucun aléa, qu'au contraire elle annonce à son destinataire qu'il est l'un des gagnants du tirage au sort ; que la publicité incriminée est donc mensongère ;
"1 ) alors, d'une part, que tout jugement ou arrêt doit être motivé ; qu'en se bornant à énoncer que la publicité incriminée annonce au destinataire qu'il est l'un des gagnants du tirage au sort, sans indiquer que l'intéressé n'aurait pas reçu le lot annoncé, les juges du fond n'ont pas caractérisé le caractère prétendument trompeur de la publicité litigieuse et ont privé leur décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;
"2 ) alors, d'autre part, que le caractère trompeur d'une publicité doit s'apprécier par rapport à un consommateur moyen ; qu'il s'ensuit que le délit de publicité de nature à induire en erreur n'est pas constitué lorsque les mentions portées sur le document publicitaire permettent à un lecteur normalement intelligent et attentif de comprendre qu'il n'est pas nécessairement le gagnant du lot mis en jeu ; qu'en l'espèce, la carte de jeu comportait un emplacement matérialisé par une flèche et sur lequel devaient figurer une ou plusieurs clés selon l'importance du lot gagné, l'absence de clé signifiant que le destinataire avait perdu ; qu'ainsi la formule employée dans la publicité subordonnait expressément le gain à la condition qu'une ou plusieurs clefs figurassent sur la carte de jeu ; qu'en outre le règlement du jeu, que le destinataire était expressément invité à lire, exposait de la manière la plus détaillée les conditions à remplir par les gagnants ; qu'en déclarant néanmoins que la publicité litigieuse ne faisait référence à aucun aléa et présentait le gain annoncé comme certain, les juges du fond ont dénaturé le document publicitaire litigieux et violé les textes visés au moyen ;
"III - et aux motifs propres, au jeu n° 7, que, dans cette publicité, le destinataire se voit promettre un gain de 11 743 F ou 3 216 F selon les cas, sans aucune nuance ni restriction ; que Guy Coissac se voyait promettre un gain de 3 216 F ; que la mention relative au règlement du jeu se trouve en très petits caractères et dans le sens vertical, dans un coin de l'imprimé ; que le règlement du jeu contredit le texte de la publicité qui ne fait aucune allusion à un tirage au sort ;
" "1 ) alors que, tout jugement ou arrêt doit comporter des motifs propres à le justifier ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ; qu'en se bornant à relever que Guy Coissac se voyait promettre un gain de 3 216 F, les juges du fond, qui n'ont même pas décrit le mécanisme du jeu, ni davantage précisé en quels termes la promesse du gain avait été formulée, ni recherché si l'ensemble des indications contenues dans le document publicitaire était de nature à induire en erreur le consommateur moyen, ni indiqué enfin si Guy Coissac avait reçu le gain annoncé, n'ont pas légalement justifié leur décision au regard des textes visés au moyen ;
" "2 ) alors que le document publicitaire, après avoir indiqué les rapports du tiercé selon que la combinaison gagnante était donnée dans l'ordre ou dans un ordre différent, comportait après l'adjectif différent un astérisque renvoyant à une mention en bas de page, ainsi libellée : "n'omettez pas de lire le règlement complet du jeu qui figure au dos de l'enveloppe" ; que l'article 8 dudit règlement énonçait que "les gagnants sont ceux qui posséderont la combinaison 7-3-5 dans l'ordre ou dans le seul ordre différent déposé chez Me Bailet, huissier de justice" ; que pour tout lecteur moyennement intelligent et avisé, il résultait sans ambiguïté de ces documents qu'une seule combinaison dans le désordre était gagnante ; qu'en déclarant néanmoins que le règlement du jeu contredisait le texte de la publicité, alors qu'il se bornait à le compléter, les juges du fond ont dénaturé le sens du document publicitaire litigieux et violé les textes visés au moyen ;
" "IV - et aux motifs, concernant le jeu n° 8, que cette publicité se présente comme celle visée au n° 7 avec un élément de tromperie supplémentaire ; qu'il est en effet indiqué que le destinataire découvrira si son nom : "( ) viendra s'inscrire à la suite de ceux des autres gagnants" et pour cela : "la seule façon de le savoir, c'est d'ouvrir le pli scellé bleu qui accompagne ce message ; si votre Code secret mentionne une, deux ou trois clés, le rêve deviendra réalité et vous ferez votre entrée dans notre livre d'or des gagnants" ; que l'emploi d'une enveloppe cachetée est une manœuvre supplémentaire destinée à accréditer la croyance en la réalité du gain ;
"alors que toute décision de justice doit comporter des motifs propres à la justifier ; que des motifs obscurs ou inintelligibles ne peuvent servir de base à une telle décision ; qu'en l'espèce, l'obscurité des motifs ne permet pas de savoir en quoi consistait le jeu litigieux ni davantage pour quelle raison la publicité aurait été de nature à induire en erreur les consommateurs ; que, dès lors, la condamnation de ce chef n'est pas légalement justifiée ;
"V - et aux motifs, concernant le jeu n° 9, que le destinataire de la publicité se voit annoncer qu'il est gagnant d'un "prix en chèque de 50 000 F ou plus" ; que la référence au règlement du jeu figure en très petits caractères en bas et à droite ; que le règlement se trouve au dos de l'enveloppe d'expédition, qu'il y est indiqué que tous les participants gagnent un chèque de 5 F ; que la présentation de cette publicité met en évidence une volonté affirmée de tromper le consommateur ; que son nom figure à côté de celui de cinq autres personnes habitant dans d'autres régions ; qu'un examen attentif du texte montre que ces noms sont ceux des gagnants d'un "chèque du premier tour", c'est-à-dire, d'un chèque de 5 F auquel peuvent prétendre tous les participants au jeu, ce qui rend donc inutile la distinction des noms de ces six clients ;
"1 ) alors, d'une part, que le délit de publicité trompeuse suppose que le message publicitaire soit de nature à induire en erreur un consommateur moyen sur la portée des engagements pris par l'annonceur ; qu'en l'espèce il ressort des énonciations des juges du fond que tous les participants au jeu ont reçu un chèque de 5 F, comme l'annonçait le règlement du jeu ; que la publicité litigieuse ne revêtait donc aucun caractère mensonger ; qu'en déclarant le contraire, les juges du fond n'ont pas tiré de leurs propres constatations les conséquences qu'elles comportaient et ont violé les textes visés au moyen ;
"2) alors, d'autre part, qu'en retenant le délit sans rechercher si d'autres participants n'avaient pas reçu le lot annoncé, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des textes visés au moyen ;
"VI - et aux motifs, concernant le jeu n° 10, que sous l'intitulé : "renvoyez-nous impérativement la "tirelire" n° 457 pour recevoir le chèque de 25 000 F, il est expliqué dans un courrier que : ce geste simple autorisera l'envoi du chèque de 25 000 F établi par notre directeur financier" ; que cette formule comporte évidemment quelque ambiguïté, mais cependant d'autres mentions promettent explicitement l'envoi du chèque de 25 000 F, et notamment celles figurant sur le bon de commande où il est question du "( ) chèque de 25 000 F que j'ai gagné" ; qu'en réalité, il est expliqué dans le règlement du jeu qui figure au dos du bon de participation que le bulletin gagnant doit comporter, outre le n° 457, une mention supplémentaire, c'est-à-dire le mot "tirelire" ; - que l'infraction de publicité trompeuse est donc établie ;
"1) alors, d'une part, que dans des conclusions régulièrement déposées, le prévenu avait fait valoir qu'il avait déjà été poursuivi pour les mêmes faits devant le tribunal correctionnel de Grasse et définitivement relaxé par cette juridiction le 20 février 1998, ce qui faisait obstacle à toute poursuite nouvelle ; qu'en délaissant ce moyen péremptoire de défense, les juges du fond n'ont pas légalement justifié leur décision ;
"2 ) alors, d'autre part, que le sens d'un message publicitaire doit être déterminé en tenant compte de tous les élément qui le composent ; qu'en l'espèce, l'article 8 du règlement du jeu spécifiait que "le gagnant du chèque de 25 000 F est celui qui découvrira le numéro 457 sur le seul cochon intitulé "tirelire" ; les gagnants des bons d'achats de 100 F sont les personnes qui découvriront sur leur cochon un autre numéro que 457" ; qu'il résultait clairement de ces dispositions que le gain de la somme de 25 000 F était subordonné à la double condition que le cochon fût intitulé "tirelire" et portât le numéro 457 ; d'où il suit qu'en déclarant qu'il suffisait pour gagner le chèque de 25 000 F, que la tirelire portât le numéro 457, les juges du fond ont dénaturé les documents publicitaires litigieux et violé les textes visés au moyen ;
"VII - et aux motifs, concernant le jeu n° 11, que le texte de la publicité indique que le destinataire qui a reçu quatre cartes identiques : "que ce soit 4 rois, 4 reines ou 4 valets" est le gagnant d'un chèque de 20 000 F ; que Guy Coissac a reçu 4 rois ; que le règlement du jeu est imprimé sur l'enveloppe d'expédition ; qu'il mentionne en son article 8 que le gagnant est celui qui "découvrira quatre cartes identiques en son enveloppe" ; que le prévenu explique que le gagnant doit présenter quatre cartes de la même couleur ; que la présentation de ce jeu est manifestement destinée à tromper le consommateur par l'ambiguïté du mot "identique" ; qu'en effet, de manière habituelle, quatre cartes présentées ensemble proviennent du même jeu et ne peuvent donc être identiques ; que le consommateur est donc naturellement amené à croire qu'il a gagné dès lors qu'il a reçu les quatre rois ; que le libellé de la publicité comme celui du règlement ne sont pas de nature à le détromper, puisqu'ils comportent la même ambiguïté ; qu'il convient donc d'entrer en voie de condamnation ;
"alors que le règlement du jeu désignait comme gagnant celui qui aurait reçu quatre cartes identiques ; que des cartes ne peuvent être identiques que si elles représentent la même figure et sont en outre de la même couleur ; d'où il suit qu'en déclarant qu'un carré de rois constituait quatre cartes identiques, les juges du fond ont dénaturé le sens de l'article 8 du règlement du jeu et violé les textes visés au moyen ;
"VIII - et aux motifs concernant le jeu n° 12, que l'enveloppe d'expédition contient deux publicités : - l'une mentionne que le destinataire a droit à un "cadeau de valeur", et qu'il ne s'agit "en aucun cas d'un jeu, concours ou sweepstake faisant intervenir le hasard" ; que ce cadeau est attribué à tout client qui passe commande ; - l'autre est intitulée "avis d'expédition d'un colis" et mentionne "téléviseur couleur Sony" ; que le texte indique au destinataire qu'un colis "de grandes dimensions" est "à sa disposition" ; qu'il est mentionné en bas et en petits caractères : "offre réservée aux vingt première réponses tirées au sort à raison de deux par jour" ; que cependant cette mention, au demeurant très peu lisible, est complètement contredite par le reste du texte qui vise à faire croire à tort au consommateur qu'il a gagné un téléviseur ; que le "cadeau de valeur" annoncé par l'autre publicité se révèle être une simple babiole sans valeur, que manifestement l'expéditeur cherche à créer la confusion avec le téléviseur mentionné par ailleurs, de façon à faire croire qu'il est nécessaire de passer une commande pour obtenir le gain du téléviseur ; que l'infraction de publicité trompeuse est dès lors constituée ;
"alors que le jeu faisait l'objet de deux publicités parfaitement distinctes, l'une portant sur un cadeau de valeur attribué aux clients qui passaient commande, l'autre portant sur un colis de grandes dimensions contenant un téléviseur couleur Sony, étant précisé que cette offre était réservée aux vingt premières réponses tirées au sort à raison de deux par jour pendant dix jours ; qu'il n'existait aucune allégation mensongère dans la mesure où les 20 téléviseurs annoncés ont effectivement été distribués ; qu'en outre, l'article 6 du règlement du jeu précisait formellement que la participation au tirage des téléviseurs était indépendante de toute commande ; que, pour toute personne normalement intelligente et avisée, les deux opérations étaient distinctes ; que, dès lors, les juges du fond ne pouvaient sans dénaturer les messages publicitaires litigieux énoncer que l'expéditeur avait cherché à créer la confusion dans l'esprit des destinataires en leur laissant croire qu'il était nécessaire de passer une commande pour obtenir le gain du téléviseur ;
"XI - et aux motifs, concernant le jeu n° 13, que sur cette publicité, la société X propose au consommateur de participer à un jeu dans lequel il peut gagner des lots sous forme de chèques, et au minimum, 5 000 F, "aucun chèque d'un montant inférieur ne sera envoyé" ; que le règlement du jeu figurant au dos de l'enveloppe d'expédition mentionne qu'en réalité les gagnants ne remportent qu'un chèque de 50 F ; que les chèques de 5 000 F et plus sont réservés aux participants du tirage final ; que ces dispositions du règlement sont en contradiction avec le contenu de la publicité qui présente le gain d'une somme de 5 000 F comme acquis pour son destinataire ;
"alors que le règlement du jeu distinguait expressément, d'une part, le premier prix unique d'une valeur de 5 F, qui était attribué à tous les participants ayant retourné dans les délais leur bon de participation, et qui faisait l'objet d'un pré-tirage, d'autre part les super-prix, d'une valeur de 5 000 F à 100 000 F, qui faisaient l'objet d'un tirage final ; qu'en outre, la lettre personnalisée informait le destinataire qu'il pouvait recevoir "en plus" du premier prix, un super-prix en espèces du montant précédemment indiqué ; qu'au surplus, le bulletin de participation comportait la mention suivante : "en tant que gagnant d'un 1er prix en espèces, vous êtes sélectionné pour le tirage final des super-prix en espèces ; qu'il ne pouvait donc y avoir aucune confusion entre les deux opérations, le premier prix étant attribué à tous les participants et les super prix tirés au sort parmi ces derniers ; qu'en déclarant néanmoins que le contenu de la publicité présentait le gain d'une somme de 5 000 F comme acquis par le destinataire, les juges du fond ont dénaturé les documents litigieux et violé les textes visés au moyen ;
"X - et aux motifs, concernant le jeu n° 14, que cette publicité est comparable à celle visée au n° 12 : le destinataire se voit promettre le gain d'une somme de 30 000 F (la somme de 55 000 F est le total des trois lots principaux) ; qu'une condamnation doit intervenir pour les mêmes motifs ;
"alors que tout jugement ou arrêt doit être motivé ; qu'en n'expliquant pas en quoi la publicité incriminée aurait été de nature à induire en erreur les consommateurs, les juges du fond ont privé leur décision de motifs et violé les textes visés au moyen ;
"alors, en toute hypothèse, que l'article 6 du règlement du jeu disposait : "les deux premières personnes tirées au sort recevront chacune cinq cent millièmes du chèque de 5 000 F ; les dix personnes suivantes recevront cent millièmes du chèque de 20 000 F ; les autres gagnants recevront un six millième du chèque de 30 000 F" ; qu'il résultait clairement de ces dispositions que le destinataire n'avait pas gagné la somme de 5 000 F, 20 000 F ou 30 000 F selon le cas, mais seulement une fraction de cette somme ; qu'en déclarant, néanmoins, que les participants s'étaient vu promettre le gain d'une somme de 30 000 F, les juges du fond ont une nouvelle fois dénaturé le sens clair et précis des documents litigieux et violé les textes visés au moyen ;
"XI - et aux motifs, concernant le jeu n° 15, que la publicité figure sous l'intitulé "dernier avis" avec le texte suivant : "avant remise du chèque de 32 000 F à une autre personne, il vous reste trois semaines pour réclamer le chèque de 32 500 F, même si c'est bien votre nom qui a été tiré au sort, je serai contrainte de remettre ce chèque à une autre personne" ; que le caractère répréhensible des faits est moins affirmé que pour les autres publicités, puisque, par la référence à un tirage au sort le caractère aléatoire du gain est mentionné ; que, toutefois, cette publicité présente de graves ambiguïtés, résultant notamment des mentions : "pour réclamer le chèque de 32 500 F" et encore, sur le bon de participation au jeu : "je réclame l'envoi par lettre recommandée du chèque de 32 500 F ( ) représentant la dotation du jeu ( )" ; que ces mentions sont de nature à faire croire au consommateur qu'il est le gagnant du jeu, qu'elles sont donc de nature à induire en erreur ;
"1 ) alors que le prévenu avait fait valoir qu'à aucun moment le destinataire n'avait été présenté comme étant le gagnant du chèque de 32 500 F, mais qu'il lui avait simplement été demandé de participer afin de savoir s'il avait ou non gagné le prix ; qu'en délaissant ce moyen péremptoire de défense, les juges du fond n'ont pas légalement justifié leur décision ;
"2 ) alors, en toute hypothèse, que les indications relatives à l'obtention du gain, étant nécessairement identiques pour tous les participants, ne pouvaient être interprétées comme l'annonce effective du gain ; qu'en déclarant le contraire, les juges du fond ont dénaturé le sens, pourtant dénué d'ambiguïté, des documents publicitaires litigieux ;
"XII - et aux motifs, concernant le jeu n° 16, que la société X annonce au destinataire de la publicité qu'il a gagné un des huit appareils électroménagers figurant sur un tableau ; que le règlement joint fait apparaître qu'en réalité huit appareils sont tirés au sort entre tous les participants ; que ce règlement contredit donc ouvertement le contenu de la publicité ; que l'infraction est donc constituée ;
"alors qu'un message publicitaire doit s'interpréter en fonction de tous les éléments qui le composent ; que le règlement du jeu, auquel tout consommateur avisé est censé se reporter, fait partie intégrante de ces éléments ; que, dès lors, en déduisant le caractère trompeur de la publicité litigieuse du fait que seul le règlement du jeu indiquait que les appareils ménagers mis en jeu faisaient l'objet d'un tirage au sort entre tous les participants, les juges du fond ont violé les textes visés au moyen ;
"XIII - et aux motifs, concernant le jeu n° 17, que le destinataire se voit promettre le gain d'une somme de : "10 000 $ US" ; que le règlement déposé chez l'huissier de justice fait apparaître que les participants gagnent un compact-disc et qu'un seul gagnant désigné par tirage au sort obtient le lot promis à tous les destinataires ; que ce règlement contredit les termes de la publicité ; qu'il convient d'entrer en voie de condamnation ;
"alors que les documents publicitaires litigieux informaient les participants qu'ils avaient gagné l'un des prix mis en jeu ; qu'il n'existait aucune allégation mensongère à cet égard, chaque client ayant réellement reçu l'un ou l'autre de ces prix ; d'où il suit qu'en statuant comme ils l'ont fait, les juges du fond ont dénaturé le sens des documents publicitaires litigieux et violé les textes visés au moyen ;
"XIV - et aux motifs, concernant le jeu n° 18, que le destinataire reçoit un sachet contenant six boules rouges dont il découvre le numéro en retirant un emballage ; que la publicité comporte un tableau chiffré permettant de connaître les lots correspondants à ces numéros ; que Guy Coissac pouvait prétendre au gain d'un combiné TV-magnétoscope ou d'un chèque de 3 990 F ; que l'article 3 du règlement du jeu figurant sur l'enveloppe d'expédition précise que la couleur des boules gagnantes a été tirée au sort par l'huissier ; que l'intitulé de la publicité indique : "avez- vous les six boules gagnantes dans la couleur tirée par Me Baille" ;
" que la lettre d'accompagnement précise également que pour gagner l'un des lots, il faut avoir les six boules dans la couleur tirée au sort par l'huissier ; qu'un consommateur attentif est donc en mesure de comprendre l'aléa annoncé dans la publicité : la couleur des boules gagnantes n'est probablement pas le rouge ; que, toutefois, la présentation de cette publicité présente de graves ambiguïtés, comme celle visée au n° 15 ; qu'il est en effet écrit au-dessous de la question : "avez-vous les six boules gagnantes", "si oui, toutes nos félicitations, vous avez gagné le plus beau des cadeaux mis en jeu" ; que ces félicitations, évidemment prématurées, sont de nature à faire croire au destinataire qu'il va immédiatement découvrir s'il est gagnant en contrôlant les numéros des boules, et à lui faire ainsi oublier la restriction relative à la couleur des boules ; qu'au surplus, le règlement du jeu mentionne que celui-ci s'appelle : "jeu des six boules rouges" , ce qui peut faire croire que cette couleur est celle désignée par le tirage au sort ; que la publicité est donc de nature à induire en erreur ;
"1 ) alors qu'il résulte de l'article 8 du règlement du jeu que "les gagnants de chaque lot sont ceux dont le nombre de boules correspond au lot et à la couleur tirée au sort par l'huissier" ; que la lettre d'accompagnement posait expressément la question : "avez-vous les 6 boules gagnantes dans la couleur tirée au sort par l'huissier ?" ; que ces énonciations ne préjugeaient en rien de la couleur gagnante ; qu'en déclarant néanmoins que l'intitulé du jeu pouvait faire croire que cette couleur était le rouge, les juges n'ont pas tiré de leurs constatations les conséquences qu'elles comportaient et ont violé les textes visés au moyen ;
"2 ) alors que les juges du fond ne pouvaient sans se contredire énoncer, d'une part, que l'aléa annoncé dans la publicité était de nature à laisser croire que la couleur des boules gagnantes n'était pas le rouge, d'autre part, que l'intitulé du jeu pouvait laisser penser que le rouge était la couleur désignée par le tirage au sort ;
"XV - et aux motifs, concernant les jeux n° 19 et 20, que cette publicité se présente sous la forme d'un imprimé formant double page qui, sous l'intitulé, "tirage de février 1996" annonce le tirage comme premier prix d'un chèque de 35 000 F ; qu'il est indiqué "deux chances de gagner" ; que de l'autre côté de l'imprimé, sous l'intitulé "grand jeu X" : "j'insiste, vous n'avez pas gagné le lot de consolation mais bien le plus gros chèque mis en jeu" ; que l'enveloppe d'expédition comporte les règlements de deux jeux différents ; que l'un d'eux figure au verso de l'imprimé précité ; qu'il y est dit qu'un chèque de 35 000 F est attribué par tirage au sort préalable ; que l'autre règlement, imprimé à l'intérieur de l'enveloppe, dit qu'une somme de 35 000 F est répartie entre tous les participants avec un minimum de 4 F ; qu'une telle publicité manifeste une volonté affirmée de tromper le consommateur ; qu'en effet, la présentation du message publicitaire ne fait pas apparaître clairement que deux jeux sont organisés ; qu'au contraire, l'emploi d'un imprimé unique entretient la confusion ; que le consommateur même normalement avisé est amené à comprendre qu'il a gagné la somme de 35 000 F ; que l'infraction à l'article L. 121-36 est constituée dans les mêmes conditions que précédemment ; qu'il convient d'entrer en voie de condamnation ;
"1 ) alors que le prévenu avait fait valoir qu'il avait déjà été jugé définitivement pour les mêmes faits par la cour d'appel de Paris ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire des conclusions, les juges du fond n'ont pas légalement justifié leur décision ;
"2 ) alors que l'article 6 du règlement du grand jeu X dispose que le lot est constitué d'une somme de 35 000 F répartie entre tous les participants, sans que ceux-ci puissent recevoir un chèque inférieur à la valeur du lot de consolation de 4 F ; qu'il s'ensuit nécessairement que la société X n'a jamais prétendu que le consommateur était gagnant d'une somme de 35 000 F ; qu'en déclarant le contraire, les juges du fond ont dénaturé les dispositions claires et précises du règlement du jeu et violé les textes visés au moyen ;
"3 ) alors que toute décision doit être motivée ; qu'en retenant le délit de publicité trompeuse relativement au jeu intitulé "tirage d'avril 1996", sans assortir cette déclaration de culpabilité d'aucun motif, les juges du fond dont pas légalement justifié leur décision" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-36 et L. 121-37 du Code de la consommation, 1134 du Code civil, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yan W coupable de loterie prohibée ;
"aux motifs propres et adoptés que les faits reprochés à Yan W ont été exactement retenus et qualifiés par le premier juge ; que, pour tous les faits visés sous les numéros 6 à 20, le bon de commande et le bon de participation sont imprimés sur une page unique et séparés par un pointillé indiquant qu'ils peuvent être détachés l'un de l'autre, alors que l'article L. 121-37 du Code de la consommation impose que ces documents soient "distincts", ce qui nécessite leur impression sur deux pages différentes ;qu'au surplus, pour certains des jeux, le consommateur est invité à détacher sur un autre document une vignette qu'il doit coller sur le "bon de commande", alors qu'en réalité elle doit figurer sur le bon de participation au jeu ; qu'ainsi la volonté de créer l'ambiguïté est manifeste ;que, pour d'autres jeux, il est indiqué que dans le cas où il ne commanderait pas, le consommateur doit, pour participer au jeu, recopier son numéro de compte sur le bon de participation, alors que s'il commande, celui-ci est déjà connu de l'expéditeur ; que ce procédé vise, de façon pernicieuse, à lui laisser supposer que ses chances de gain sont amoindries s'il ne commande pas ;
"1 ) alors que l'article L. 121-36 du Code de la consommation dispose seulement que le bulletin de participation doit être distinct du bon de commande ; qu'en l'espèce, s'ils figuraient sur la même page, le bon de commande et le bulletin de participation étaient matériellement distincts, le premier figurant, selon le cas en haut ou à gauche de la page, et le deuxième en bas ou à droite de celle-ci, les deux bulletins étant en outre séparés par une ligne en pointillé sur laquelle était représentée une paire de ciseaux destinée à matérialiser l'endroit où les bulletins devaient être détachés l'un de l'autre ; qu'en exigeant en outre que les deux bulletins fussent imprimés sur des pages différentes, les juges du fond ont ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas et violé les textes visés au moyen ;
"2 ) alors que le règlement de chacun des jeux litigieux rappelait expressément que ceux-ci n'étaient liés à aucune obligation d'achat ; qu'il n'existait ainsi aucune confusion entre la participation au jeu et la commande d'un article ; qu'en déclarant, néanmoins, que la volonté de créer l'ambiguïté dans l'esprit du consommateur était manifeste, la cour d'appel a dénaturé le sens des documents publicitaires litigieux et violé les textes visés au moyen ;
"3 ) alors que tout jugement ou arrêt doit contenir des motifs propres à le justifier ; qu'en se fondant pour déclarer établi le délit de loterie prohibée, sur la circonstance que la démarche à effectuer pour participer au jeu différait selon que le destinataire désirait ou non passer commande, ce qui aurait laissé croire à l'intéressé que ses chances de gain étaient amoindries en l'absence de commande, les juges du fond ont statué par un motif inopérant et privé leur décision de base légale au regard des textes visés au moyen" ;
Et sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 131-1 et L. 131-36 du Code de la consommation, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Yan W et la société X à payer à l'Union Fédérale des consommateurs "que choisir" la somme de 20 000 F au titre du préjudice propre ;
"alors que si les associations de consommateurs sont habilitées à exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits qui portent atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs, elles ne sont recevables, en dehors de cette action collective, à se constituer parties civiles qu'à la condition de justifier d'un préjudice personnel résultant directement de l'infraction et qui doit être caractérisé par les juges du fond ;que, dès lors, en allouant la somme de 20 000 F à l'Union Fédérale des Consommateurs "au titre du préjudice propre", sans caractériser le préjudice personnel que les infractions poursuivies auraient directement causé à cette association, les juges du fond n'ont pas légalement justifié leur décision au regard des textes visés au moyen" ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a sans méconnaître l'autorité de la chose jugée, caractérisé en tous leurs éléments constitutifs les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable et ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer le préjudice découlant des infractions; d'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ; d'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.