CA Dijon, 1re ch. sect. 2, 8 décembre 1998, n° 97-01096
DIJON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Maison Française de Distribution MDF (SA)
Défendeur :
Lucenet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Littner
Conseillers :
M. Jacquin, Mme Arnaud
Avoués :
SCP André, Gillis, Me Gerbay
Avocats :
Mes Perrin, Sagnes.
Exposé de l'affaire :
M. Patrick Lucenet, qui avait reçu de la société MFD, le 6 mai 1996 un document lui indiquant qu'il avait gagné " le plus gros chèque au Grand Jeu MFD ", a demandé l'attribution de ce lot, soit un chèque de 35 000 F, mais il n'a pas obtenu satisfaction.
Considérant qu'il avait été victime d'une publicité mensongère, il a assigné cette société en paiement de 30 000 F à titre de dommages-intérêts.
Par jugement du 27 février 1997, le Tribunal d'instance de Charolles a condamné la société défenderesse à lui payer 30 000 F à titre de dommages-intérêts et 2 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SA MFD a fait appel. Elle conteste l'analyse faite par le tribunal et fait valoir :
- que les documents envoyés à M. Lucenet révélaient sans ambiguïté l'existence de deux jeux, le " Grand Jeu MFD " et le " Tirage d'Avril 1996 " ;
- que le règlement du " Grand jeu MFD ", reproduit à l'intérieur de l'enveloppe, précise clairement que le lot est constitué d'une somme de 35 000 F, répartie entre tous les participants sans que ceux-ci puissent recevoir un chèque inférieur à 4 F,
- que le " Tirage d'avril 1996 " est parfaitement indépendant du " Grand jeu MFD ",
- que le bon de participation fait bien apparaître qu'il y a deux jeux,
- que l'envoi contenait le règlement intégral des deux jeux,
- que les documents transmis respectent l'article L. 121-36 du Code de la consommation,
- qu'en toute hypothèse, aucun préjudice n'est démontré.
Elle sollicite le rejet de la demande et souhaite obtenir 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
M. Lucenet répond :
- que la confusion était savamment entretenue entre les deux jeux, que la mention renvoyant à la lecture du règlement était inscrite en caractères minuscules et que son emplacement à l'intérieur de l'enveloppe ne permettait pas de s'y référer aisément ;
- que le tribunal a exactement considéré que les bons de participation aux jeux n'étaient pas présentés suffisamment distinctement;
- que la fausse espérance d'un gain constitue un préjudice dont le tribunal a exactement apprécié l'importance.
Il demande la confirmation du jugement et réclame 5 000 F en remboursement de ses frais irrépétibles.
M. Jean-Michel Monnet a déclaré intervenir volontairement en qualité de liquidateur amiable de la SA MFD et reprendre les conclusions de celle-ci.
La procédure a été communiquée au Ministère public le 6 octobre 1998.
Motifs de la décision :
Attendu que le tribunal a exactement décrit les documents remis par M. Lucenet, qu'il est donc inutile de détailler à nouveau ;
Attendu qu'une lecture normalement attentive de ces documents par un consommateur moyen révélait sans équivoque que leur destinataire pouvait participer à deux jeux, le " Grand Jeu MFD " d'une part, le " Tirage d'avril 96 " d'autre part ;
Attendu qu'aucune ambiguïté ne pouvait exister concernant le tirage d'avril 1996 dont le règlement était reproduit sur la feuille intérieure gauche du dépliant, en caractères parfaitement lisibles ; qu'aucune mention du document ne permettait à M. Lucenet de penser qu'il avait gagné le premier prix de ce jeu, un chèque de 35 000 F ;
Que l'article 8 du règlement précisait qu'" est déclarée gagnante des 35 000 F la personne dont le numéro aura été tiré au sort avant l'envoi des documents et qui devra donc retourner après l'avoir complété et dans les délais requis son bon de participation " Tirage d'avril 96 " joint à son envoi " ;
Attendu que le coupon détachable à retourner comportait la mention " Bon de participation au " Tirage d'avril 96 " à retourner à MFD - Cochez ici pour validation " ;
Attendu qu'en ce qui concerne le " Grand Jeu MFD ", le document adressé à M. Lucenet comportait la mention en gros caractères, " Vous avez gagné le plus gros chèque au " Grand jeu MFD " " ;
Attendu que l'enveloppe contenant ces documents, de grand format, s'ouvrait complètement comme une feuille double et contenait sur le feuillet de droite les 10 articles, imprimés en caractères parfaitement lisibles du " Règlement du Grand jeu MFD ";
Que l'intitulé des mentions portées à cet endroit, aisément accessibles, révélait sans ambiguïté au consommateur normalement attentif qu'il s'agissait d'un second jeu dont les lots étaient différents de ceux proposés dans le règlement du tirage d'avril 96 puisqu'il était dit à l'article 6 que ceux-ci étaient constitués par une somme de 35 000 F répartie entre tous les participants sans que ceux-ci puissent recevoir un chèque inférieur à la valeur du lot de consolation fixé à 4 F ;
Attendu que, s'il est vrai que la présentation des deux jeux par la société MFD était habile, le consommateur ne peut prétendre ignorer que ce type de jeux publicitaires a pour objet de tenter de séduire des clients, anciens ou nouveaux et de les inciter à passer commande des produits contenus dans le catalogue joint ;
Que le consommateur qui prétend être le gagnant d'une somme de 35 000 F annoncée dans un courrier non recommandé, a l'obligation avant de revendiquer le lot, de lire l'ensemble des documents qui lui sont adressés et notamment les règlements des jeux inclus dans cet envoi, aisément accessibles et rédigés en langage clair ;
Attendu qu'il apparaît en l'espèce que le consommateur moyen normalement avisé ne pouvait considérer que le document tel que celui reçu par M. Lucenet lui annonçait qu'il avait gagné la somme de 35 000 F ;
Attendu que la société MFD a respecté les dispositions de l'article L. 121-36 du Code de la consommation et l'article 1 du décret du 22 août 1990 ; que notamment le bulletin de participation aux jeux était suffisamment distinct du bon de commande ; qu'elle n'a commis aucune faute en adressant à M. Lucenet le document critiqué ;
Qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement et de rejeter sa demande de dommages-intérêts ;
Attendu que l'équité ne commande pas de faire application à la société appelante des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que l'intimé, qui succombe, ne peut prétendre bénéficier de ce texte.
Décision :
Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, Déboute M. Lucenet de ses demandes, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne M. Lucenet aux dépens d'instance et d'appel.