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Décisions

CA Caen, 1re ch. sect. civ., 27 avril 1999, n° 9703894

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Maison Française de Distribution (SA)

Défendeur :

Kleinmann, Monnet (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Calle

Conseillers :

Mme Beuve, Mlle Cherbonnel

Avoués :

SCP Grandsard Delcourt, SCP Dupas-Trautvetter-Ygouf

Avocats :

Mes Perrin, Dollon.

TGI Cherbourg, du 22 sept. 1997

22 septembre 1997

M. Edouard Kleinmann qui a reçu, en avril 1996, de la société Maison Française de Distribution - MFD -, entreprise de vente par correspondance, un courrier lui indiquant qu'il avait gagné " le plus gros chèque au Grand jeu MFD " a adressé à ladite société une demande de prix qu'il estimait être un chèque de 35 000 F ainsi que mentionné au verso du courrier reçu.

La société MFD lui a accusé réception, le 12 mai 1996, de son envoi qu'elle a considéré comme étant un bon de participation au jeu et l'a invité à prendre connaissance du règlement intégré à l'offre reçue.

M. Kleinmann a assigné, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, la société MFD devant le Tribunal de grande instance de Cherbourg qui, par jugement rendu le 22 septembre 1997, a condamné celle-ci à lui régler une somme de 35 000 F à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 3 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Ayant relevé appel de cette décision, la société MFD demande à la cour de l'infirmer, de débouter M. Kleinmann de ses demandes et de le condamner au paiement d'une somme de 5 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Au soutien de son recours, elle fait essentiellement valoir que:

- aucune faute ne peut lui être reprochée dès lors qu'elle a adressé à M. Kleinmann les deux règlements lui permettant de comprendre les jeux, organisés sous la forme de sweepstake, auxquels il participait,

- la preuve du préjudice n'est pas rapportée.

M. Kleinmann conclut à la confirmation de la décision déférée et à la condamnation de la société MFD au paiement d'une somme de 7 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il rétorque essentiellement que la déloyauté dont a fait preuve la société MFD dans le cadre de ses envois promotionnels lui a causé un préjudice constitué par la vaine croyance de l'acquisition d'une somme importante.

M. Monnet qui est intervenu sur l'instance en qualité de liquidateur amiable de la société MFD, déclare reprendre les conclusions précédemment déposées par celle-ci.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 1999.

Motifs:

La cour entend, pour un plus ample exposé des faits, se référer à la décision dont appel.

Il suffit de rappeler que le document unique reçu par M. Kleinmann portait en fait sur deux jeux prenant la forme de loteries, dénommées respectivement " Grand Jeu MFD " et " Tirage Avril 1996 " dont les règles étaient différentes.

Les premiers juges qui ont exactement décrit le document sus évoqué, ont justement analysé les éléments devant amener M. Kleinmann à croire qu'il avait gagné un chèque de 35 000 F.

Il convient d'observer que ces deux jeux présentés sur le même document bénéficiaient d'un lot identique, à savoir un chèque de 35 000 F, lequel, s'agissant du jeu " Tirage d'Avril 1996 ", était attribué, sur tirage au sort, à un gagnant unique et, pour le " Grand jeu MFD ", était réparti entre toutes les personnes ayant fait l'objet d'un pré-tirage comme M. Kleinmann.

La dénomination donnée à l'un des jeux " Tirage Avril 1996 " entretenait la confusion en ce qu'elle ne permettait pas d'identifier un jeu distinct mais laissait croire au destinataire que le " Grand jeu MFD " avait fait l'objet d'un tirage au sort à cette date.

L'identification des deux jeux ne pouvait, en fait, se faire que par une lecture attentive de chacun de leur règlement.

Or, il convient de relever que si le règlement du " Tirage Avril 1996 " était disposé de façon très visible sur l'une des pages du documents, celui du " Grand Jeu MFD " se trouvait à l'intérieur de l'enveloppe d'envoi.

Par ailleurs, la référence audit règlement dont l'article 6 prévoit que la somme de 35 000 F est répartie entre tous les participants au jeu, se trouve portée en lettre minuscules et verticalement sur le courrier d'envoi.

L'imbrication volontaire de ces deux jeux accompagnée de formules destinées à faire croire qu'il s'agissait d'un jeu unique et de la dissimulation délibérée du règlement concernant le jeu dont le destinataire était attributaire du prix, étaient de nature à induire en erreur un consommateur de bonne foi et normalement attentif.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que la société MFD, qui avait fait preuve de déloyauté, avait commis une faute en envoyant à M. Kleinmann un document personnalisé lui laissant croire qu'il avait gagné un lot non négligeable alors que ledit gain est, selon ladite société, de 5 F.

Cette croyance légitime en ce gain et la déception qui a suivi, accompagnée du sentiment d'avoir été trompé sont constitutives d'un préjudice dont le montant ne correspond toutefois pas à celui du chèque non contractuellement dû.

Ce préjudice peut être évalué, eu égard aux circonstances sus relatées, à la somme de 10 000 F.

Il y a donc lieu à infirmation à cet égard.

La demande présentée par M. Kleinmann étant fondée en son principe, la société MFD représentée par son liquidateur amiable doit supporter les dépens de première instance et d'appel et régler à l'intimé qu'elle a contraint à exposer des frais irrépétibles une indemnité complémentaire sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à 5 000 F.

Par ces motifs, LA COUR, Constate l'intervention volontaire de M. Monnet en qualité de liquidateur amiable de la société MFD; Réforme partiellement la décision déférée; Condamne la société Maison Française de Distribution, représentée par son liquidateur amiable, à régler à M. Edouard Kleinmann une somme de 10 000 F à titre de dommages- intérêts; Confirme la décision déférée en ses autres dispositions non contraires à celles du présent arrêt; Y ajoutant, Condamne la société Maison Française de Distribution, représentée par son liquidateur amiable, à régler à M. Kleinmann une somme complémentaire de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Déboute la société Maison Française de Distribution de sa demande présentée sur ce même fondement; Condamne la société Maison Française de Distribution aux dépens d'appel et accorde à la SCP Dupas Trautvetter Ygouf, avoué, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.