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Décisions

CA Bourges, 1re ch., 5 octobre 1998, n° 97-00239

BOURGES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Postina International (SPRL)

Défendeur :

Maoulane

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gayat de Wecker

Conseillers :

M. Gautier, Mme Gaudet

Avoués :

Mes Tracol, Guillaumin

Avocats :

Mes Lejeune, Froger.

TGI Bourges, du 14 nov. 1996

14 novembre 1996

La société Postina International a interjeté appel d'un jugement rendu le 14 novembre 1996 par le Tribunal de grande instance de Bourges qui, estimant qu'elle avait fait naître chez Mme Maoulane, par le courrier envoyé, l'espérance d'un gain imaginaire en lui présentant dans le cadre d'un jeu publicitaire, un événement hypothétique comme certain, l'a condamnée à verser à cette dernière 150 000 F de dommages-intérêts.

Pour plus ample exposé de la situation litigieuse et de la procédure antérieure, ainsi que pour l'énoncé des prétentions et moyens des parties en première instance, la cour s'en remet expressément à la décision déférée, qu'elle estime, sur ces points, complète et claire.

L'appelante reprend pour l'essentiel les moyens déjà soulevés en première instance. Elle soutient notamment:

- que le libellé du document publicitaire ne pouvait induire en erreur une personne normalement avertie ni prêter à confusion en laissant croire à Mme Maoulane qu'elle avait gagné non plus l'un quelconque des multiples lots mais précisément le premier, une Mercedes d'une valeur de 150 000 F;

- que Mme Maoulane avait gagné un lot de façon certaine et non hypothétique, la seule incertitude consistant dans la nature exacte du lot gagné;

- que le public ne saurait être dispensé du moindre effort d'attention ou de réflexion;

- qu'il n'y avait aucun lien étroit entre une commande et la réception du gain;

Elle sollicite par réformation le rejet des prétentions adverses tendant à sa condamnation et subsidiairement la réduction des dommages-intérêts en considération de sa bonne foi.

Elle réclame encore une indemnité de 5 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile outre une somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts, pour procédure abusive.

L'intimée réplique que le tribunal a effectué une exacte appréciation de la situation au vu des faits de la cause et des moyens soulevés en réponse. S'appropriant les motifs du premier juge, elle fait valoir notamment:

- qu'une présentation fallacieuse et ambiguë lui a laissé croire qu'elle avait gagné un véhicule Mercedes C 180 ou sa contrepartie en nature;

- que ce type de publicité a précisément pour but d'induire en erreur le consommateur moyen;

- que l'envoi du billet gagnant a été fait dans le seul but de provoquer une commande;

- que son préjudice a été d'autant mieux estimé qu'elle est une personne démunie;

Elle conclut à la confirmation de la décision déférée;

Elle sollicite encore une indemnité de 10 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur quoi, LA COUR,

Attendu que par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a procédé à une analyse exacte de la situation et en a justement déduit, au vu des moyens des parties, les conséquences juridiques qui s'imposaient;

Attendu qu'à l'occasion d'une vente sur catalogue par correspondance et dans le but manifeste de la favoriser, la société Postina International a attribué à Mme Maoulane un billet gagnant concernant soit une Mercedes C 180 ou son équivalent en nature soit l'un des nombreux autres lots prévus, généralement de valeur minime; que la présentation, la typographie, l'aspect général du document qui demandait à Mme Maoulane si elle préférait, dilemme agréable, la Mercedes ou 150 000 F comptant, alors que la mention des autres lots figurait en tous petits caractères, était de nature à induire en erreur un consommateur moyen en lui présentant comme certain un gain parfaitement hypothétique et à provoquer une commande annexe dans le seul but de hâter la délivrance de l'objet gagné;

Attendu que le consommateur moyen, au regard notamment du Code de la consommation ne peut plus être considéré comme l'homme actif, instruit, diligent, avisé qu'était " le bon père de famille " dans le Code Napoléon mais comme un être plus vulnérable auquel doivent être présentés de façon claire tous les termes du marché et tous les risques auxquels il s'expose;

Attendu dès lors que le premier juge a retenu à bon droit que la société Postina devait indemniser Mme Maoulane de l'espérance d'un gain imaginaire, ce qui ne saurait être confondu avec le gain même, la cour estimant devoir ramener le préjudice subi à la somme de 10 000 F;

Attendu que l'équité commande d'allouer à l'intimée une indemnité de 5 000 F pour les frais non taxables inutilement exposés en cause d'appel; que nul ne justifie à son dossier d'un préjudice particulier nécessitant l'octroi de dommages-intérêts;

Par ces motifs: LA COUR, Reçoit l'appel, Au fond, le dit justifié pour partie seulement, Réforme le jugement déféré en ce qu'il a estimé à 150 000 F le préjudice subi par Mme Maoulane et, statuant à nouveau, arrête à la somme de 10 000 F ce dernier préjudice; Condamne en tant que de besoin la société Postina International au paiement, Confirme pour le surplus, Ajoutant, Condamne la société Postina International à verser à Mme Maoulane 5 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société Postina International aux dépens d'appel et dit qu'il seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.