Livv
Décisions

CA Caen, 1re ch. sect. civ., 24 mars 1998, n° 96-02546

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

France Direct Service (Sté), Ezavin (ès qual.), Garnier (ès qual.)

Défendeur :

Brière

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Salmon

Conseillers :

Mme Beuve, Melle Cherbonnel

Avoués :

SCP Parrot Lechevallier Rousseau, SCP Duhaze Mosquet Mialon

Avocat :

Me Huaume-Lepelletier.

TGI Argentan, du 18 avr. 1996

18 avril 1996

Mme Christine Guner soutenant qu'elle avait reçu divers courriers de la société France Direct Service (FDS), société de vente par correspondance, lui annonçant qu'elle avait gagné divers lots et sommes d'argent, a assigné cette dernière en paiement d'une somme, en principal, de 800 000 F correspondant à la valeur des lots qui ne lui ont pas été remis.

Par jugement rendu le 18 avril 1996, le Tribunal de grande instance d'Argentan a condamné la société France Direct Service à lui régler, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, une somme de 30 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 22 mars 1995 outre celle de 4 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Ayant relevé appel de cette décision, la société France Direct Service demande à la cour de l'infirmer, de débouter Mme Guner de ses demandes et de condamner cette dernière à lui régler la somme de 1 F à titre de dommages-intérêts outre celle de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Au soutien de son recours, elle fait essentiellement valoir que la rédaction du message publicitaire dans son ensemble, y compris l'extrait du règlement officiel qui en fait partie intégrante, exclut qu'un consommateur moyennement avisé puisse être induit en erreur.

Elle ajoute que Mme Guner ne saurait, en tout état de cause, avoir subi un quelconque préjudice du fait de sa participation gratuite et facultative à des jeux-concours.

Mme Guner conclut, par voie d'appel incident, à la condamnation de la société France Direct Service au paiement de la somme de 800 000 F à titre principal sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil et, subsidiairement, en vertu de l'article 1382 dudit Code.

Elle réclame, en outre, le versement d'une somme de 8 000 F au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle rétorque principalement que :

- la responsabilité contractuelle de la société FDS est engagée dès lors qu'il n'existe aucune discordance entre l'offre dans les documents publicitaires où tous les éléments essentiels du contrat sont mentionnés et son acceptation.

- le préjudice qu'elle a subi consiste à la vaine croyance d'un gain d'importance et la déception subséquente.

Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société France Direct Service par jugement du Tribunal de commerce de Grasse, le 14 avril 1997.

Me Ezavin, administrateur judiciaire, et Me Garnier, représentant des créanciers de la société France Direct Service, intervenus sur l'instance, déclarent donner adjonction aux écritures de cette dernière.

Ils rappellent qu'il résulte des documents publicitaires concernant les jeux-concours vantés par Mme Guner que l'attribution des lots principaux dépend d'un tirage au sort lequel n'a pas été favorable à la demanderesse.

Ils ajoutent, s'agissant du jeu " Voyage en Tunisie " que la société FDS a rempli son obligation.

Me Guner demande à la cour, dans ses dernières écritures, de fixer sa créance, régulièrement déclarée au redressement judiciaire de la société FDS, à la somme de 906 248,50 F.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 1998.

Motifs

Sur la recevabilité :

Mme Guner justifie avoir, le 20 mai 1997, déclaré une créance pour un montant de 906 248,50 F en principal, intérêts et frais, au passif du redressement judiciaire de la société France Direct Service.

La régularité de cette déclaration de créance n'est pas contestée.

Sur le fond :

La cour entend, pour un plus ample exposé des faits, se référer à la décision dont appel.

Sur la responsabilité contractuelle :

Il est constant que Mme Guner a reçu, au cours de l'année 1994, de la part de la société FDS un certain nombre de documents publicitaires concernant les jeux suivants :

- " Clients Satisfaits " dont le prix principal était un véhicule Mercedes ou un chèque de 200 000 F,

- " Grand Jeu de la Fortune " avec pour premier prix une Renault 21 ou la somme de 100 000 F,

- " Grand Jeu des 250 000 F " dont le prix final correspondait à ladite somme.

Il s'agissait, dans chaque cas, de jeux-loteries pour lesquels le gagnant du prix principal devait être désigné par tirage au sort.

Mme Guner ne conteste pas avoir également reçu les extraits du règlement officiel desdits jeux faisant état de ces modalités.

Les documents publicitaires adressés à l'appelante, d'une présentation, au demeurant, ambiguë et trompeuse, lui permettaient en fait seulement de participer au tirage au sort, en lui attribuant un numéro de participant.

S'ils faisaient, par ailleurs, état de cadeaux d'ores et déjà gagnés ou de " prix en espèces ", il ne s'agissait pas des prix principaux dont Mme Guner sollicite le paiement de la valeur dans le cadre de la présente instance.

Les moyens soulevés par l'appelante, tirés du caractère parfait des contrats eu égard à son acceptation d'une offre précise et complète, sont donc inopérants dès lors qu'à supposer même que le contenu des documents reçus puisse s'analyser en une offre, elle ne porte certainement pas sur l'attribution certaine des lots principaux.

L'appelante fait, d'ailleurs, elle-même état dans ses écritures déposées en cause d'appel de ce que l'offre portait sur sa participation au jeu.

Elle n'allègue, en outre, pas que le tirage au sort ait désigné le numéro qui lui était attribué comme gagnant des lots principaux.

S'agissant des autres sommes réclamées à savoir 3 000 F correspondant à un voyage en Tunisie, 2 000 F pour divers cadeaux et 450 F au titre d'un carnet de bons d'achat, les allégations et les pièces produites par Mme Guner apparaissent insuffisantes pour établir qu'elles lui sont contractuellement dues.

La décision déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes présentées par Mme Guner sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil.

Sur la responsabilité délictuelle :

Les moyens de l'appelante sont les mêmes qu'en première instance.

Les premiers juges ont, par des motifs pertinents que la cour adopte, à bon droit retenu que la société France Direct Service avait commis une faute en adressant à Mme Guner de multiples documents personnalisés pouvant lui laisser croire qu'elle avait gagné des lots importants.

Il suffit d'ajouter que la présentation affirmative d'événements qui n'étaient qu'hypothétiques et l'imbrication de formules conditionnelles et affirmatives étaient de nature à induire en erreur un consommateur de bonne foi et normalement attentif.

Le préjudice subi par Mme Guner a, par ailleurs, été exactement caractérisé par les premiers juges qui l'ont en outre justement évalué.

La décision déférée doit donc être confirmée sauf, compte tenu de la procédure collective ouverte à l'égard de la société France Direct Service, à fixer la créance de Mme Guner au passif du redressement judiciaire.

La société France Direct Service qui succombe en son appel principal doit supporter les dépens et régler, au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, une indemnité qu'il est équitable de fixer à 4 000 F.

Elle sera, par ailleurs, déboutée de ses demandes indemnitaires.

Par ces motifs, LA COUR, Confirme la décision déférée sauf, compte tenu de l'évolution du litige tenant à l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société France Direct Service à fixer comme suit les créances de Mme Guner sur le redressement judiciaire de la société France Direct Service : 30 000 F à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 22 mars 1995, 4 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Y ajoutant, Condamne la société France Direct Service à régler une indemnité complémentaire de 4 000 F sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ; Déboute la société France Direct Service de ses demandes ; Condamne la société France Direct Service aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions en matière d'aide juridictionnelle.