Cass. mixte, 6 septembre 2002, n° 98-22.981
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
UFC Que Choisir
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Canivet
Rapporteur :
M. Gridel
Avocat général :
M. de Gouttes
Avocats :
SCP Vier, Barthélemy, SCP Gatineau
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 octobre 1998), que M. X a reçu de la société de vente par correspondance Y (la société) deux documents le désignant, de façon nominative et répétitive, en gros caractères, comme ayant gagné 105 750 francs, avec annonce d'un paiement immédiat, pourvu que fût renvoyé dans les délais un bon de validation joint ; que cette pièce fût aussitôt signée et expédiée ; que la société n'ayant jamais fait parvenir ni lot ni réponse, M. X l'a assignée en délivrance du gain et, subsidiairement, en paiement de l'intégralité de la somme susmentionnée pour publicité trompeuse, née de la confusion entretenue entre gain irrévocable et pré-tirage au sort ; que l'Union fédérale des consommateurs Que Choisir (UFC) a demandé le paiement d'une somme de 100 000 francs de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif des consommateurs ; que l'arrêt leur a respectivement accordé les sommes de 5 000 francs et un franc ;
Sur le premier moyen : - Attendu que l'UFC fait grief à la cour d'appel d'avoir limité à un franc la réparation de son préjudice, alors, selon le moyen, que si les juges apprécient souverainement le montant des dommages-intérêts dans la limite des conclusions des parties, il leur appartient cependant d'évaluer le préjudice d'après les éléments dont ils disposent, au besoin après avoir ordonné toutes mesures utiles, sans pouvoir se borner à allouer une indemnité symbolique en raison d'un montant incertain du dommage ; qu'en l'espèce, l'UFC Que Choisir, dont la mission est de poursuivre la réparation de préjudices subis par une multitude de consommateurs, invoquait le préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs du fait des procédés agressifs et mensongers des sociétés par correspondance consistant à faire croire aux consommateurs qu'ils ont gagné un lot important pour obtenir des commandes et évaluait ce préjudice à la somme de 100 000 francs ; qu'en se bornant à considérer que l'intérêt collectif des consommateurs était, au regard des circonstances de l'espèce, exactement réparé par l'octroi d'une somme d'un franc à titre de dommages-intérêts sans préciser les éléments sur lesquels elle se fondait pour évaluer le préjudice à une telle somme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a apprécié souverainement le montant du préjudice dont elle a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a faite, sans être tenue d'en préciser les divers éléments ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le moyen de pur droit, relevé d'office après avertissement donné aux parties : - Vu l'article 1371 du Code civil ; - Attendu que les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers ;
Attendu que pour condamner la société à payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts à M. X, l'arrêt retient qu'en annonçant de façon affirmative une simple éventualité, la société avait commis une faute délictuelle constituée par la création de l'illusion d'un gain important et que le préjudice ne saurait correspondre au prix que M. X avait cru gagner ;
qu'en statuant ainsi, alors que l'organisateur d'une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa s'oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Y à verser à M. X la somme de 5 000 francs, l'arrêt rendu le 23 octobre 1998, entre les parties, par la Cour de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles.