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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 22 juin 1998, n° 97-08922

PARIS

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Aimé, Chamboredon, Vacher, UFC Que choisir

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Conseillers :

MM. Paris, Faucher

Avocats :

Mes Perrin, Brasseur.

TGI Paris, 31e ch., du 6 nov. 1997

6 novembre 1997

Rappel de la procédure:

La prévention:

M Jean-Michel et W Ian sont poursuivis par citation à la requête de l'Union fédérale des consommateurs UFC Que choisir, de Nicole Vacher, Danielle Chamboredon, Edmond Aimé, pour:

- publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, faits commis le 30-11-96, à Paris, prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 Code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-6, L. 213-1 Code de la consommation,

- diffusion de publicité (gain par un tirage au sort) sans dépôt près d'un officier ministériel, faits commis le 30-11-96, à Paris, prévus par l'article L. 121-41, L. 121-38, L. 121-36 alinéa 1 Code de la consommation et réprimés par l'article L. 121-41 Code de la consommation.

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a:

déclaré:

W Ian et M Jean-Michel non coupables et les a relaxés des fins de la poursuite pour les faits qualifiés de: infraction à la réglementation sur les loteries publicitaires faits commis du 01-11-1996 au 30-11-96, à Paris, (articles L. 121-41, L. 121-36 alinéa 1 Code de la consommation),

relaxé W Ian pour la publicité trompeuse commise à l'occasion de l'opération "Norway" et "le Grand jeu de la chance",

relaxé M Jean-Michel pour la publicité trompeuse commise à l'occasion de l'opération "Poids en Or",

déclaré W Ian coupable pour les faits qualifiés de publicité trompeuse, faits commis du 1er novembre 1996 au 30-11-96, à Paris, à l'occasion de l'opération "Poids en Or",

déclaré M Jean-Michel coupable pour les faits qualifiés de publicité trompeuse, faits commis du 1er novembre 1996 au 30-11-96, à Paris, à l'occasion de l'opération "Grand tirage de la chance", et de l'opération "Norway",

Et, par application de ces articles, a condamné:

vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal,

M Jean-Michel à 50 000 F d'amende avec sursis,

W Ian à 100 000 F d'amende,

les a dispensés de la mesure de publication,

statuant sur l'action civile,

déclaré recevables, en la forme, les constitutions de partie civile de l'UFC - Union fédérale des consommateurs, Nicole Vacher, Mme Danièle Chamboredon, Edmond Aimé,

condamné Ian W et Jean-Michel M à payer:

solidairement à l'Union fédérale des consommateurs, la somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 000 F chacun au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

condamné Jean-Michel M à payer:

à M. Edmond Aimé, la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

condamné solidairement Ian W et Jean-Michel M à payer:

à Mme Nicole Vacher, la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

condamné Ian W à payer:

à Mme Chamboredon épouse Vernet la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

déclaré la société X civilement responsable de ses préposés MM. Ian W et Jean-Michel M,

dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 600 F dont est redevable chaque condamné.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

M. W Ian, le 13 novembre 1997, sur les dispositions civiles, et les dispositions pénales uniquement sur le seul chef de condamnation de publicité trompeuse (opération Poids en or);

X, le 13 novembre 1997, à l'encontre des dispositions du jugement en date du 6 novembre 1997 rendu contre W Ian et Jean-Michel M;

M. le Procureur de la République, le 13 novembre 1997 contre M. W Ian;

Décision:

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par:

- X civilement responsable,

- Ian W en ce qui concerne les dispositions pénales et civiles, et sur le seul chef de publicité trompeuse (opération Poids en or);

du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention;

Le Ministère public a également interjeté appel de cette décision à l'encontre du seul Ian W;

La société X (SA), représentée par son conseil, fait connaître à la cour qu'elle se désiste de son appel en ce qui concerne les dispositions civiles relatives à Jean-Michel M.

Par voie de conclusions conjointes Ian W et la société X soulèvent, avant toute défense au fond, l'exception "non bis in idem" et demandent à la cour de:

- constater, dire et juger que l'opération Poids en or a déjà fait l'objet de poursuites;

En conséquence, dire n'y avoir lieu à statuer;

Ils font valoir que Ian W, cité devant le Tribunal de grande instance de Grasse à la requête du Parquet pour le délit de publicité trompeuse, commis courant 1996, pour le même message publicitaire, a été relaxé par jugement du 16 mai 1997 devenu définitif;

Ils soutiennent qu'il est de jurisprudence constante que le délit de publicité mensongère de nature à induire en erreur, même s'il se manifeste lors que chaque communication publique d'une telle publicité, constitue une infraction unique qui ne peut être poursuivie et sanctionnée qu'une seule fois, dès lors qu'il s'agit d'allégations identiques contenues dans le même message publicitaire et diffusées simultanément;

Par voie de conclusion conjointe Ian W et la société X demandent à la cour - sur le fond - d'infirmer la décision entreprise et de prononcer la relaxe de M. Ian W;

Ils font valoir que le document qui a été adressé au consommateur est clair et qu'après les mots "Poids en or" figure un astérisque qui renvoie à la phrase suivante: "1 décigramme env., représentant 0,00981 N",

Ils soutiennent que n'importe quel consommateur moyen, qui connaît la valeur de l'or, imagine bien que l'on ne va pas, surtout dans la mesure où on ne demande aucune précision sur son poids, lui envoyer la contre-valeur du nombre de kilos qu'il représente en or;

Ils affirment que le consommateur moyen normalement intelligent et attentif était en mesure d'une part de comprendre très exactement ce qui allait lui être envoyé et d'autre part de ne pas "fantasmer" en pensant que l'on allait effectivement lui adresser l'équivalent de son Poids en or;

M. l'Avocat Général souligne tout d'abord que l'appel interjeté par le Ministère public à l'encontre du seul Ian W est purement incident et ne vise aucunement à remettre en cause les relaxes partielles dont le prévenu intimé a bénéficié pour le délit d'infraction à la réglementation sur les loteries publicitaires et celui de publicité trompeuse commise à l'occasion de l'opération "Norway" et "Le Grand Jeu de la Chance";

Il observe que le délit de publicité trompeuse apparaît constitué en ce qui concerne l'opération "Poids en or", l'ensemble du message étant volontairement ambigu;

Il estime cependant que l'exception "non bis in idem" doit être retenue en l'espèce dans la mesure où le délit de publicité mensongère, même s'il se manifeste lors de chaque communication publique d'une telle publicité, constitue une infraction unique qui ne peut être poursuivie et sanctionnée qu'une seule fois;

Par voie de conclusions conjointes, l'Union fédérale des consommateurs Que Choisir, Nicole Vacher, Danièle Chamboredon et Edmond Aimé demandent à la cour:

- sous réserve des réquisitions du Ministère public, et fixant telle peine que de droit,

- de dire infondé l'appel des prévenus, et de confirmer la décision quant aux préventions;

- de confirmer les dispositions civiles du jugement, sauf à accorder la capitalisation des dommages-intérêts;

- de condamner in solidum les appelants à leur verser sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, une indemnité:

* pour l'UFC de: 15 000 F;

* pour Mme Vacher: 2 000 F;

* pour Mme Vernet: 2 000 F;

* pour M. Aimé: 2 000 F;

- de les condamner enfin aux entiers dépens qui comprendront ceux des parties civiles;

Bien que régulièrement cité, Jean-Michel M n'a pas comparu. Il n'est pas établi qu'il ait eu connaissance de la citation. Il sera statué à son encontre par défaut;

Sur l'action publique:

Jean-Michel M

Considérant que faute d'appel du prévenu ou d'appel du Ministère public à son encontre, les dispositions pénales du jugement entrepris concernant Jean-Michel M sont devenues définitives;

Ian W

Sur l'exception non bis in idem:

Considérant que vainement Ian W soutient qu'à l'occasion du même message publicitaire il a été poursuivi et relaxé par jugement du Tribunal correctionnel de Grasse du 16 mai 1997 devenu définitif et qu'il ne peut être poursuivi deux fois pour les mêmes faits;

Considérant que la cour observe en effet que si les faits qui lui sont déférés et ceux jugés par le Tribunal de grande instance de Grasse présentent un lien de connexité s'agissant d'une campagne publicitaire unique, il n'en demeure pas moins qu'ils sont distincts dans la mesure où la publicité se présente de manière individualisée, ainsi que parfaitement décrit par les premiers juges dans la décision attaquée;

Considérant que la cour relève, comme le tribunal, que même s'ils sont connexes par rapprochement à une même campagne publicitaire, les faits délictueux sont distincts dès lors que les documents publipostés ne sont pas standardisés, mais individualisés par la citation et la mise en scène de leur destinataire, objet des allégations trompeuses;

Qu'il s'agit dès lors de publicités distinctes pouvant faire l'objet de poursuites séparées;

Considérant que la cour, par ces motifs, et ceux du tribunal qu'elle fait siens, rejettera l'exception soulevée;

Sur le fond:

Considérant que la cour ne saurait suivre Ian W en son argumentation;

Considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte et par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause, exactement rapportés dans la décision attaquée, que les premiers juges ont, à bon droit:

- relaxé des fins de la poursuite Ian W pour les faits d'infraction à la réglementation sur les loteries publicitaires et pour la publicité trompeuse commis à l'occasion de l'opération "Norway" et du "Grand Jeu de la Chance";

- déclaré Ian W coupable pour les faits de publicité trompeuse commis du 1er novembre 1996 au 30 novembre 1996 à Paris à l'occasion de l'opération "Poids en Or";

Considérant que la cour confirmera le jugement attaqué sur les relaxes partielles, la déclaration de culpabilité, la peine d'amende et la dispense de publication qui constituent une juste application de la loi pénale;

Sur l'action civile:

Jean-Michel M

Considérant que la cour donnera acte à la société X SA de ce qu'elle se désiste de son appel en ce qui concerne les dispositions civiles relatives à Jean-Michel M;

Que la cour dès lors constatera que les dispositions civiles du jugement dont appel sont devenues définitives en ce qui concerne Jean-Michel M;

Ian W

Considérant que la cour ne trouve pas motif à modifier la décision critiquée qui a fait une équitable appréciation du préjudice subi par chaque partie civile et découlant des faits de publicité trompeuse retenus à l'encontre de Ian W (opération Poids en or);

Considérant que la cour confirmera le jugement critiqué que le montant des dommages- intérêts alloués, les sommes accordées au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, ainsi que la déclaration de responsabilité civile de la société X;

Qu'y ajoutant la cour condamnera Ian W à verser, pour frais irrépétibles en cause d'appel les sommes supplémentaires de:

- 5 000 F à l'UFC,

- 2 000 F à Mme Nicole Vacher,

- 2 000 F à Mme Danielle Chamboredon;

Que la cour déboutera les parties civiles du surplus de leurs demandes;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges qu'elle adopte expressément, LA COUR, Statuant publiquement, par défaut pour Jean-Michel M et contradictoirement à l'égard de toutes les autres parties, Sur l'action publique: Jean-Michel M, Constate que les dispositions pénales du jugement dont devenues définitives à l'égard de Jean-Michel M, Ian W, Rejette l'exception "non bis in idem" soulevée du chef de l'opération "Poids en or", Confirme le jugement déféré sur les relaxes partielles et en ce qu'il a déclaré Ian W coupable pour les faits qualifiés de publicité trompeuse commis à l'occasion de l'opération "Poids en or", Confirme le jugement entrepris sur la peine d'amende et la dispense de publication de la décision, Sur l'action civile: Jean-Michel M, Donne acte à la société X de son désistement d'appel en ce qui concerne les dispositions civiles relatives à Jean-Michel M, Constate que les dispositions civiles du jugement déféré sont devenues définitives à l'égard de Jean-Michel M, Ian W, Confirme le jugement entrepris sur les dispositions civiles concernant Ian W, Y ajoutant, Condamne Ian W à verser, au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel, les sommes supplémentaires de: - 5 000 F à l'UFC, - 2 000 F à Mme Nicole Vacher, - 2 000 F à Mme Danielle Chamboredon; Déboute les parties civiles du surplus de leurs demandes, Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné.