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Décisions

CA Rennes, 3e ch. corr., 7 mai 1998, n° 97-00341

RENNES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Berthou, Guene, Guilcher, DGCCRF

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Segondat

Conseillers :

M. Debons, Mme Legeard

Avocats :

Mes Leyer, Gaillot-Mercier, Brebion

TGI Brest, ch. corr., du 10 sept. 1996

10 septembre 1996

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le Tribunal correctionnel de Brest par jugement contradictoire en date du 10 septembre 1996, pour:

Remise de contrat non conforme au client - démarchage à domicile ou dans un lieu non commercial, demande ou obtention de paiement ou d'accord avant la fin du délai de réflexion - démarchage

A condamné M Jean-Marc à 8 000 F d'amende,

Et, sur l'action civile, l'a condamné à payer à:

- Monsieur Guene: 5 000 F à titre de dommages et intérêts et 2 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- Monsieur Guilcher: 5 000 F à titre de dommages et intérêts,

- Monsieur Berthou: 5 000 F à titre de dommages et intérêts,

Les appels:

Appel a été interjeté par:

Monsieur M Jean-Marc, le 19 septembre 1996

M. le Procureur de la république, le 19 septembre 1996

La prévention:

Considérant qu'il est fait grief à M Jean-Marc, d'avoir sur le territoire national, courant 1994, après avoir démarché Messieurs Guene, Guilcher et Berthou à leur domicile, à leur résidence ou à leur lieu de travail, remis à ceux-ci un contrat, ne comportant pas la formule détachable destinée à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation;

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-21, L. 121-23, L. 121-24, L. 121-28 du Code de la consommation;

Considérant qu'il est fait grief à M Jean-Marc, d'avoir sur le territoire national, courant 1994, après avoir démarché Messieurs Guene, Guilcher et Berthou à leur domicile, à leur résidence ou à leur lieu de travail, exigé ou obtenu d'eux, directement ou indirectement, une contrepartie ou un engagement, en l'espèce une somme de 400, 400 et 500 F;

Infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-28, L. 121-26 du Code de la consommation;

En la forme:

Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme;

Au fond:

Considérant qu'il ressort du dossier et des débats des éléments suivants:

La société S dont Monsieur M Jean-Marc est le Président Directeur Général exploite sous forme de concession le système de télésurveillance par écoute C.

Si sa prestation de service fait l'objet d'un abonnement, le matériel nécessaire chez le client est acquis par un établissement financier qui le loue ensuite à l'abonné moyennant le paiement d'une mensualité correspondant au coût de cette location mais incluant également le coût de l'abonnement, la durée " irrévocable " de ce contrat est de 48 mois.

Les 10 octobre 1991, 2 décembre 1992 et 5 janvier 1994, Monsieur Guene, imprimeur à Brest, Monsieur Berthou, exploitant de la ferme auberge de Tredudon et Monsieur Guilcher, garagiste à Morlaix, après avoir été démarchés à domicile, ont signé un contrat d'abonnement de télésurveillance, versant immédiatement pour les frais d'adhésion: 400 F pour Messieurs Guene et Berthou, 500 F pour Monsieur Guilcher.

Non satisfaits de la prestation de service et estimant avoir été trompés sur les conditions de conclusion des contrats, Messieurs Guene, Berthou et Guilcher s'adressaient à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) de Brest qui établissait le 29 mai 1995 un procès-verbal de délit pour infraction aux articles L. 121-23, L. 121-26 du Code de la consommation.

Considérant que Monsieur M Jean-Marc souligne qu'au moment où les poursuites ont été engagées, la prescription triennale relative au délit était acquise en ce qui concerne les contrats Jean-Luc G et Berthou signés les 10 octobre 1991 et 6 décembre 1992;

Que sur le fond, il allègue l'absence de délit, motif pris de ce que les trois plaignants ont conclu avec la société S à l'occasion de leur exercice professionnel; qu'il observe en effet que les loyers ont été inclus dans la comptabilité professionnelle, que le matériel a été installé dans les locaux professionnels;

Qu'il en déduit que le contrat litigieux a un rapport direct avec l'activité commerciale et artisanale et artisanale des parties civiles au sens de l'article L. 121-22 du Code de la consommation et n'est donc pas soumis aux dispositions de la loi relative au démarchage à domicile;

Qu'il demande en conséquence à la cour de le relaxer et de déclarer irrecevable toute constitution de partie civile;

I - Sur la prescription:

Considérant que les faits reprochés au prévenu étant constitutifs de délits instantanés, le point de départ de la prescription se situe à la date à laquelle ils ont été commis c'est-à-dire en l'espèce lors de la concusion des contrats soit les 10 octobre 1991 pour Monsieur Guene, 2 décembre 1992 pour Monsieur Berthou et 5 janvier 1994 pour Monsieur Guilcher.

Considérant que le procès-verbal de délit établi le 29 mai 1995 par la DGCCRF constitue un acte interruptif de prescription; que celle-ci n'est donc pas acquise en ce qui concerne les faits relatifs à Messieurs Berthou et Guilcher;

Que par contre les diligences effectuées au préalable par cette administration, y compris les procès-verbaux de déclaration, que ce soit des plaignants ou de Monsieur M ne constituent pas des actes interruptifs de prescription;

Que dès lors, le contrat ayant été signé le 10 octobre 1991, la prescription est acquise en ce qui concerne les faits concernant Monsieur Guene qui n'avait pas lui-même déclenché l'action publique;

II - Sur le fond:

Considérant que Monsieur M ne conteste pas la non-application aux contrats litigieux de la loi du 22 décembre 1972 relative au démarchage à domicile; qu'en effet, les contrats signés par Messieurs Berthou et Guilcher ne comportent aucun bordereau de rétractation dans le délai légal; qu'en outre, les parties civiles ont versé des fonds le jour même de la conclusion du contrat;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 12-1-22 du Code de la consommation, ne sont pas soumises aux dispositions protectrices de la loi du 22 décembre 1972 les ventes locations ou locations ventes de biens ou de prestation de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession;

Considérant que s'il est incontestable que les contrats ont été conclus par les parties civiles à titre professionnel, cette circonstance n'est pas suffisante pour exclure l'application des dispositions relatives au démarchage à domicile, étant rappelé qu'en modifiant la loi du 22 décembre 1972 par celle du 23 juin 1989, le législateur a précisément voulu protéger le professionnel lorsqu'il conclut un contrat dans les mêmes conditions qu'un consommateur privé;

Considérant que l'activité d'aubergiste ou de carrossier exercée par Messieurs Berthou et Guilcher ne leur donne aucune compétence en matière de télésurveillance, l'objet du contrat étant étranger à leur activité; qu'en outre, le contrat litigieux n'a pas pour effet par lui-même l'extension et le développement de l'activité commerciale; qu'il ne peut aussi permettre l'accroissement de la clientèle;

Que dès lors le contrat d'abonnement de télésurveillance conclu par Messieurs Berthou et Guilcher est sans rapport direct avec leur activité commerciale ou artisanale; qu'il était donc soumis aux dispositions protectrices des articles L. 121-21 et suivant du Code de la consommation;

Considérant que les faits visés à la prévention ont aussi été exactement analysés et qualifiés par les premiers juges;

Que la cour trouve dans les éléments du dossier les éléments lui permettant de faire une application différente de la loi pénale; qu'en effet, Monsieur M n'a pas tenu compte des observations qui lui avaient été faites par la DGCCRF auprès de laquelle il s'était engagé en 1993 à modifier les contrats, ce qu'il n'a pas fait;

Sur l'action civile:

Considérant qu'eu égard à la prescription des faits le concernant reprochés à Monsieur M la constitution de partie civile de Monsieur Guene est irrecevable;

Considérant que le premier juge, pour le surplus, a correctement apprécié les demandes des parties civiles qui en sollicitent le maintien; que les dispositions civiles du jugement qui a accordé 5 000 F de dommages et intérêts à Messieurs Guilcher et Berthou seront confirmées, l'indemnité due au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel étant fixée comme il suit au dispositif;

Considérant que depuis l'intervention de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 et le décret d'application n° 93-867 du 28 juin 1993, le procès ne donne plus lieu en cas de condamnation pénale de l'auteur de l'infraction à la condamnation aux frais appelés autrefois dépens, que ce soit dans le jugement sur l'action publique ou dans celui sur l'action civile;

Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de M Jean-Marc, Berthou Yves, Guene Yves, par défaut à l'égard de Guilcher Jean-Louis et la Direction Générale de la Concurrence, de la Concurrence et de la Répression des Fraudes, En la forme Reçoit les appels, Au fond Sur l'action publique: Déclare prescrits les faits reprochés à Monsieur M concernant Monsieur Guene; Déclare Monsieur M coupable pour le surplus des faits visés à la prévention; condamne à la peine de dix mille francs (10 000 F) d'amende; Prononce la contrainte par corps, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné, Le tout par application des articles susvisés, 800-1, 749 et 750 du Code de procédure pénale. Sur l'action civile: Déclare irrecevable la constitution de partie civile de Monsieur Guene; Confirme les dispositions civiles concernant Messieurs Berthou et Guilcher; Y ajoutant, Condamne Monsieur M. à payer à Monsieur Bethou la somme de deux mille francs (2 000 F) au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; Dit qu'il n'y a pas lieu à condamnation aux dépens en vertu de la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 et du décret d'application n° 93-867 du 28 juin 1993.