CA Grenoble, ch. corr., 9 janvier 1998, n° 77
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Rigolet, L'Union Fédérale des Consommateurs de l'Isère
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Robin
Conseillers :
MM. Balmain, Vigny
Avocats :
Mes Benhamou, Prud'Homme, Brasseur.
Par jugement du 4 novembre 1996 le Tribunal correctionnel de Grenoble a notamment:
- déclaré R Jean coupable de violation de la législation en matière de démarchage à domicile par obtention d'un paiement avant la fin du délai de réflexion de la part de Marcel Rigolet, et remise à celui-ci d'un exemplaire du contrat ne comportant pas un formulaire de rétractation détachable,
- déclaré R Jean et B Abderrahmane coupables d'abus de la faiblesse ou de l'ignorance de Marcel Rigolet dans le même contexte,
- condamné chacun des prévenus à quatre mois d'emprisonnement avec sursis simple et 20 000 F,
- reçu les constitutions de partie civile de Marcel Rigolet et de l'UFC 38, déclaré R Jean et B Abderrahmane solidairement et entièrement responsable à son égard des conséquences des infractions retenues à leur charge, et condamné ceux-ci à payer solidairement :
- à Marcel Rigolet la somme de 25 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 2 500 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,
- à l'UFC 38 la somme de 3 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 2 000 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Appel a été successivement relevé par R Jean, par le Procureur de la République contre le seul R Jean, et par l'UFC 38.
R Jean demande sa relaxe en ce qui concerne l'abus de la faiblesse de Marcel Rigolet qui n'apparaît pas dans ses courriers alors qu'il n'a pas été autrement en contact avec lui, et l'indulgence de la cour pour le surplus alors que sa société a bien exécuté les prestations promises.
L'UFC 38 demande la confirmation du jugement en son principe, la publication et l'affichage de la décision à intervenir, 40 000 F pour le préjudice collectif des consommateurs, 10 000 F pour le préjudice associatif, 6 000 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, et la suppression sous-astreinte des clauses abusives figurant dans le contrat-type.
Le Ministère public et Marcel Rigolet demandent la confirmation du jugement chacun pour ce qui les concerne.
Sur l'action publique
Il résulte de l'enquête préliminaire et des débats devant le premier juge et la cour que Marcel Rigolet désirant vendre une maison a répondu à une annonce de la SARL X dont R Jean est le gérant. B Abderrahmane a fait souscrire le jour même à Marcel R Jean un contrat de publicité qu'il a fait payer sur le champ au moyen d'un chèque de 23 720 F. Ce chèque a été remis à l'encaissement le 1er juillet 1995 par la SARL X sur les instructions personnelles de R Jean.
Dans l'intervalle Marcel Rigolet avait envoyé le 30 juin 1995 une lettre recommandée avec accusé de réception annulé " l'ordre de vente ", c'est-à-dire le contrat. Il a reçu à nouveau la visite de B Abderrahmane le 7 juillet et expose que celui-ci lui a affirmé qu'il avait déjà des clients sérieux. Il a alors rédigé sous la dictée de B Abderrahmane un projet de lettre de résiliation à remettre le lendemain lors de la visite des clients si l'affaire se faisait. Marcel Rigolet n'a reçu aucune visite le lendemain, par contre il s'est aperçu que B Abderrahmane avait subtilisé le brouillon de la lettre pour justifier de la non-résiliation du contrat auprès de R Jean.
Par ailleurs, le formulaire de rétractation figurant au dos de l'exemplaire du contrat signé ne peut en être détaché sans altérer le texte des conventions imprimé à l'endroit.
Enfin, ce contrat comporte différentes clauses jugées abusives par l'UFC 38 ;
L'abus de la faiblesse ou de l'ignorance de Marcel Rigolet suppose la démonstration de cette faiblesse ou de cette ignorance, qui ne saurait résulter du seul âge du consommateur sauf à édicter une incapacité légale de contracter sans texte. Or aucun autre élément résultant du dossier ne permet de soutenir l'idée d'une faiblesse particulière de Marcel Rigolet qui, au contraire, à bien su voir le piège, se rétracter de son engagement, et se plaindre au Procureur de la République après échec des tentatives d'accord amiable.
R Jean sera donc relaxé de ce chef.
Les faits reprochés à R Jean ont été pour le surplus exactement retenus, qualifiés et sanctionnés par le premier juge.
R Jean n'a pas définitivement condamné au cours des cinq années précédent les faits du 1er juillet 1995, ni antérieurement au 1er mars 1994 à une peine criminelle ou à une peine d'emprisonnement supérieure à deux mois, ni depuis le 1er mars 1994 à une peine de réclusion ou d'emprisonnement d'une durée quelconque. Il peut donc bénéficier du sursis simple conformément à l'ancien article 734-1 du Code de procédure pénale et à l'article 132-30 du Code pénal.
Sur les actions civiles
1 - Il résulte de ce qui précède que le premier juge a exactement apprécié le préjudice directement subi par Marcel Rigolet ensuite de l'infraction commise par R Jean.
En effet, il n'importe que le contrat ait été exécuté dès lors que le paiement illicitement obtenu doit être restitué pour cette raison même. Il appartiendra éventuellement à la Sarl X de faire valoir ses droits éventuellement tirés du contrat à l'encontre de R Jean devant le juge civil compétent.
2 - Le premier juge a également exactement apprécié le préjudice subi par l'UFC 38 résultant des infractions pénales retenues à la charge de R Jean.
Le juge pénal, qui n'est pas le juge du contrat, est radicalement incompétent pour ordonner la suppression de clause abusive par voie d'astreinte.
Le jugement sera donc purement et simplement confirmé quant à ses dispositions civiles.
Il est équitable d'allouer à l'UFC 38 la somme de 4 000 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais non payés par l'Etat et exposés par elle en appel.
Par ces motifs, LA COUR, Reçoit les appels de R Jean, du Procureur de la République et de l'UFC 38 contre le jugement rendu le 4 novembre 1996 par le Tribunal correctionnel de Grenoble, Réformant partiellement le jugement attaqué, Relaxe R Jean des fins de la poursuite du chef d'abus de la faiblesse ou de l'ignorance de Marcel Rigolet, Confirme en son principe et en toutes ses dispositions non contraires le jugement critiqué, Constate que le présent arrêt est assujetti au droit fixe résultant de l'article 1018 A du Code général des impôts à la charge du condamné et dit que la contrainte par corps s'exercera pour le recouvrement de l'amende conformément aux dispositions des articles 749 à 751 du Code de procédure pénale, Condamne R Jean aux dépens de l'action civile, s'il en est, et à payer à l'UFC 38 la somme de 4 000 F par application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais non payés par l'Etat exposés en appel, Le tout par application des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation.