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Décisions

CA Toulouse, 3e ch. corr., 12 mai 1999, n° 99-00074

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Ministère public, Baissas, Bernard, Boissinot, Brevi, Carle, Cassier, Chauvat, Colin, Courregelongue, Dalmau, de Almeida, Dorly Duprat Schneider, Etcheverry, Fichou, Guiot du Doignon, Hanot, Lecerf, Madimier, Malaure, Mangili, Maurines, Meyer, Monnoir, Orcibal, Organisation générale des Consommateurs, Pech, Roussel, Thivel, Verbrugge

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schiex

Conseillers :

Mmes Fourniel, Perrin

Avocat :

Me Martin

CA Toulouse n° 99-00074

12 mai 1999

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le tribunal par jugement en date du 7 décembre 1998, a déclaré Jean-Luc Y coupable de :

- Demande ou obtention de paiement ou d'accord avant la fin du délai de réflexion, courant 1996, à sur le territoire national, infraction prévue par les articles L. 121-28, L. 121-26 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 121-28 du Code de la consommation et, en application de ces articles, l'a condamné à 20 000 F d'amende, publication contenant l'exposé complet de la qualification dans La Dépêche du Midi, édition de Toulouse (coût maximum 2 500 F).

Sur l'action civile

. Baissas Lydie, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Bernard Ruth, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Boissinot Henri, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Brevi Jacqueline, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Carle René, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Cassier Pascal, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Chauvat Gisèle, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Colin Jean-Michel, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Courregelongue Bernard, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Dalmau Françoise, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. de Almeida José, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Dorly Duprat Schneider, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Etcheverry, 1 500 F à titre de dommages et intérêts

. Fichou Marie-Laure, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Guiot du Doignon Agnès, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Hanot Micheline, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Lecerf Manuel, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Madimier Brigitte, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Malaure Yves, 2 000 F à titre de dommages et intérêts, 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale

. Maurines Anne-Marie, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Meyer Daniel, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Monnoir Jean-Marc, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Orcibal Augustin, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Organisation générale des Consommateurs, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Pech Elisabeth, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Roussel Jules, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Thivel Pascale, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

. Verbrugge Roland, 2 000 F à titre de dommages et intérêts

Les appels :

Appel a été interjeté par :

Monsieur Jean-Luc Y, le 14 décembre 1998

Monsieur le Procureur de la République, le 14 décembre 1998 contre Monsieur Jean-Luc Y

Décision :

Les appels successifs de Jean-Luc Y et du Ministère public interjetés le 14 décembre 1998 contre un jugement rendu le 7 décembre 1998 par le Tribunal correctionnel de Toulouse, réguliers en la forme et interjetés dans le délai légal, sont recevables en la forme.

Les faits qui sont à l'origine des poursuites sont les suivants :

Désirant mettre en vente son fonds de commerce de bar et restaurant, situé à La-Roche-sur-Yon, Micheline Hanot a été contactée par la SARL X dont le siège est 7, rue Bernard Palissy à Toulouse. Elle a signé, le 23 février 1996, un contrat de diffusion de son bien pour la somme de 7 658,10 F, réglée le même jour, par deux chèques d'un montant de 3 600 F et 3 658 F remis aux démarcheurs de la SARL X.

Après s'être renseignée sur cette pratique, elle a appris que la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile, lui était applicable, et qu'elle bénéficiait d'un délai de réflexion de 7 jours pendant lequel elle n'était pas tenue de verser une quelconque contrepartie financière.

Madame Hanot a écrit à la société X pour demander la restitution de ses deux chèques et a fait opposition auprès de sa banque pour empêcher leur encaissement.

Le 25 avril 1996, le Crédit Lyonnais a accepté l'opposition mais le 11 juin 1996, il a informé sa cliente qu'il ne pouvait la maintenir permettant ainsi l'encaissement des chèques par la SARL X.

Devant cette situation et n'ayant reçu aucun acheteur potentiel depuis la signature du contrat, elle a déposé plainte.

Les fonctionnaires de la Direction Générale de la Concurrence, de la Concurrence et de la Répression des Fraudes se sont présentés au siège de la SARL X dont le gérant est Jean-Luc Y.

Ils ont pu constater que le fonctionnement de cette SARL consistait en prospection téléphonique à partir de fichiers achetés auprès de France Telecom. Lorsque les commerçants répondaient positivement à la question de savoir s'ils désiraient vendre leur fonds de commerce, il leur était adressé un courrier leur annonçant la visite prochaine d'un conseiller. Une démarche était également faite par courrier pour présenter l'entreprise X aux commerçants sur chaque région de France.

Démarché sur son lieu d'activité professionnelle, le vendeur signait un contrat sur la base d'un tarif dont le prix varié suivant diverses modalités de publication.

Le versement correspondant s'effectuait de manière concomitante. L'encaissement était échelonné selon un calendrier sur le contrat. Souvent le commerçant signait le même jour un mandat de vente de son bien avec la société X titulaire d'une carte professionnelle pour Transactions sur Immeubles et Fonds de Commerce. Le démarcheur lui remettait alors un formulaire de remboursement de frais de dossier à concurrence de 50 % ou 100 % selon le prix de vente du bien ; ces frais de dossier représentaient les sommes perçues lors de la signature du contrat de diffusion.

Dans le cas de Madame Hanot, le dossier détenu par la SARL X révélait que le 23 avril 1996, celle-ci avait fait valoir auprès d'X qu'elle bénéficiait d'un délai de réflexion de 7 jours pour annuler à la commande et qu'il était illégal d'avoir demandé un règlement de la signature du contrat. Elle signalait pour cette raison qu'elle avait fait opposition aux deux chèques et qu'en cas de non-réexpédition, elle porterait plainte auprès du Procureur.

Dans sa réponse du 24 juin 1996, la société X indiquait à son client que l'opposition au chèque n'était pas justifiée. Elle signifiait son intention de représenter les chèques à l'encaissement et de confier ce dossier, sous huitaine, à son avocat, si ces chèques n'étaient pas honorés.

Les services de la DGCCRF ont adressé un questionnaire à 142 commerçants ayant été démarchés par X et signataires d'un contrat, 101 réponses leur sont parvenues qui ont révélé que les commerçants versaient aux démarcheurs des chèques qui étaient encaissés que suivant un échéancier fixé.

Lorsqu'il a été entendu, Jean-Luc Y a reconnu pratiquer le démarchage des commerçants en vu de leur faire signer un contrat de diffusion de leur bien et, éventuellement, un mandat de vente et que le prix de paiement du contrat s'effectuait le jour de la signature.

Devant la cour, Jean-Luc Y confirme que la SARL X dont il était le gérant, recevait bien des commerçants les chèques dont le montant représentait celui de la prestation qu'elle leur offrait. Et c'est sans attendre l'écoulement du délai de réflexion de 7 jours prévu par la loi. Cependant, il fait plaider que l'infraction n'est pas constituée pour les raisons suivantes ;

- la loi ne s'applique pas aux commerçants lorsqu'il conclut un contrat ayant un rapport direct avec leur activité,

- la loi protectrice ne s'applique pas lorsque le client est une personne morale. Il en déduit que certaines constitution de parties civiles sont irrecevables et que pour les constitutions de parties civiles recevables en leur principe, les prétendues victimes doivent démontrer qu'elles se sont trouvées dans l'impossibilité de se rétracter dans un délai de 8 jours, or cette démonstration est d'autant plus délicate qu'aucune des victimes recensées par le service de la Répression des Fraudes n'a jamais souhaité se rétracter ni dans le délai de 7 jours ni après. De surcroît, aucun chèque n'a été encaissé dans le délai de 7 jours. Enfin, selon Jean-Luc Y les victimes n'ont subi aucun préjudice.

Le Ministère public requiert, au contraire, la confirmation du jugement dont appel en se référant à une jurisprudence constante et bien établie au terme de laquelle le contrat de vente du fonds de commerce ne peut être considéré comme étant une opération en relation directe avec l'activité professionnelle exercée.

Yves Malaure fait plaider par confirmation du jugement dont appel et demande la condamnation de Jean-Luc Y à lui payer une somme supplémentaire de 2 500 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Jules Roussel s'est présenté pour demander confirmation du jugement dont appel.

Monsieur Baissas représentant in indivision Baissas, se présente, pour demander confirmation du jugement dont appel.

Gisèle Chauvat, citée à personne, adressait un courrier pour demander confirmation du jugement dont appel.

Henri Boissinot, cité à personne, a écrit pour conclure par confirmation.

Marinette Etcheverry, citée à personne, a écrit pour demander confirmation du jugement dont appel.

Jean-Michel Colin, cité à personne, a écrit pour demander confirmation du jugement dont appel.

Ruth Bernard, cité à personne, a écrit pour solliciter la confirmation du jugement dont appel.

Parscale Thivel, citée à personne, a écrit pour solliciter la confirmation du jugement dont appel.

René Carle, cité à personne, a écrit pour solliciter la restitution de la somme indûment perçue soit 2 170,80 F TTC.

Bernard Courregelongue a signé l'accusé de réception qui lui a été adressé par l'huissier instrumentaire, après citation à domicile, il a écrit pour solliciter la confirmation du jugement dont appel.

José de Almeida, cité à personne, a écrit pour solliciter la confirmation du jugement dont appel.

Micheline Hanot qui a eu connaissance de la date d'audience, a écrit pour demander confirmation du jugement dont appel.

Augustin Orcibal, cité à personne, a écrit pour demander confirmation du jugement dont appel.

Pascal Cassier, cité à personne mais n'a pas comparu, il ne s'est pas fait représenter.

Françoise Dalmau a été citée à personne mais n'est pas représentée.

Madame Dorly Duprat Schneider a été citée à personne mais ne s'est pas présentée et n'est pas représentée.

Marie-Laure Fichou a été citée à personne mais ne s'est pas présentée et n'est pas représentée.

Agnès Yuiot du Doignon a été citée à personne mais ne s'est présentée et n'est pas représentée.

Manuel Lecerf a été cité en Mairie, il a signé l'accusé de réception qui lui a été adressé par l'huissier instrumentaire, il n'est pas présent, ni représenté.

Brigitte Madimier a été citée à personne, elle n'est ni présente, ni représentée.

Caterina Mangili a été citée à personne, elle n'est ni présente, ni représentée.

Anne-Marie Maurines a été citée à personne, elle n'est ni personne, ni représentée.

Danielle Meyer a été citée à personne, elle n'est ni présente, ni représentée.

Jean-Marc Monnoir a été cité à personne, il n'est ni présent, ni représenté.

Elisabeth Pech a été citée en Mairie, elle a signé l'accusé de réception qui lui a été adressé par l'huissier instrumentaire, elle a donc eu connaissance de la date d'audience, elle n'est ni présente, ni représentée.

Roland Verbrugge a été cité à personne, il n'est ni présent, ni représenté.

L'Organisation Générale des Consommateurs a eu connaissance de la date d'audience mais ni présente ni représentée.

Jacqueline Brevi a été citée à Parquet général, elle n'est ni présente, ni représentée.

Sur quoi,

Il est parfaitement établi et reconnu par Jean-Luc Y, agissant en qualité de gérant de la société X, que les démarcheurs, agissant pour le compte de cette société, se sont fait remettre le jour de la signature des contrats de prestations de services visant la diffusion d'annonces de vente des fonds de commerce, des commerçants qui étaient démarchés à leur domicile, des chèques en règlement d'acomptes.

Il résulte au surplus du procès-verbal établi par la DRCCRF que Monsieur Ortega qui a signé un contrat le 7 juin 1996 pour 3 376,80 F a procédé au règlement en espèces de cette somme.

Contrairement à ce que prétend le prévenu, il apparaît que plusieurs chèques ont été encaissés avant le délai de 7 jours fixé par la réglementation (Mangili, Delmas, Pech, Carle).

Les dispositions de l'article L. 121-26 du Code de la consommation interdisent d'exiger ou d'obtenir du client directement ou indirectement, à quelque titre ni sous quelque forme que ce soit une contrepartie quelconque ni aucun engagement, ni une prestation de quelque nature que ce soit avant l'expiration d'un délai de réflexion de 7 jours à compter de la commande ou de l'engagement de l'achat lorsque l'opération de vente est pratiquée au domicile.

Contrairement à ce que prétend Jean-Luc Y, la protection instituée par la loi en matière de démarchage s'applique à un professionnel tel un commerçant au même titre qu'à un consommateur particulier dès lors que le contrat souscrit porte sur une opération qui n'est pas en rapport direct avec son activité professionnelle et qu'ainsi le démarché peut être considéré comme profane par rapport au contrat proposé.

Plus spécifiquement, il est parfaitement admis que les contrats de publicité pour la vente d'un fonds de commerce ne sont pas compris dans les exceptions prévues par l'article 8.1 e de la loi du 22 décembre 72 sur le démarchage et la vente à domicile qui ne vise que les prestations de service proposées pour les besoins d'une exploitation ou d'une activité professionnelle.

Il est par ailleurs indifférent que certains des commerçants démarchés exercent leur activité dans le cadre d'une société à responsabilité limitée ou même une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée dès lors que le démarchage s'effectue au domicile de la personne physique représentant cette personne morale et se trouvant dans le même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur et ce, d'autant que les spécialités professionnelles des démarchés qui tous exploitent des commerces de bar-restaurant ne leur permettaient pas d'apprécier leur régularité des exigences formulées par les représentants de X.

Il convient, en conséquence, de confirmer la déclaration de culpabilité portée par le jugement dont appel et de confirmer la peine prononcée par le tribunal qui correspond à une exacte appréciation des circonstances, des faits et de la personnalité du prévenu.

Sur les actions civiles

Jean-Luc Y ne peut utilement prétendre et tenter de démontrer que les clients de la société X ne subissent aucun préjudice.

Ce préjudice résulte nécessairement, même si aucun des clients n'a manifesté son désir de se rétracter dans le délai de 7 jours, de la remise de plusieurs chèques qui ne sont pas des instruments de crédit mais des instruments de paiement.

Les manœuvres auxquelles se sont livrés les démarcheurs de la société X les ont ainsi placés dans une situation dans laquelle il leur devenait particulièrement difficile d'exercer le droit de rétractation que leur confère la loi. Ils ont donc été privés, dans une certaine mesure, de la possibilité d'exercer ce droit de rétractation.

En considérant que chacun des co-contractants de la société X avait subi un préjudice évalué à la somme de 2000 F sauf le cas particulier de Madame Etcheverry pour lequel ce préjudice a été fixé à la somme de 1 500 F ; le tribunal a fait une exacte appréciation de ce préjudice ; il convient, en conséquence, de confirmer sa décision sur les actions civiles des co-contractants de la société X.

Monsieur Yves Malaure sollicite en outre le bénéfice d'une allocation supplémentaire pour sa représentation en justice, qu'il convient de faire droit à cette demande et de le lui allouer une somme de 2 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'encontre de Jean-Luc Y, de l'indivision Baissas, de Jules Roussel, l'arrêt contradictoire devant être signifié à Ruth Bernard, Henri Boissinot, René Carle, Pascal Cassier, Gisèle Chauvat, Jean-Michel Colin, Bernard Courregelongue, Françoise Dalmau, José de Almeida, Madame Dorly Duprat Schneider, Madame Etcheverry, Marie-Laure Fichou, Agnès Guiot du Doignon, Micheline Hanot, Manuel Lecerf, Brigitte Madimier, Caterina Mangili, Anne-Marie Maurines, Danielle Meyer, Jean-Marc Monnoir, Augustin Orcibal, L'Organisation Générale des Consommateurs, Elisabeth Pech, Pascal Thivel, Roland Verbrugge, par défaut à l'encontre de Jacqueline Brevi et en dernier ressort. Reçoit Jean-Luc Y et le Ministère public en leurs appels d'un jugement rendu par le Tribunal correctionnel du Toulouse le 07/12/1988. Sur l'action publique Confirme cette décision tant sur la déclaration de culpabilité que sur la peine (20 000 F d'amende, publication contenant l'exposé complet de la qualification dans la " Dépêche du Midi ", édition de Toulouse, coût : 2 500 F). Sur les actions civiles Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Condamne Jean-Luc Y à payer une somme de 2 000 F à Yves Malaure sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. La présente décision est assujettie à un droit de procédure d'un montant de 800 F dont chaque condamné est redevable. Fixe la contrainte par corps, s'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 750 du Code de procédure pénale ; Le tout en vertu des textes sus-visés.