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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 2, 6 mai 1999, n° 95-03740

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

France Télévision Satellite (Sté), Sautarel (ès qual.), SCP Silvestri Baujet (ès qual.)

Défendeur :

Banque Sofinco (Sté), Darriet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ville (faisant fonction)

Conseillers :

M. Parant, Mme Lacoste: Avoués : SCP Rodon, SCP De Ginestet-Duale, SCP Longin

Avocats :

Mes Trassard, Bordenave, Lorreyte-Heuty.

TI Dax, du 29 juin 1995

29 juin 1995

Vu le jugement rendu le 29 juin 1995 par le Tribunal d'instance de Dax qui a exposé le litige et les moyens des parties et a statué en ces termes:

Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer,

Prononce aux torts de la société France Télévision Satellite la nullité du contrat de vente du 11 mai 1994 la liant à Mme Darriet,

Dit que Mme Darriet devra tenir le matériel vendu à la disposition de cette société durant les deux mois suivant la signification de ce jugement et que, passé ce délai, la société France Télévision Satellite sera déchue de tout droit de propriété sur ledit matériel.

Prononce par application de l'article L. 311 du Code de la consommation la nullité du contrat de prêt liant depuis le 10 mai 1994 la société Sofinco à Mme Darriet,

Condamne la société prêteuse à restituer à Mme Darriet l'intégralité des sommes perçues depuis cette date.

Condamne la société France Télévision à verser à Mme Darriet la somme de 1 500 F au titre des frais irrépétibles,

Déboute les parties de leurs plus amples demandes,

Condamne la société France Télévision Satellite aux dépens.

Vu l'appel de la société France Télévision Satellite.

Vu les conclusions de la société France Télévision Satellite en date du 2 novembre 1995, tendant à:

Réformer le jugement du Tribunal d'instance de Dax du 29 juin 1995 dont appel,

A titre principal,

Ordonner la communication aux débats de l'enquête menée par M. le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Dax,

A défaut dans l'attente de cette enquête surseoir à statuer,

A titre subsidiaire,

Débouter Mme Darriet de l'ensemble de ses demandes,

Condamner Mme Darriet à payer la somme de 5 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La condamner aux dépens dont distraction au profit de la SCP Rodon, avoué.

Vu les conclusions complémentaires du 3 mars 1997 dans lesquelles la société France Télévision Satellite fait constater que l'instance pénale engagée par Mme Darriet a fait l'objet d'un classement sans suite.

Vu les conclusions de cette même société en date du 21 janvier 1998 faisant connaître la procédure de redressement judiciaire la concernant et indiquant qui ni Mme Darriet, ni la société Sofinco n'ont déclaré leur créance et qu'en conséquence leurs créances éventuelles sont éteintes.

Vu les conclusions complémentaires de cette société le 11 février 1998.

La société France Télévision Satellite critique la décision attaquée aux motifs que:

- l'erreur de date portée sur le contrat de crédit est involontaire et ne constitue pas une manœuvre tendant à réduire le délai de rétractation;

- le contrat est conforme aux exigences de l'article L. 121-23 du Code de la consommation.

Elle ajoute que le prix pratiqué n'est nullement exorbitant compte tenu de la qualité du matériel et des garanties offertes.

En réponse aux arguments de Mme Darriet, elle soutient que:

- le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux versé aux débats n'est pas définitif et ne concerne pas le cas de Mme Darriet;

- le bon de commande est signé par Mme Darriet et au verso figure l'extrait de la loi du 22 décembre 1972;

- la preuve que le contrat a été antidaté n'est pas rapportée;

- le prix est correct compte tenu des garanties offertes.

Vu les conclusions de Mme Darriet en date des 25 juin 1996, 18 mars 1997, 16 septembre 1997, 18 novembre 1997 et 30 juin 1998, dans lesquelles elle sollicite la confirmation du jugement attaqué ainsi que la condamnation in solidum de la société France Télévision Satellite, de Maître Sautarel et la SCP Silvestri Baujet, èsqualités, et de la Banque Sofinco, au paiement d'une indemnité complémentaire de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Mme Darriet se réfère à la motivation des premiers juges sur la violation des règles d'ordre public en matière de démarchage à domicile.

Elle ajoute au vu du jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Bordeaux en date du 3 mars 1997 que les faits dont elle a été victime constituent une pratique générale suivie par cette société.

Elle précise enfin qu'elle n'a pas à déclarer sa créance au passif de la société France Télévision Satellite puisqu'elle ne forme pas de demande en paiement.

Vu les conclusions de la Banque Sofinco en date des 29 février 1996 et 2 novembre 1998.

Elle conclut en ces termes:

- au principal, condamner la société France Télévision Satellite à garantir la Sofinco à hauteur du montant du prêt en application de l'article L. 311-22 du Code de la consommation et à 10 000 F à titre de dommages et intérêts;

- au subsidiaire, condamner Mme Darriet au paiement d'une somme de 17 679,27 F outre intérêts au taux de 17,44 % à dater du 6 février 1996 jusqu'au complet paiement;

- condamner la partie qui succombe à verser une somme de 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle ajoute que ce n'est qu'à compter de l'arrêt à intervenir qu'elle deviendra créancière de la société France Télévision Satellite;

Qu'en conséquence, elle soutient que cette société lui oppose à tort les dispositions de l'article 53 de la loi du 25 janvier 1985;

Elle demande enfin à n'être condamnée ni sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ni aux dépens, elle-même n'étant pas à l'initiative de la procédure d'appel.

Motifs de la décision:

- Sur la nullité du contrat de vente et du contrat du crédit

Attendu que démarchée à domicile, Mme Darriet, âgée de 72 ans a signé le 11 mai 1994 un bon de commande proposé par la société France Télévision Satellite concernant du matériel pour un prix global de 12 500 F; que ce matériel a été acquis par crédit, l'offre de prêt étant datée du 10 mai 1994; que la date de livraison prévue au contrat est du 17 mai 1994.

Attendu que la société France Télévision Satellite reproche au premier juge d'avoir annulé la vente et prétend avoir satisfait aux exigences de la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile.

Attendu que la loi précitée codifiée à l'article L. 121-23 et suivants du Code de la consommation exige à peine de nullité que diverses mentions figurent au contrat;

Or, attendu que le bon de commande litigieux n'est pas conforme à la loi; qu'ainsi il n'indique pas le prix unitaire de chaque matériel commandé de sorte que toute comparaison de prix est interdite dans le délai de rétractation; qu'en outre le coût du crédit n'apparaît pas en l'absence de précision sur le taux effectif global de l'intérêt;

Que la date de livraison est prévue avant la fin du délai de rétractation; que le texte incomplet des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 est porté au verso du bon de commande en petits caractères presque illisibles;

Attendu que la présente demande en nullité du contrat n'est pas soumise aux dispositions de l'article 53 de la loi du 25 janvier 1985 (déclaration de créance);

Qu'ainsi c'est part une parfaite application du droit que le premier juge a annulé le contrat de vente et en conséquence également le contrat de crédit affecté à cette vente.

- Sur le recours de la Banque Sofinco à l'encontre de la société France Télévision Satellite :

Attendu que l'article L. 311-22 du Code de la consommation prévoit que " si la résolution judiciaire ou l'annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci pourra, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt ";

Attendu que la société France Télévision Satellite oppose à la Banque Sofinco la forclusion de l'action au motif qu'elle a fait l'objet d'un jugement de redressement judiciaire intervenu le 10 janvier 1996 et que la Banque Sofinco n'a pas déclaré sa créance.

Attendu que conformément à l'article 50 de la loi du 25 janvier 1985, tous les créanciers " dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture ", doivent déclarer leurs créances;

Attendu que doivent être déclarées toutes les créances antérieures même éventuelles;

Attendu que la créance de la Banque Sofinco à l'encontre du vendeur a pour origine la nullité du contrat de vente prononcé par le jugement dont appel, antérieurement au redressement judiciaire;

Qu'ainsi la Banque Sofinco aurait du déclarer sa créance en tant que créance éventuelle (compte tenu de la procédure d'appel).

Attendu que la Banque Sofinco reconnaît ne pas avoir déclaré sa créance et ne justifie pas d'une action en relevé de forclusion;

Qu'en conséquence, sa créance est éteinte.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, Rejette l'appel de la société France Télévision Satellite et l'appel incident de la SA Sofinco. Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions. Déclare forclose la demande en garantie de la Banque Sofinco. Déboute la Banque Sofinco de ses demandes. Condamne la société France Télévision Satellite ainsi que Maître Sautarel et la SCP Silvestri Baujet, ès qualités d'administrateur et de représentant des créanciers au redressement judiciaire de cette société, à payer à Mme Darriet la somme supplémentaire de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Les condamne aux dépens. Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, la SCP Longin et la SCP de Ginestet Duale, avoués, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont elles ont fait l'avance sans avoir reçu provision.