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Décisions

CA Rennes, 3e ch., 23 avril 1998, n° 97-00983

RENNES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Segondat

Conseillers :

MM. Buckel, Fontaine

Avocat :

Me Calvar.

TGI Nantes, ch. corr., du 11 avr. 1997

11 avril 1997

Rappel de la procédure:

Le jugement:

Le Tribunal correctionnel de Nantes, par jugement contradictoire en date du 11 avril 1997, pour:

Demande ou obtention de paiement ou d'accord avant la fin du délai de réflexion - démarchage,

a condamné B Patrick à 10 mois d'emprisonnement et à une amende de 20 000 F ainsi qu'à des réparations civiles.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

M. B Patrick le 14 avril 1997 à titre principal et sur les seules dispositions pénales.

M. le Procureur de la république, le 14 avril 1997 à titre incident

La prévention:

Considérant que B Patrick est prévenu:

- d'avoir sur le territoire national, depuis temps non couvert par la prescription, fait pratiquer des opérations de vente au démarchage à domicile en ayant obtenu ou exiger du client, directement ou indirectement, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, une contrepartie quelconque ou un engagement, et en ayant effectué des prestations de service de quelque nature que ce soit, en l'espèce, en ayant obtenu un paiement immédiat total ou partiel sous forme d'acomptes et en ayant livré le matériel acheté lors des ventes suivantes: (voir tableau ci-joint).

Fait prévu et réprimé par les articles 1er, 4, 5, 6 de la loi 72-1137 du 22 décembre 1972 applicable jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi 93-949 du 26 juillet 1993 relative au Code de la consommation et les articles L. 121-21, L. 121-26, L. 121-28, L. 121-29, L. 121-31 du Code de la consommation.

Faits prévus par les articles L. 121-28, L. 121-26 du Code de la consommation et réprimés par l'article L. 121-28 du Code de la consommation.

<EMPLACEMENT TABLEAU>

En la forme:

Considérant que les appels sont réguliers et recevables en la forme;

Au fond:

Considérant que pour l'exposé des faits, la cour se réfère au jugement qui en a fait un rappel exhaustif et détaillé.

Considérant qu'à l'époque où Patrick B dirigeait la SARL X ayant pour objet la commercialisation, la vente et l'entretien d'appareils de lutte contre l'incendie et plus particulièrement en 1990-1991-1992 et 1993, nombre de ses représentants pratiquant le démarchage à domicile n'ont pas respecté l'interdiction de recevoir un quelconque paiement avant l'expiration du délai de rétractation de 7 jours, obtenant immédiatement le paiement en liquide ou par chèque, ou un paiement échelonné au moyen de plusieurs chèques émis immédiatement ou bien encore un acompte et un crédit couplés ou un contrat de crédit seul et laissant souvent la marchandise commandée chez la personne démarchée le jour même de leur visite à domicile.

Considérant que les vendeurs entendus par les enquêteurs ont indiqué qu'ils avaient reçu des instructions de percevoir immédiatement l'intégralité du paiement, qu'ils devaient rendre compte tous les soirs du chiffre réalisé dans la journée, que chaque vendredi soir, ils étaient réunis par les responsables locaux dûment chapitrés sur la nécessaire rentabilité de leur activité, qu'au demeurant leur rémunération était basée sur des quotas de vente difficiles à atteindre, qu'ils n'avaient reçu aucune formation sur les dispositions légales relatives au démarchage à domicile et que ce n'est qu'en mai 1993, après la mise en examen du prévenu que des affiches avaient été envoyées dans toutes les agences locales rappelant les dispositions de la loi Scrivener.

Considérant que Patrick B avait pourtant en juin 1992 reçu une mise en garde de la DDCCRF mais s'était contenté de se plaindre de l'importance de sa société sans pour autant prendre les mesures qui s'imposaient.

Qu'entendu le 25 mai 1993, il avait indiqué qu'il n'était plus demandé d'argent immédiatement aux clients depuis cinq mois et avait mis en place un système de financement avec la société Sofinco.

Considérant toutefois que si l'essentiel des infractions a été commis en 1990, 1991 et 1992, l'analyse des plaintes montre que ces pratiques ont perduré en 1993 et à un moindre degré en 1995.

Considérant au demeurant que Patrick B ne conteste pas les faits reprochés mais fait valoir qu'il a été dépassé par l'ampleur de sa société qui traitait jusqu'à 150 000 factures par an et employait 372 salariés en 1992 et 466 en 1993, qu'il a rencontré de graves difficultés d'informatisation lesquelles ont désorganisé l'entreprise, que le nombre d'annulations de contrat enregistré par le service compétent atteste de sa volonté de respecter la loi et de l'efficacité des mesures prises par la direction, que le récapitulatif des notes de service rappelant au personnel le respect des dispositions légales et réglementaires prouve sa bonne foi, que le roulement très important de l'effectif des vendeurs a concouru aux difficultés d'encadrement et de surveillance et qu'il a pris des mesures préventives pour assurer le respect de la législation.

Mais considérant que par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont justement répondu:

- que l'extension de l'activité de l'entreprise ne peut excuser le non-respect des règles légales mais permettait au contraire de créer des services de contrôle interne qui s'imposaient;

- que le prévenu savait que les paiements immédiats étaient pratiqués comme le prouvent ses exigences, la date portée sur les chèques joints aux bons de commande, le nombre de contrats comportant un paiement immédiat, la généralisation de cette pratique et le nombre de plaintes;

- que les mentions relatives à la loi Scrivener portées sur les contrats de travail n'étaient que de pure forme, compte tenu des conditions de rémunération des vendeurs et des instructions données;

- qu'il n'est pas établi que des licenciements aient été prononcés pour non-respect de l'interdiction de recevoir un paiement avant l'expiration du délai légal;

- qu'averti par la DGCCRF il a poursuivi cette pratique au moins jusqu'en mai 1993.

Considérant qu'il doit être ajouté que les vendeurs n'ont pas reçu de véritable formation jusqu'en mai 1993, la plupart d'entre eux ayant été très brièvement initié par un vendeur plus ancien lui-même ignorant de la législation.

Considérant que les impératifs de rendement auxquels ils étaient soumis rapprochés pour certains des instructions reçues, pour d'autres de l'absence d'information sur les dispositions légales, établissent la volonté du prévenu de s'affranchir des obligations d'un dirigeant d'une société vivant du démarchage à domicile.

Considérant que ce n'est qu'à compter du 27 mai 1993 à l'initiative d'un administrateur ad hoc qu'ont été émises des circulaires rappelant les dispositions de la loi du 22 décembre 1972 et qu'a été mise en place une formation des VRP comportant une sensibilisation à cette loi; que ces instructions n'étaient assorties d'aucune menace de licenciement et que tien n'établit que sur les 82 licenciements prononcés du 1er décembre 1992 au 31 mai 1996 pour abus de faiblesse, détournement de fonds, facturations non causés certains aient été en relation avec la perception de fonds avant l'expiration d'un délai de 7 jours.

Considérant par ailleurs que les annulations de contrats enregistrées par le service des réclamations n'excluent pas la souscription parallèle de contrats avec versement immédiat de fonds, ainsi qu'en atteste le très grand nombre de contrats visés à la prévention lesquels prouvent le caractère systématique, au moins en 1990, 1991, 1992 et 1993 du procédé de versement immédiat.

Qu'au demeurant la persistance des plaintes après le 27 mai 1993, date de la première circulaire établit un manque de suivi du gérant que sa charge de travail et l'expansion prise par l'entreprise ne dispensaient pas d'un réel contrôle.

Qu'il est ainsi établi que Patrick B a fait pratiquer des opérations de vente au démarchage à domicile en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-6 du Code de la consommation.

Considérant que l'ampleur du procédé utilisé, la totale connaissance par le prévenu des risques encourus, le choix délibéré d'une logique de rendement et de profit faisant fi de la réglementation et la méconnaissance qu'il traduit du respect du consommateur (d'ailleurs essentiellement choisi parmi les retraités davantage vulnérables) justifient le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme doublée d'une amende, peines dont les premiers juges ont exactement apprécié le quantum.

Par ces motifs; LA COUR: Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement et contradictoirement, En la forme: Reçoit les appels, Au fond: Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions. Prononce la contrainte par corps, La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné. Le tout par application des articles susvisés, 800-1, 749 et 750 du Code de procédure pénale.