Ministre de l’Économie, 30 septembre 2002, n° ECOC0300166Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseil de la société Sagem
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maître,
Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 26 août 2002, vous avez notifié le projet d'acquisition des activités monétiques (" Electronic Transactions ") d'Ascom Holding AG et de ses filiales par la société Sagem SA. Cette acquisition a été formalisée par un contrat signé le 17 juillet 2002.
I. - les parties et l'opération
Sagem SA est une société cotée, dont 40,91% du capital est détenu par la société COFICEM. Cette dernière, dont l'unique objet est la gestion d'un portefeuille d'actions de Sagem SA, possède 64 % des droits de vote au sein de Sagem SA. Le personnel et la direction de Sagem SA détiennent actuellement [>50] % du capital de COFICEM (correspondant à environ [>50] % des droits de vote). Les autres principaux actionnaires de Sagem SA sont la Caisse des dépôts et consignations (3,97 % du capital) et la COGEMA (5,1 % du capital). Cette dernière détient par ailleurs [< 20] % du capital de la COFICEM.
Sagem SA est à la tête d'un groupe (ci-après " Sagem "), dont les activités sont regroupées au sein de deux branches : la branche communications et la branche défense.
La branche communications comprend notamment la fabrication de téléphones mobiles (GSM, DCS, PCS), de téléviseurs numériques, de fax, de terminaux Internet. Sagem est également présent dans les domaines des réseaux, des câbles d'énergie et de télécommunications, ainsi que des compteurs électroniques dotés de logiciels évolutifs.
La branche défense comprend la construction de systèmes inertiels, de systèmes optroniques, de terminaux biométriques, de commandes de vol d'hélicoptères et d'optiques spatiales. Sagem entend intégrer dans cette branche l'activité monétique acquise auprès d'Ascom.
Sagem a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires total consolidé de plus de 3 037 millions d'euros, dont 2 430 millions dans l'Union européenne et 1 437 millions en France.
Ascom Holding Ltd, société de droit suisse, est à la tête d'un groupe (ci-après " Ascom ") actif dans le secteur de l'intégration des systèmes. Le groupe a récemment réorganisé ses activités en 5 divisions stratégiques : services intégrés, communications d'entreprise, nouvelles technologies, systèmes d'énergie et enfin la division de coopération (" Cooperation Division "). Cette dernière regroupe les autres activités, parmi lesquelles les activités monétiques, dont le groupe souhaite à terme se séparer. Les activités monétiques du groupe sont principalement intégrées dans deux filiales : la filiale française Ascom Monétel SA et la filiale danoise Ascom Danmark A/S.
Dans le cadre de ses activités monétiques, Ascom conceptualise, développe, fabrique et commercialise des terminaux et systèmes de paiement et de transfert de fonds électronique ainsi que les applications afférentes.
Les activités monétiques cédées par Ascom emploient environ 160 personnes (dont 100 en France), et ont généré en 2001 un chiffre d'affaires total de près de [...] millions d'euros, dont [...] millions dans l'Union européenne et [>15] millions en France.
En vertu du contrat d'achat précité, les filiales Ascom Monétel SA et Ascom Danmark A/S doivent transférer leurs activités monétiques à des filiales locales que Sagem doit acquérir. Selon le contrat, Sagem doit également acquérir les actifs relatifs aux activités monétiques des filiales espagnole, mexicaine et britannique d'Ascom. Toutefois, l'unité de production française d'Ascom ne sera pas transférée, dans la mesure où elle fabrique des produits pour d'autres branches d'activité du groupe Ascom. Aussi, Ascom et Sagem envisagent de signer un contrat de fabrication (cf. note 1), en vertu duquel Sagem s'engagerait à s'approvisionner pour une durée minimale de [...] ans auprès de l'unité de production d'Ascom, et [...] (cf. note 2) .
L'opération constitue ainsi une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du du Code de commerce en ce qu'elle entraîne le transfert partiel d'actifs du groupe Ascom au profit exclusif de Sagem.
Compte tenu des chiffres d'affaires précités, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. - la définition des marchés
Vous estimez qu'il convient de distinguer sept marchés de produits concernés par l'opération examinée : les marchés (1) des téléphones portables GSM monétiques, (2) des terminaux et bornes de lecture de cartes de santé, (3) des modules de paiement intégrés aux automates (4) des terminaux de saisie portable, (5) terminaux de prises de jeux, (6) des lecteurs de chèques et (7) des terminaux de paiement.
Vous estimez par ailleurs que ces sept marchés sont de dimension nationale.
1. Les téléphones portables GSM monétiques
Les téléphones portables GSM monétiques (ci-après " GSM monétiques ") constituent une sous-catégorie des téléphones portables traditionnels de deuxième génération, munis d'une fonction supplémentaire : un lecteur de carte de paiement, dont l'objectif est de pallier le manque de sécurité lors des transactions sur Internet. Ces appareils sont principalement destinés à des particuliers. En France, ces GSM monétiques permettent de payer en utilisant le compte bancaire identifié par la carte bancaire de l'utilisateur : le téléphone portable est ainsi utilisé uniquement comme moyen de communication entre l'utilisateur et sa banque.
La question peut être posée quant à une délimitation plus fine du marché, du fait notamment de l'existence d'au moins trois solutions techniques susceptibles de permettre un paiement sécurisé : (i) la solution adoptée par Sagem (addition d'un lecteur de carte de paiement) ; (ii) la création d'une nouvelle carte SIM (laquelle est insérée dans le GSM et comporte toutes les données télécom spécifiques de l'utilisateur), qui incorpore également les données bancaires de l'utilisateur (lesquelles figurent d'ordinaire sur une carte de paiement) ; ou (iii) la création d'une nouvelle carte bancaire de format carte SIM, qui serait insérée à l'intérieur du GSM à côté de la carte SIM.
Toutefois, au cas particulier, la question peut être laissée ouverte, dans la mesure où les activités monétiques d'Ascom ne recouvrent pas le paiement sécurisé et où, quelle que soit la définition de marché retenue, les conclusions demeureront inchangées.
Pour les mêmes raisons, il n'est pas nécessaire de préciser la dimension géographique du marché des GSM monétiques.
2. Les terminaux et bornes de lecture de cartes de santé
Les terminaux en question sont capables de lire la carte de santé du patient (carte " Vitale " en France) et la carte du professionnel de santé. Ils présentent la particularité de permettre une lecture simultanée de ces deux cartes. Ainsi, ils lisent certaines données médicales et personnelles sur le patient, ils transmettent les feuilles de soins électroniques et ils assurent également la lecture de cartes bancaires permettant le paiement des honoraires du professionnel de santé.
La France est l'un des premiers pays européens à avoir introduit un tel système, notamment par la création de la carte de santé " Vitale " (cf. note 3).
Par ailleurs, il existe des bornes permettant aux individus de mettre à jour leur dossier auprès de leur caisse locale par simple insertion de leur carte d'assurance maladie dans ladite borne. En France, l'ensemble du réseau des caisses d'assurance maladie est, depuis 2001, équipé de ces bornes.
La question peut être posée quant à la distinction d'un marché des terminaux pour professionnels de santé, d'une part, et d'un marché des bornes, d'autre part. Toutefois, au cas particulier, la question peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la définition de marché retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
La spécificité du développement de ces produits en France laisse penser que le marché est plutôt de dimension nationale. Toutefois, au cas particulier, il n'est pas nécessaire de conclure définitivement sur ce point, dans la mesure où, quelle que soit la délimitation géographique retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
3. Les modules de paiement intégrés aux automates
Ces modules de paiement sont intégrés aux automates qui distribuent des produits alimentaires ou autres tels que, notamment, carburant et billetterie. Ils permettent la lecture de cartes de paiement et/ou de porte-monnaie électronique.
Il existe deux sortes de modules : le MPC30 et le MPC10. Le MPC30 est un module de paiement complètement intégré (comprenant un lecteur, un écran et un clavier) qui peut être inséré et connecté au sein d'un automate. Le MPC10 est un modèle plus ouvert, qui est intégré au cour de machines structurellement plus larges, et qui est capable de gérer des périphériques (écran, clavier, imprimante) qui sont déjà partie intégrante de l'automate.
La question peut être posée quant à la distinction d'un marché des modules MPC30, d'une part, et d'un marché des modules MPC10, d'autre part. Au cas particulier, la question peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la définition de marché retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
Pour la même raison, la question de savoir si le ou les marchés concernés sont de dimension nationale ou supranationale peut être laissée ouverte.
4. Les terminaux de saisie portable
Les terminaux de saisie portable sont de petits appareils utilisés pour relever des données soit par encodage, soit par lecture optique. Les applications sont diverses, telles que, notamment, relevé des compteurs d'énergie électrique, relevé de stocks, prises de commandes dans un restaurant.
La question peut être posée quant à la distinction de plusieurs marchés selon, notamment, les différentes applications qui sont faites de ces terminaux. Toutefois, au cas particulier, la question peut être laissée ouverte, dans la mesure où, quelle que soit la définition de marché retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
Pour la même raison, la question de savoir si le ou les marchés concernés sont de dimension nationale ou supranationale peut être laissée ouverte.
5. Les terminaux de prise de jeux
Les terminaux de prise de jeux ont pour fonction d'enregistrer la participation des utilisateurs aux jeux de hasard, de délivrer des tickets et d'identifier les gagnants de ces jeux.
Au cas particulier, il n'est pas nécessaire de délimiter avec précision la dimension géographique de ce marché dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
6. Les lecteurs de chèques
Les lecteurs de chèques sont des lecteurs optiques utilisés pour la lecture et le traitement de chèques bancaires. Trois grandes catégories de clients utilisent ce type d'appareil : (1) la grande distribution, qui utilise des caisses enregistreuses avec lecteurs intégrés ; (2) les agences bancaires locales, qui utilisent un système semblable à celui de la grande distribution ; (3) les petits commerçants, qui utilisent des lecteurs qui leur sont adaptés.
La question d'une définition de plusieurs marchés, visant notamment à distinguer un marché des lecteurs optiques utilisés par les petits commerçants, peut être posée. Toutefois, la question peut être laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la définition de marché retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
Pour les mêmes raisons, la question de savoir si le ou les marchés concernés sont de taille nationale ou supranationale peut être laissée ouverte.
7. Les terminaux de paiement
Les terminaux de paiement électronique permettent d'effectuer des paiements au moyen d'une carte de paiement émise par un organisme financier.
On distingue traditionnellement deux types de cartes : d'une part, les cartes à " puce ", qui nécessitent l'usage d'un du Code " PIN " et qui sont munies d'une puce électronique, et, d'autre part, les cartes à " piste ", dotées d'une bande magnétique. Le système de la carte à puce offre une plus grande sécurité des transactions et permet de limiter les coûts téléphoniques pour les commerçants utilisateurs de terminaux. Alors qu'en France ne sont commercialisés que les terminaux pouvant lire les deux types de carte, la plupart des autres pays n'utilisent que des terminaux lisant uniquement les cartes à piste.
On peut par ailleurs distinguer deux types de terminaux de paiement : (1) les terminaux traditionnels (" filaires "), reliés aux prises téléphoniques par un fil et (2) les terminaux portables (sans fil). Au sein de cette seconde catégorie de terminaux portables, plusieurs technologies sont utilisées : les systèmes (i) infrarouge, (ii) radio et (iii) GSM.
Ces deux catégories de terminaux correspondent en principe à des besoins différents : ainsi, les terminaux portables ne sont utilisés en pratique que par des entreprises du petit commerce, tels que les restaurants.
On peut distinguer, pour ce qui concerne la France, trois grandes catégories de clients des fabricants : (i) le grand commerce, comprenant la grande distribution ainsi que les autres grands comptes comportant des sites multiples (par exemple les stations-service sous enseigne de société pétrolière) ; (ii) les banques ; (iii) les distributeurs de terminaux. Le petit commerce ne se fournit en terminaux de paiement qu'auprès des banques ou des distributeurs. Les banques représentent environ [40-50] % des achats de terminaux effectués à destination du petit commerce, les distributeurs représentant [...] de ces achats. Les banques mettent à disposition ou louent les terminaux auprès des commerçants. Les distributeurs, qui sont en général installateurs et réparateurs, peuvent revendre les terminaux soit directement aux commerçants, soit aux agences locales bancaires.
Par ailleurs, les terminaux utilisés par le grand commerce se distinguent de ceux utilisés par le petit commerce : les premiers sont des terminaux filaires sous forme de sous-ensembles à intégrer dans un système multiterminaux électronique plus important sur des sites multiples (supermarchés, stations-service), alors que les seconds, utilisés par le petit commerce, sont généralement des terminaux constituant des systèmes complets et autonomes, filaires ou sans fil.
Les ventes de terminaux destinés au petit commerce représentent [la majorité] des ventes totales de terminaux.
Les terminaux de paiement qui sont actuellement mis sur le marché en France sont tous munis d'une fonction de lecture et de recharge de cartes mixtes de porte-monnaie électronique, par le biais de l'installation d'un logiciel dit " Monéo ".
Eu égard à ces éléments, la question peut donc se poser quant à la distinction d'au moins deux marchés : d'une part, le marché des terminaux de paiement destinés au grand commerce et, d'autre part, le marché des terminaux de paiement destinés au petit commerce. Toutefois, la question peut être laissée ouverte dans la mesure où Ascom et Sagem ne vendent pas de terminaux au grand commerce et où, quelle que soit la définition de marché retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
En ce qui concerne la dimension géographique du ou des marchés concernés, on peut constater que des normes nationales spécifiques à chaque pays existent. Ainsi, en France, tout terminal de paiement doit, pour pouvoir être vendu, avoir été agréé au préalable par le GIE Cartes bancaires. Sur l'initiative de trois grands émetteurs internationaux de cartes (Visa, Master Card et Eurocard), il est prévu la mise en place de la norme commune EMV en matière de cartes bancaires. Les fabricants intervenant en Europe seront donc à même de fournir des terminaux compatibles dans tous les pays. Seuls le logiciel bancaire et les aspects sécuritaires garderont un caractère national. Toutefois, cette norme ne devrait entrer en vigueur en Europe que d'ici à 2005, et à partir de 2008 pour le reste du monde. En conséquence, bien que le ou les marchés concernés soient appelés à acquérir une dimension au moins européenne, leur dimension géographique est pour l'heure encore nationale.
III. - analyse concurrentielle
De manière préliminaire, il convient de préciser que l'analyse concurrentielle sera circonscrite au cas d'espèce aux activités de Sagem, dans la mesure notamment où aucun actionnaire autre que COFICEM n'exerce une influence déterminante sur cette entité, et que COFICEM elle-même est contrôlée exclusivement par des salariés et cadres de Sagem.
Compte tenu de la participation capitalistique de la COGEMA, elle-même contrôlée de manière exclusive par le groupe AREVA, on pourrait s'interroger sur la question de savoir si celle-ci exerce sur Sagem une influence déterminante. Cependant, compte tenu notamment des éléments suivants, il convient d'exclure toute influence déterminante de AREVA sur Sagem à l'heure actuelle.
La COGEMA, qui dispose de 5,1 % du capital de Sagem et 19,8 % de celui de la COFICEM, ne bénéficie d'une minorité de blocage dans aucune de ces deux entités, et ne dispose d'aucune influence déterminante sur les organes décisionnaires de ces entités. La présence du président-directeur général d'AREVA au sein du conseil de surveillance n'est pas de nature à remettre en cause cette analyse dans la mesure où, notamment, les décisions du conseil de surveillance, dont chacun des 9 membres dispose d'une voix, sont prises à la majorité simple. La COGEMA ne dispose par ailleurs d'aucun droit de veto spécifique (notamment sur l'approbation du budget ou du plan stratégique de l'une de ces deux entités, ou encore sur la nomination des cadres dirigeants). De manière générale enfin, aucun élément de droit (en particulier les pactes d'actionnaires relatifs à Sagem et à COFICEM, ou leurs statuts respectifs) ou de fait ne permet de présumer que certains actionnaires agiront de manière concertée ou coordonnée avec la COGEMA, lui permettant ainsi de bénéficier d'un contrôle conjoint sur Sagem.
Le fait enfin que AREVA soit un industriel présent dans le secteur de l'électronique n'apparaît pas de nature à contredire cette analyse dans la mesure où les autres actionnaires sont, eux aussi, des investisseurs industriels, alors qu'aucun élément de droit ne vient conférer à AREVA (via la COGEMA) un quelconque droit spécifique sur Sagem.
1. Les GSM monétiques
Ascom ne fabrique pas de GSM monétiques. L'opération ne donne donc lieu à aucun chevauchement d'activité.
Toutefois, il peut exister des cas où une opération, bien que n'entraînant pas de chevauchement sur un marché, puisse avoir pour conséquence la disparition d'un concurrent potentiel sur ledit marché. Dès lors que l'une des entreprises concernées serait déjà significativement présente sur le marché concerné, il conviendrait d'examiner si la disparition d'un concurrent potentiel ne serait pas susceptible de porter atteinte à la concurrence.
Une entreprise concernée pourrait notamment être considérée comme un concurrent potentiel sur un marché donné si elle possède, ou peut acquérir dans un laps de temps raisonnable, les moyens nécessaires (techniques et commerciaux) pour pénétrer le marché avec une envergure suffisante dans un laps de temps assez rapide.
Au cas particulier, il peut être observé que Sagem, qui représente [80-90] % des ventes de GSM monétiques en France, a une position très forte sinon dominante sur ce marché. Il est donc légitime de se demander si Ascom, qui n'exerce pas cette activité, n'était pas un concurrent potentiel en matière de GSM monétiques.
A la lumière des critères développés plus haut, il apparaît qu'Ascom ne possède pas le savoir-faire technique requis par les GSM monétiques et qu'en tout état de cause, compte tenu du faible volume de ce marché, par ailleurs en stagnation, Ascom n'aurait pas eu intérêt à consentir les investissements requis pour rentrer sur le marché. Ascom ne peut donc être considéré comme un concurrent potentiel.
En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché, notamment par disparition d'un concurrent potentiel.
2. Les terminaux et bornes de lecture de cartes de santé
L'opération ne donne pas lieu à chevauchement, dans la mesure où Sagem n'exerce pas cette activité. Toutefois, la part d'Ascom dans les ventes de ces produits est très forte en France : elle est de [50-60] % pour les terminaux destinés aux médecins et pharmaciens, devant Thalès et Ingénico qui représentent environ [10-20] % des ventes chacun, et de 100 % pour les bornes de lecture des caisses d'assurance maladie.
Il convient donc d'examiner si Sagem n'était pas un concurrent potentiel en matière de terminaux et bornes de lecture de cartes de santé.
A cet égard, on peut noter que Sagem avait manifesté sa volonté de pénétrer le secteur des terminaux de lecture de cartes de santé puisqu'il avait participé, sans succès, à l'appel d'offre initial lancé par la CNAM et le GIE Sésame Vital en 1996. Les parties font observer que Sagem n'a pas participé aux autres appels d'offres qui ont suivi. En tout état de cause, il n'est pas nécessaire de trancher la question de savoir si Sagem constituait un concurrent potentiel, dans la mesure où il existe d'autres concurrents significatifs, tels que Thalès et Ingénico, qui ont accru leurs parts de marché ces dernières années, et ce dans un contexte où les ventes des produits en cause sont appelées à se développer fortement tant en France que dans d'autres pays. Ainsi, en France seulement 30 à 35 % des professionnels de santé (médecins, pharmaciens) sont équipés de terminaux. En outre, ce marché se caractérise par un fort pouvoir de négociation de la demande, qui est fortement concentrée.
Si l'on devait segmenter de manière plus fine le marché en distinguant les bornes de santé, la question de savoir si Sagem constituait ou non un concurrent potentiel sur cet éventuel marché peut être laissée ouverte dans la mesure où il subsiste un nombre important de concurrents potentiels sur ce marché, sur lequel il n'y a eu à ce jour qu'un seul appel d'offres, remporté par Ascom.
En conséquence, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement d'une position dominante au profit de Sagem sur le marché des terminaux et bornes de lecture de cartes de santé.
3. Les modules de paiement intégrés aux automates
Contrairement à Ascom, Sagem n'exerce pas cette activité. Ascom a une part de marché d'environ [10-20] % en France. Cette part est à peu près du même ordre de grandeur que celle de chacun des autres principaux concurrents(Ingénico, Thalès, Money Line et Schlumberger ont des parts comprises entre 15 % et 25 %).
En conséquence, l'opération de concentration n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur ce marché, notamment par création ou renforcement d'une position dominante au profit de Sagem.
4. Les terminaux de saisie portable
L'opération ne donne pas lieu à addition de parts de marché puisque seul Ascom fabrique ces terminaux avec de plus une présence assez faible (moins de [0-10] % du total des ventes en France).
En conséquence, l'opération de concentration n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence en matière de terminaux de saisie portable, notamment par création ou renforcement d'une position dominante au profit de Sagem.
5. Les terminaux de prise de jeux
Ascom ne vend pas de tels terminaux. Sagem en vend en France, au Canada et aux Etats-Unis. Il n'y a donc pas d'addition de parts de marché. Sagem a remporté le dernier appel d'offres de la Française des jeux et doit livrer les terminaux de l'ensemble du réseau jusqu'en [...]. En revanche, Sagem ne fournit pas de terminaux pour le PMU.
Sagem représente moins de [0-10] % des ventes en Europe et moins de [0-10] % des ventes au niveau mondial. Il existe de nombreux autres concurrents étrangers.
En France, les clients sont des monopoles légaux (Française des jeux, PMU) qui ont une puissance de négociation importante, et ce dans un contexte où il existe plusieurs autres concurrents dont le principal est G-Tech ([40-50] % des ventes en Europe et dans le monde).
En conséquence, l'opération de concentration n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché des terminaux de prise de jeux, notamment par création ou renforcement d'une position dominante au profit de Sagem.
6. Les terminaux de lecture de chèques
Sagem et Ascom fabriquent et vendent des terminaux de lecture de chèques. Ils ne sont cependant présents que sur la vente de terminaux dédiés aux petits commerçants. Si l'on devait retenir un marché des terminaux de lecture de chèques dédiés aux petits commerçants, la part combinée de la nouvelle entité serait d'environ [0-10] % en France ([0-10] % pour Sagem et [0-10] % pour Ascom). Il existe des concurrents puissants ou significatifs sur ce marché, tels qu'Ingénico ([40-50] % des ventes en France), Money Line ([20-30] % des ventes en France) ou Thalès (environ [0-10] % des ventes en France).
En conséquence, l'opération de concentration n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché des terminaux de lecture de chèques, notamment par création ou renforcement d'une position dominante au profit de Sagem.
7. Les terminaux de paiement
Sagem et Ascom fabriquent et vendent tous les deux des terminaux de paiement destinés uniquement au petit commerce.
Globalement, sur ce segment en France, l'opération a pour effet de réunir le deuxième opérateur (Ascom : [20-30] % des ventes) avec le troisième (Sagem : [0-10] % des ventes). La nouvelle entité est ainsi proche du leader qui est Ingénico ([30-40] % des ventes). Il existe d'autres concurrents significatifs, dont certains sont des groupes européens importants tels que Schlumberger ([10-20] % des ventes) et Thalès ([0-10] % des ventes).
Si l'on devait retenir une segmentation plus fine des terminaux destinés au petit commerce, en distinguant le marché des terminaux filaires et le marché des terminaux portables, la nouvelle entité détiendrait sur chacun de ceux-ci des parts de marchés (de [30-40] %) voisines du concurrent le plus important (Ingénico), devant notamment Schlumberger et Thalès.
Une segmentation encore plus fine qui porterait sur les terminaux portables ferait apparaître un chevauchement uniquement sur le marché des terminaux utilisant la technologie radio. Sur ce marché, qui représente [30-40] % des ventes de terminaux portables, la nouvelle entité aurait une part de marché combinée de [20-30] % ([10-20] % pour Sagem et [0-10] % pour Ascom), derrière Thalès ([30-40] %) et devant Ingénico ([10-20] %).
Face aux fabricants, les banques ont un pouvoir de référencement et de négociation importants.
Ainsi, en premier lieu, un terminal ne peut être acheté en France que s'il a été préalablement agréé par le GIE Cartes Bancaires qui est contrôlé par les banques.
En deuxième lieu, le processus de référencement des terminaux agréés est organisé par les directions centrales des banques, qui préparent des catalogues de terminaux renouvelés tous les 1 à 2 ans environ. Ces catalogues présentent les produits qui ont été présélectionnés par chaque banque après des procédures d'appels d'offres. Les conditions de prix sont négociées au niveau des directions générales, qui sont donc à même de pouvoir obtenir des rabais en fonction de la quantité vendue anticipée.
En troisième lieu, lorsque les fabricants vendent leurs terminaux aux distributeurs, ces derniers s'appuient sur les catalogues bancaires pour composer leur propre catalogue de façon que les terminaux qu'ils proposent soient référencés par au moins une banque.
En outre, les trois principaux distributeurs français d'envergure nationale sont à même de détenir, indépendamment de l'intermédiation des banques, un pouvoir de négociation significatif puisqu'ils représentent plus de [50] % des ventes réalisées via les distributeurs (Solymatic : [10-20] % ; Cartes et Services : [20-30] % ; Sodifrance : [10-20] %).
Il ressort de ces éléments que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés. Je vous informe donc que j'autorise cette concentration.
Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale.
Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
NOTE (S) :
(1) A la date de la présente décision, les parties n'avaient pas encore signé le contrat de fabrication.
(2) [...].
(3) Certains pays tels que l'Allemagne et la Belgique ont récemment commencé à introduire des systèmes de cartes de santé similaires.