Cass. crim., 5 août 1997, n° 96-82.662
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
El Haïk
Défendeur :
Hauroo
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
M. Milleville (conseiller doyen, faisant fonction)
Conseiller Rapporteur :
Mme Ferrari
Avocats généraux :
M. Dintilhac,
Conseillers :
de la chambre : MM. Roman, Schumacher, Martin, Aldebert
Avocats :
Me Foussard, SCP Boré, Xavier.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par El Haïk Denis, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 9e chambre, du 13 mai 1996, qui, pour abus de faiblesse et infraction à la législation sur le démarchage à domicile, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 513, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que la cour d'appel a condamné Denis El Haïk à une peine d'emprisonnement assortie du sursis et de la mise à l'épreuve et a accordé à M. et Mme Hauroo la somme de 100 000 F au titre de l'action civile ;
" alors que le prévenu, s'il n'est pas demandeur, ne peut avoir la parole avant le ministère public et la partie civile, peu important qu'il ait, ultérieurement, la parole le dernier ; que Denis El Haïk et Me Gambier, son avocat, ont exposé leurs moyens de défense et leur plaidoirie avant les réquisitions de l'avocat général et la défense des parties civiles ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé l'article 513 du Code de procédure pénale" ;
Attendu, que l'irrégularité invoquée n'est pas de nature à porter atteinte aux intérêts du prévenu, dès lors qu'il a eu, avec son avocat, la parole le dernier ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles L. 121-26, L. 121-28, L. 122-8 du Code de la consommation, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;
" en ce que Denis El Haïk a été condamné à une peine d'emprisonnement d'un an avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans, et a été condamné à payer la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts aux époux Hauroo ;
" aux motifs que le 8 août 1993, Denis El Haïk s'est présenté au domicile des époux Hauroo en vue de leur proposer la vente des produits et services de la société Confort plus ; que ce jour, il a promis de leur livrer une cheminée gratuite ; que les époux Hauroo ont établi un bon de commande de 94 000 F TTC, sans préciser le montant hors taxe ; que le prix n'était pas détaillé et ne précisait pas le coût de la pose et de la main d'œuvre qui, selon accord des parties, était inclus dans le prix de 94 000 F TTC ; qu'à titre d'acompte, M. et Mme Hauroo ont remis à Denis El Haïk une chèque de 20 000 F, qui leur a été restitué en échange de deux chèques de 10 000 F chacun que Denis El Haïk a mis à l'encaissement les 4 et 30 septembre 1993 ; que par ailleurs, il s'est fait fort d'obtenir un prêt de neuf ans destiné à financer les travaux ; qu'il a obtenu auprès de la banque PKO un prêt sur une durée de six ans, qui a été accepté par les époux Hauroo le 16 août 1993 ; que le 8 septembre 1993, la société Confort Plus a livré une partie du matériel acheté ; que les époux Hauroo ont signé une facture d'un montant de 94 000 F TTC ;
qu'après avoir apposé sur cette facture la mention " hors pose ", Denis El Haïk a obtenu de la banque PKO le paiement du prêt ; qu'ainsi, Denis El Haïk a abusé de la faiblesse ou de l'ignorance des personnes démarchées, puisque les époux Hauroo sont d'origine mauricienne, maîtrisant mal la langue française et se trouvant dans la nécessité urgente de faire isoler et aménager les combles avant l'hiver, puisque Mme Hauroo, déjà mère d'un enfant en bas âge et asmathique, était enceinte de huit mois ; qu'ainsi, les époux Hauroo, lorsqu'ils ont été démarchés, se trouvaient dans un état de faiblesse et d'ignorance ne leur permettant pas d'apprécier la portée de leurs engagements et de déceler les ruses et artifices déployés par Denis El Haïk, notamment en leur promettant une cheminée qui n'a jamais été livrée et en rédigeant un bon de commande, volontairement imprécis, ne laissant pas clairement apparaître que la société Confort plus assurerait, pour le prix de 94 000 F TTC, non seulement la fourniture de matériaux, mais encore la réalisation des travaux; qu'en outre, Denis El Haïk a perçu un acompte au mépris des dispositions de l'article L. 121-26 du Code de la consommation ;
" alors que, premièrement, seul l'encaissement d'un chèque remis avant l'expiration du délai de réflexion relève de l'article L. 121-26 du Code de la consommation; que Denis El Haïk a reçu un chèque de 20 000 F à titre d'acompte le 8 août 1993, date à laquelle il s'est rendu chez M et Mme Hauroo ; qu'il a restitué ce chèque et qu'à la demande de ses clients, Denis El Haïk a remis à l'encaissement deux chèques, les 4 et 30 septembre suivants; qu'en décidant pourtant qu'il est coupable de la remise de l'acompte litigieux au cours du délai de réflexion, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors que, deuxièmement, la ruse et les artifices propres à l'abus de faiblesse ou ignorance de personnes démarchées reposent sur l'intention de tromper; que Denis El Haïk, gérant de la société Confort plus, s'est engagé à livrer une cheminée gratuitement en vue de l'aménagement du logement de M et Mme Hauroo ; qu'en relevant que la société Confort plus a été placée en redressement judiciaire, et qu'ainsi l'inexécution de cette promesse n'est pas imputable à Denis El Haïk, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence des manouvres susvisés ;
" et alors que, troisièmement, le fait d'établir un devis total de 94 000 F TTC, incluant toutes les prestations et matériels à fournir et livrer ne constitue pas en soi une ruse ou un artifice animé de l'intention de tromper; que faute de mieux s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'au mois d'août 1993, Denis El Haïk, gérant de la société Confort Plus, après avoir à plusieurs reprises rendu visite aux époux Hauroo, leur a fait signer à leur domicile, en leur promettant la livraison gratuite d'une cheminée, un bon de commande relatif à l'aménagement des combles de leur habitation pour le prix de 94 000 F;qu'il est poursuivi pour abus de faiblesse et perception d'un acompte en méconnaissance de la législation sur le démarchage à domicile, délits prévus par les articles L. 121-28 et L. 122-8 du Code de la consommation ;
Que, pour le déclarer coupable de ces infractions, les juges d'appel relèvent que madame Hauroo, en état de grossesse, et déjà mère d'un très jeune enfant asthmatique, et son mari, tous deux d'origine mauricienne et maîtrisant mal la langue française, se trouvaient dans la nécessité urgente d'isoler et d'agrandir leur maison avant l'hiver;qu'ils retiennent que, bien que le coût des travaux convenu entre les parties correspondît à l'installation complète, main d'œuvre comprise, le devis de 94 000 F signé par les clients lors du démarchage ne mentionnait qu'une liste des fournitures, sans détail de prix ;
Que les juges relatent que, l'entrepreneur, après avoir obtenu un crédit pour le compte de ses clients, a livré une partie des matériaux et émis une facture non détaillée de 94 000 F qu'il a fait signer en double exemplaire par le maître de l'ouvrage ; que, sur l'exemplaire destiné à l'organisme de crédit, il a ajouté, à l'insu de ses clients, la mention " hors pose ", de sorte qu'il a obtenu, sans avoir entrepris les travaux, le versement du montant du prêt avant d'être déclaré en liquidation judiciaire ;
Que les juges énoncent que les victimes, en état de faiblesse et d'ignorance, n'étaient pas en mesure de déceler les ruses ou artifices déployés par le prévenu lors du démarchage, relatifs à la promesse d'une cheminée et à l'ambiguïté du devis quant aux prestations convenues, pour leur faire signer la commande ;
Qu'ils ajoutent qu'en violation de l'article L. 121-26 du Code de la consommation, le prévenu s'est fait remettre par ses clients, le jour même de la signature de l'acte, un chèque d'acompte de 20 000 F qu'il leur a ensuite restitué contre remise de deux chèques de 10 000 F présentés au paiement à des dates différentes ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a caractérisé en tous leurs éléments les délits retenus à la charge du prévenu, dès lors, notamment, que la réception d'un chèque à titre d'acompte constitue une contrepartie dont l'exigence ou l'obtention avant l'expiration du délai de réflexion est interdite par l'article L. 121-26 du Code de la consommation ;
Que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.