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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 30 mars 2001, n° 00-01559

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Union fédérale des consommateurs "Que Choisir" de Brest

Défendeur :

Moving (SA), Lautiag (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Piperaud

Conseillers :

Mme Sabatier, M. Bohuon

Avoués :

Me Gautier, SCP Chaudet & Brebion

Avocats :

Mes Menguy, de Cadenet.

TGI Brest, du 9 sept. 2000

9 septembre 2000

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE

Par acte du 29 mai 1998, l'Union fédérale des consommateurs de Brest a fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Brest la SARL Lautiag et la SA Moving afin de voir dire et juger abusives les clauses 3, 4, 5, 7, 8 de leurs contrats d'abonnement et les articles 1, 2, 3 alinéa 2, 5, 7 alinéa 3 et 10 de leur règlement intérieur, de voir supprimer sous astreinte les clauses dans les contrats remis aux clients et imposés aux franchisés, d'obtenir l'affichage du jugement à intervenir et la condamnation des sociétés Lautiag et Moving à lui payer la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 50 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 9 février 2000, l'Union fédérale des consommateurs de Brest a été déboutée de ses demandes et a été condamnée à payer à chacune des sociétés assignées la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'Union fédérale des consommateurs de Brest a relevé appel.

En l'état des dernières conclusions signifiées le 14 novembre 2000 par les intimées et auxquelles il est fait renvoi pour l'exposé des moyens développés par les parties, il est demandé à la cour:

Par l'UFC de Brest:

- de réformer le jugement

- de faire droit à l'ensemble des demandes présentées devant le premier juge

- de condamner les intimées aux entiers dépens.

Par les sociétés Lautiag et Moving:

- de confirmer le jugement

- de condamner l'UFC aux dépens et à payer à la Société Moving la somme de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

MOTIFS

Considérant que de la comparaison des différents bordereaux de communication de pièces émanant des intimées, il résulte que les cinq pièces communiquées par ces parties le 23 janvier 2001 avaient déjà été produites et portées à la connaissance de l'appelante par bordereaux des 15 janvier 2001 et 18 septembre 2000; qu'il n'existe donc à cet égard pas de violation du principe du contradictoire et il n'y a dès lors pas lieu d'écarter des débats lesdites pièces;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-6 du Code de la consommation les associations agréées de consommateurs peuvent demander à la juridiction civile d'ordonner le cas échéant sous astreinte, la suppression de clauses abusives dans les modèles de conventions habituellement proposés par les professionnels aux consommateurs;

Que l'article L. 132-1 du même Code définit les clauses abusives comme étant celles qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, étant observé que pour encourir ce qualificatif, le déséquilibre doit, par application pure et simple de la force obligatoire des contrats, induire une situation illégitime.

Considérant qu'en l'espèce, l'Union fédérale des consommateurs "Que Choisir" de Brest dont la qualité d'association de défense des intérêts des consommateurs agréée au sens de l'article L. 421-1 et des articles R. 411-l et suivants du Code de la consommation, n'est pas discutée poursuit la suppression des clauses n° 3, 4, 5, 7 et 8 du contrat d'abonnement présenté par les sociétés Moving et Lautiag à leur clientèle et des articles 1, 2, 3 alinéa 2, 5, 7 alinéa 3, et 10 du règlement général annexé au contrat d'abonnement susvisé;

Considérant que la clause 3 du contrat stipule: "Je reconnais que mon abonnement m'ouvre droit à l'utilisation des installations au bénéfice des prestations énoncées ci-dessus. En cas de non-utilisation de mon propre fait je ne pourrais prétendre à une quelconque prorogation, ni à un quelconque remboursement (en cas de paiement comptant) ni à une interruption des mensualités (en cas de paiement à crédit)";

Que selon l'alinéa 5 de l'article L. 132-1 du Code de la consommation "sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du Code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre".

Que si en l'espèce le professionnel propose pour certains types d'abonnement de longue durée, la souscription d'une assurance interruption, qui permet le remboursement de la prestation non utilisée au prorata temporis en cas de réalisation de certains événements tels que le décès du consommateur, la maladie ou l'accident grave, la mutation professionnelle de ce dernier, c'est bien qu'en cas de non-souscription de cette assurance et de l'intervention de tels événements empêchant définitivement le consommateur de bénéficier des installations et prestations auxquelles son abonnement lui ouvre droit, il considère que ce dernier ne peut légitimement faire valoir ces circonstances pour mettre un terme au contrat et obtenir le remboursement de ce qu'il a payé sans contrepartie, et qu'en définitive "son propre fait" recouvre des situations qui lui sont personnelles, qu'elles soient ou non indépendantes de sa volonté;

Que cela étant la clause litigieuse en ce qu'elle tend à refuser au consommateur pour des événements certes propres à ce dernier mais qu'il ne pouvait ni prévoir ni éviter, la faculté de résilier de manière anticipée le contrat et d'obtenir le remboursement de la prestation non utilisée, constitue un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au préjudice du consommateur et doit donc être déclarée abusive;

Considérant que la clause 4 du contrat énonce: "Je reconnais expressément que le paiement de l'abonnement n'est pas lié à la fréquentation effective mais à la faculté d'user du droit de fréquentation, celle-ci étant non limitative et laissée à ma seule appréciation";

Que les intimées justifient que cette clause ne figure plus dans la nouvelle version du contrat d'abonnement soumis aux clients.

Que la demande de l'appelante tendant à sa suppression est donc sans objet.

Considérant que la clause n° 5 du contrat est ainsi rédigée: "Je reconnais avoir pris connaissance des conditions de remboursement exhaustivement prévues au contrat d'assurance interruption lié au seul abonnement bi-annuel et dont un exemplaire m'a été remis";

Que l'appelante ne démontre pas que le consommateur n'a pu effectivement prendre connaissance du contrat d'assurance avant de conclure le contrat d'abonnement et son affirmation est démentie par les termes mêmes de la clause que le consommateur déclare avoir lue et qu'il a approuvée.

Qu'au demeurant le contrat d'assurance se présente sur un document distinct et détaché du contrat d'abonnement et sa présentation est donc de nature à permettre sa consultation préalable et une souscription éclairée à ses clauses.

Qu'aucun abus ne peut dès lors être retenu à cet égard.

Considérant que la septième clause du contrat est ainsi libellée: "En l'absence de certificat médical dans les dix jours suivant mon adhésion, j'ai bien noté que l'assurance interruption sur les abonnements bi-annuels ne pourra être validée".

Que force est de constater que l'assurance interruption garantit des événements n'ayant aucun rapport avec l'état de santé du consommateur tels que la mutation professionnelle, le licenciement économique et la fermeture temporaire du club et de nature à avoir déterminé sa décision à la souscrire.

Qu'au motif que le consommateur n'aurait pas fourni dans un certain délai un certificat médical attestant de son aptitude à utiliser le matériel et les installations du Club, il est donc injuste qu'il ne voit pas l'assurance à laquelle il a demandé à adhérer, validée.

Qu'en raison de l'abus que crée cette clause entre les parties, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, étant observé que lorsque cette invalidation intervient le consommateur est engagé et ne peut plus se démettre, sa suppression doit être ordonnée.

Considérant que la clause n° 8 du contrat dispose: "Je déclare avoir pris connaissance du règlement général de Moving imprimé au verso du présent contrat, ainsi que du règlement intérieur affiché dans le club et y adhérer sans restriction ni réserve";

Que force est de constater que les critiques de l'appelante ne s'adressent qu'aux dispositions de cette clause relatives au règlement intérieur.

Qu'il résulte des termes mêmes de celle-ci que le consommateur en a pris connaissance avant de signer le contrat en sorte que c'est en toute connaissance de cause qu'il y adhère.

Qu'il n'est nullement établi par l'appelante que cette connaissance préalable est improbable voire impossible.

Qu'au demeurant elle ne justifie pas du contenu dudit règlement et notamment que celui-ci contiendrait des dispositions étrangères à la garantie de l'hygiène et de la sécurité de l'établissement dont elle admet que les obligations y relatives peuvent être imposées, et qu'il serait de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Que sa demande tendant à voir déclarer ladite clause abusive et à obtenir sa suppression est donc rejetée.

Considérant que l'article 1 du règlement général annexé au contrat d'abonnement dispose:

"Dès la signature du présent contrat et parfait paiement de l'abonnement, l'adhérent muni de sa carte de membre validée est autorisé à pénétrer dans les locaux du club et à en utiliser les installations dans le cadre des horaires d'ouvertures affichés et en jonction de la formule d'abonnement retenue."

Qu'à défaut d'être précisés au contrat, les horaires d'ouvertures et les prestations offertes dans le cadre de la formule d'abonnement retenue par le consommateur, ne sont pas contractuels;

Qu'ils peuvent donc être pour les premiers modifiés et pour les secondes supprimées, à la discrétion du professionnel, alors qu'inversement le consommateur en l'absence d'engagements clairs et définis du professionnel à cet égard, se trouve empêché de pouvoir en tirer argument pour se délier.

Qu'il y a là déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties en sorte que la clause dont s'agit est abusive.

Considérant que le même règlement général au sens de l'article 2 énonce: "dès la signature du contrat et une fois le délai de rétractation expiré (pour les paiements à crédit) les acomptes versés ou les cartes émises ne feront l'objet d'aucun remboursement ni modification".

Que si selon l'article 1184 du Code civil la condition résolutoire est toujours sous entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement, ces dispositions n'étant pas d'ordre public une renonciation par avance à s'en prévaloir n'est pas exclue.

Que la clause litigieuse comporte à l'évidence une telle renonciation de la part du consommateur en ce que, en cas de non exécution par le professionnel de ses obligations en raison d'un fait non exonératoire, elle ôte toute faculté au premier de pouvoir prétendre à la résiliation du contrat et à la restitution des sommes payées.

Qu'elle est en conséquence abusive en ce qu'elle suppose que le consommateur doit quoiqu'il arrive exécuter son obligation de payer le prix alors même que la prestation qui en constitue la contrepartie ne lui est pas fournie.

Considérant que l'article 3 second alinéa dudit règlement mentionne:

"Toute inaptitude à ces pratiques déclarées postérieurement à la conclusion du contrat ne pourra donner lieu à un report ou à un remboursement de tout ou partie de l'abonnement".

Que s'il s'agit d'une inaptitude antérieure à la conclusion du contrat, connue du consommateur et déclarée postérieurement, il est légitime en raison de l'obligation de bonne foi qui doit exister dans les relations contractuelles que le consommateur ne puisse en tirer avantage et la mention de cette clause dans le règlement ne se justifie pas.

Que dans ces conditions, la mention de cette clause ne trouve sa raison d'être que s'il s'agit d'une inaptitude qui se révèle postérieurement à la conclusion du contrat.

Que par suite ladite clause en ce qu'elle interdit tout droit au consommateur empêché contre sa volonté de se désengager et de recouvrer les fonds qu'il a versés sans contrepartie est abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation.

Considérant qu'en son article 5 le règlement général énonce:

"L'adhérent reconnaît à la direction le droit d'exclure de 1'établissement et sans préavis ni indemnité toute personne dont l'attitude ou le comportement serait contraire aux bonnes moeurs, ou notoirement gênants pour les membres ou non conformes au présent règlement".

Que le besoin de faire respecter des règles de comportement afin de préserver la moralité des lieux et la quiétude des abonnés ne se discute pas.

Que pas davantage en cas d'infractions graves à ces règles le droit d'exclusion immédiate et sans dédommagement que s'attribue le professionnel ne peut être sérieusement discuté.

Que, certes, en l'espèce, ce droit ne s'appuie pas sur des situations et circonstances précises et pourrait revêtir un caractère discrétionnaire.

Que, néanmoins, dans la mesure où la clause litigieuse n'édicte aucune renonciation de la part du consommateur à contester la mesure dont il pourrait être la victime et d'obtenir réparation dès lors que son caractère illégitime serait reconnu, elle ne crée pas à l'avantage du professionnel un déséquilibre significatif et ne peut être regardée comme abusive.

Considérant que selon l'article 7 du règlement général (3e phrase) "l'utilisation de ces casiers étant sous la seule responsabilité de l'adhérent, celui-ci renonce à rechercher la direction du club pour tout vol ou tout dommage qu'il pourrait subir de ce fait";

Que cette clause exclut la responsabilité du professionnel, non pas seulement en cas de négligence de l'usager du casier mais en définitive de manière générale et notamment en cas de dommages procédant de sa faute eu égard à l'obligation de garde et de surveillance de ses locaux et de prévention des risques que suppose sa qualité alors que le dépôt d'effets personnels est nécessairement imposé, dans un endroit précis, pour la pratique des activités proposées en ce qu'elle exige un tenue spécifique.

Que la stipulation d'une telle exonération de responsabilité au profit de l'exploitant constitue un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au préjudice du consommateur et constitue une clause abusive.

Considérant enfin que l'article 10 du même règlement énonce:

"Si le club Moving dispose d'un lieu d'accueil surveillé ou non surveillé pour les jeunes enfants, ceux-ci sont placés sous la seule et entière responsabilité de leurs parents qui doivent nécessairement être présents au club".

Qu'en mettant dans ces locaux à la disposition des enfants de ses clients une pièce où peut être instituée de surcroît une surveillance, le professionnel est tenu à une obligation de sécurité, qu'au demeurant les intimées ne dénient pas.

Que toutefois la clause sus énoncée en ce qu'elle institue une responsabilité exclusive des parents en sorte que le professionnel se trouve en fait totalement exonéré en cas de manquement à son obligation de sécurité, alors que les enfants ne se trouvent plus être sous l'autorité directe des parents, est abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation.

Considérant qu'i convient en conséquence d'ordonner la suppression des clauses n° 3 et 7 du contrat d'abonnement et n° 1, 2, 3 second alinéa, 7 (3e phrase) et 10 du règlement général, des contrats proposés par les sociétés Moving et Lautiag, sans qu'il soit besoin d'assortir la présente décision d'une astreinte;

Que l'appelante est par ailleurs déboutée de sa demande de publication du présent arrêt comme injustifiée.

Considérant que seules les dispositions des articles L. 421-1 et L. 422-l du Code de la consommation autorisent les associations agréées de consommateurs à solliciter réparation du préjudice subi par les consommateurs;

Qu'ayant agi sur le fondement de l'article L. 421-6 dudit Code qui limite le droit de ces associations à obtenir la suppression des clauses abusives, l'appelante est déboutée de sa demande de dommages-intérêts;

Considérant qu'en raison de l'issue du litige devant la cour, les intimées sont condamnées aux dépens;

Qu'elles sont en conséquence déboutées de leur demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Que l'équité commande en revanche leur condamnation à payer à l'appelante une somme de 6 000 F au titre de ce dernier texte.

Par ces motifs, LA COUR Déboute l'appelante de sa demande de rejet des débats des pièces communiquées le 23 janvier 2001 par les intimée; Infirme le jugement; Ordonne la suppression dans les contrats proposés par les sociétés Lautiag et Moving des clauses 3 et 7 du contrat d'abonnement, 1,2,3 second alinéa, 7 (3e phrase) et 10 du règlement général; Déboute l'appelante de ses demandes d'astreinte, de publication de l'arrêt et de dommages et intérêts; Condamne les intimées in solidum aux dépens de première instance et d'appel, ceux-ci pouvant être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile; Les condamne sous la même solidarité à payer à l'appelante la somme de 6 000 F (914,69 euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.