CA Toulouse, 3e ch., 30 avril 1998, n° 98-00010
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Rivière
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Schiex
Conseillers :
Mmes Girot, Fourniel
Avocats :
Mes Pibouleau Loco Cohen, Monteis, Lassus.
Rappel de la procédure:
Le jugement :
Le tribunal, par jugement en date du 24 novembre 1997 , a relaxé
G Robert
du chef d'abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée : souscription d'un engagement, courant 1993, à Toulouse, infraction prévue par l'article L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 122-8 du Code de la consommation
et l'a déclaré
coupable d'abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée : souscription d'un engagement, courant 1993, à Toulouse, infraction prévue par l'article L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 122-8 du Code de la consommation
coupable d'abus de confiance, courant 1993, à Toulouse, infraction prévue par l'article 314-1 du Code pénal et réprimée par l'article 314-1 al. 2 du Code pénal
T Frédéric Bruno
coupable d'abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée : souscription d'un engagement, courant 1991, 1992 et 1993, à Toulouse, infraction prévue par l'article L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 122-8 du Code de la consommation
coupable d'abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée : souscription d'un engagement, entre le 21 avril 1992 et 25 février 1994, à Toulouse, infraction prévue par l'article L. l22-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 122-8 du Code de la consommation
coupable d'abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée : souscription d'un engagement, courant 1993, à Toulouse, infraction prévue par l'article L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 122-8 du Code de la consommation
Et par application de ces articles, a condamné :
G Robert à la peine de 1 an d'emprisonnement sursis mise a l'épreuve pendant 2 ans, obligation de réparer les dommages causés par l'infraction
T Frédéric Bruno à 18 mois d'emprisonnement sursis mise à l'épreuve pendant 2 ans, obligation de réparer les dommages causés par l'infraction
Rivière Jeanine Renée, T : 50 000 F à titre de dommages-intérêts,
T et G : 300 000 F tous préjudices confondus au titre du préjudice matériel et financier, 50.000 F au titre du préjudice moral, 5 000 F au titre de l'article 475-1 du CPP
Les appels :
Appel a été interjeté par :
Monsieur T Frédéric, le 25 novembre 1997
M. le Procureur de la République, le 27 novembre 1997 contre Monsieur
G Robert, Monsieur T Frédéric
Monsieur G Robert, le 28 Novembre 1997
Décision:
Frédéric T a interjeté appel le 25 novembre 1997 d'un jugement rendu le 24-11-97 par le Tribunal correctionnel de Toulouse. Il a été suivi en cette voie le 27 novembre 1997 par le Ministère public qui a interjeté appel contre les deux prévenus, T et G.
Robert G a interjeté appel le 28-11-97.
Ces appels sont réguliers en la forme, ils ont été interjetés dans le délai légal, leur recevabilité n'est pas contestée en la forme.
Le 1-9-94, les fonctionnaires du SRPJ de Toulouse recevaient un appel d'une personne âgée désemparée, Mme Jeanne Rivière, née le 4-8-1909, divorcée en 1951 et non remariée ; elle vivait seule et leur faisait part de ses difficultés à la suite de la vente de l'appartement dont elle était propriétaire 52, rue Victor Ségoffin à Toulouse dont le loyer de 3 360 F par mois représentait l'essentiel de ses revenus.
Elle leur exposait (D 4) qu'elle avait souhaité vendre cet appartement en viager dans le but de percevoir un revenu complémentaire en laissant le locataire en place. Mais au contraire leur présentait un acte de vente notarié de cet appartement pour un prix de 390 000 F dont 220 000 F payables par mensualités sans intérêts. Elle était persuadée être demeurée propriétaire et rencontrer simplement des difficultés pour percevoir les loyers.
Madame Coiffin, gérante du Cabinet Otegi chargé de la gestion de l'appartement, confirmait que Mme Rivière avait pu dans le passé envisager une vente en viager (D 21).
L'acquéreur en était Frédéric T, à l'époque vendeur de produits phytothérapiques et revitalisants qui démarchait Mme Rivière depuis 1990 pour le compte de la société française de santé et de diététique dont elle était cliente depuis 1988.
La vente de l'appartement avait été authentifiée en l'étude de Me C, notaire, par son clerc, Robert G.
L'enquête et l'information ont mis en lumière plusieurs faits ayant porté atteinte aux intérêts de Mme Rivière.
1°) Vente de produits phytothérapiques et revitalisants
Au cours de démarchages qu'il effectuait régulièrement à son domicile, Frédéric T s'est fait remettre des chèques postaux et bancaires (Banque Courtois) en paiement d'achats extrêmement importants au regard de ses ressources. Certaines factures atteignent 10 000 F, et pour certaines années le montant des achats avoisine 50 000 F.
2°) Par ailleurs, T a reçu à plusieurs reprises de la vieille dame des chèques sans contrepartie. Il a exposé qu'elle lui consentait des prêts sans écrit. Aucun intérêt n'était stipulé. Le 2-11-94, il a adressé à Madame Rivière un chèque de 33 996 F en remboursement des sommes reçues.
3°) T a indiqué qu'au cours de ses démarchages Madame Rivière lui avait fait part de son intention de vendre son appartement de la rue Victor Ségoffin en viager. Elle souhaitait obtenir un bouquet de 200 000 F plus une rente. Elle lui avait bien indiqué que son projet était de vendre en continuant à percevoir le loyer.
Finalement, l'acte sous-seing privé était établi par G, clerc de l'étude notariale C, le 29-7-93. L'acte authentique était signé le 10.11.93.
Madame Rivière indiquait avoir bien déclaré sa volonté de vendre l'appartement en viager et G admettait qu'elle le lui avait dit téléphoniquement.
T précisait que G savait que l'appartement était loué et que Mme Rivière percevait un loyer.
L'appartement était en fait vendu 390 000 F, dont 220 000 F payables par mensualités, sans intérêt.
Elle perdait le bénéfice du paiement des loyers.
Le prix de vente apparaissait véritablement modeste quant aux modalités de paiement tout à fait déraisonnables et défavorables pour le vendeur, au regard de son âge et de ses ressources.
T a indiqué que l'acte avait été lu rapidement par G.
Les frais relatifs à l'acte étaient à la charge de l'acheteur et T remettait à G deux chèques de 20 000 F et 32 000 F, le premier à la signature du sous-seing privé, le second à celle de l'acte authentique. Ce dernier recommandait de ne pas libeller l'indication du bénéficiaire, y portait son nom, et encaissait les deux chèques.
Pour pouvoir solder le compte de T en l'étude du notaire, il faisait signer à Mme Rivière une autorisation de prélever sur son compte la somme de 50 000 F pour les virer sur le compte de T à valoir sur les frais.
T n'était pas avisé de cette opération mais cependant Mme Rivière lui avait dit que G était venu lui faire signer un papier à son domicile.
Le 28 novembre 1994, G, qui avait prétendu que Mme Rivière lui avait consenti un prêt, remboursait à Mme Rivière une somme de 59 000 F, dont 7 000 F à titre d'intérêts 12 %.
Le 9 mars 1994, T, qui avait initialement déclaré avoir acquis l'appartement pour l'occuper, donnait mandat pour sa revente au prix de 790 000F. Le 26-5-94, le prix demandé était ramené à 690 000 F, que l'agent immobilier considérait justifié.
L'appartement était finalement revendu pour la somme de 565 000 F, T réalisant une plus-value de 121 000 F.
Madame Rivière recevait le 10-5-95 un chèque de 214 000 F pour solde de tout compte de l'étude C.
Le tribunal a retenu la culpabilité de Frédéric T dans les termes de la prévention.
Il a renvoyé Roger G pour les seuls faits de détournement des deux chèques de 20 000 F et 32 000 F qualifiés abus de confiance, et l'a déclaré coupable de complicité d'abus de la faiblesse de Mme Rivière par T.
Les demandes devant la cour
Frédéric T conclut et fait plaider sa relaxe.
Il invoque le fait :
- qu'en dépit de son âge Mme Rivière n'était pas une personne vulnérable.
A) Sur la vente de l'appartement
- que les dispositions de l'article L. 122-8 du Code de la consommation sont inapplicables aux ventes d'immeubles, et celles de l'article 313-4 du Code pénal inapplicables à des faits antérieurs à son entrée en application ;
- que de surcroît aucun abus frauduleux ou contrainte ne sont démontrés ; que la loi incrimine les vendeurs et non les acheteurs, et que finalement l'action de Mme Rivière n'a pour objet que de contourner les règles sévères du Code civil relatives à la rescision pour lésion des 7-12es ;
- que le notaire choisi a été le notaire habituel de Mme Rivière, qui a manqué à son devoir de conseil ;
- que le versement du prix était affecté de garantie et qu'aucun de ceux qui avait droit de préemption ne l'a exercé ;
- qu'aucun acte de complicité avec G n'a été sérieusement établi ;
B) Sur la vente des produits phytothérapiques
- que Mme Rivière était cliente de la société française de Santé et de Diététique avant qu'il n'y soit engagé comme VRP "superviseur" ;
- qu'elle était parfaitement en mesure de percevoir la portée de ses engagements;
- qu'il n'avait pas la possibilité de réparer la vente ;
- il prétend que son prédécesseur vendait des quantités identiques ;
C) Sur le prêt d'argent
- il invoque des rapports privilégiés avec sa cliente pour expliquer le prêt d'argent qu'il a remboursé, et que ce prêt n'entrait pas dans les opérations prévues par l'article L. 122-8 du Code de la consommation.
Le Ministère public requiert confirmation du jugement dont appel, mais soutient que les faits d'abus de confiance sont parfaitement caractérisés à l'encontre de G.
Celui ci fait plaider son renvoi des fins de la poursuite. Il invoque principalement le fait qu'il ne peut s'être rendu complice de faits qui ne peuvent recevoir aucune qualification pénale dès lors que les dispositions du Code de la consommation ne sont pas applicables à une vente d'immeuble.
Il fait plaider confirmation de la décision de relaxe partielle, en soutenant que Madame Rivière, qu'il connaissait depuis de nombreuses années, lui avait bien consenti un prêt.
Jeanne Rivière, représentée par sa curatrice Odile Node, conclut et fait plaider confirmation du jugement dont appel, demande la condamnation solidaire des prévenus à réparer l'intégralité du préjudice qu'elle a subi tel que fixé par le jugement du 24 novembre 1997.
Elle demande qu'ils soient solidairement condamnés à lui payer une somme de 25 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Sur quoi,
1°) Sur la faiblesse et la vulnérabilité de Jeanne Rivière
Cette personne, née en 1909, était âgée de plus de 80 ans au moment des faits, ce que ni l'un ni l'autre des prévenus n'ignorait. Cet âge avancé la constituait dans un état de faiblesse confirmé par les traitements qu'elle avait subis à la suite d'un accident dont elle avait été victime en 1985,qui avait causé un traumatisme crânien avec perte de connaissance, puis vertiges, perturbations psychiques avec traitement anxiolytique et antidépresseurs.
L'examen qu'elle a subi le 6 juillet 1992 confirmait qu'elle présentait des troubles de la mémoire de fixation et même d'évocation des faits.Cet état est confirmé par les attestations délivrées par quelques personnes qui la côtoyaient (D 71, D 72). Elle a fait l'objet d'une mesure de sauvegarde de justice le 18-11-1994, puis de placement sous curatelle le 24-10-1995. Il est dès lors incongru de prétendre, ainsi que le fait Frédéric T, "que dès lors qu'elle ne présentait aucune déficience neurologique ni aucune déficience psychique" son consentement était normalement donné.
Telle n'est pas la perspective des dispositions légales visées dans la prévention qui associent la faiblesse du co-contractant, qui en l'espèce est indéniable, aux circonstances de fait de la convention, le démarchage à domicile, mais surtout les circonstances qui démontrent que la victime n'était pas en mesure d'apprécier la portée de ses engagements.
La réponse que fait Frédéric T au Code civil est parfaitement inadéquate.
Madame Rivière n'était pas imposable sur le revenu, et disposait comme ressources d'un loyer et d'une petite pension. Il la démarchait régulièrement et aura quelques difficultés à faire admettre qu'elle ait pu apprécier la portée d'un engagement d'achat de 50 000 F annuel en 1992 de gelée royale et d'extraits de veau,substances il est vrai susceptibles de lui faire retrouver la mémoire.
L'examen de l'ensemble des faits reprochés à Frédéric G démontre au contraire que Madame Rivière, qui lui a finalement vendu un appartement dans des conditions particulièrement désavantageuses pour elle, n'était rigoureusement pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait.
Il ne peut à la fois soutenir qu'elle a donné un consentement éclairé et qu'elle ne lui a fait aucune faveur particulière. L'ensemble des avantages non causés qu'elle lui a consentis en quelques années est révélateur des pressions, sinon des contraintes qu'il exerçait sur elle avec une suffisante habilité pour y parvenir.
2°) Sur la vente de produits phytothérapiques et revitalisants
Il est établi qu'en juin 1991 Madame Rivière a été destinataire d'une facture de 7 378 F pour des achats relatifs à un trimestre ; des facilités de paiement ont dû lui être accordées ; Frédéric T a lui- même rédigé le chèque relatif au premier versement durant le délai de rétractation.
En 1992, les achats ont atteint 50 000 F.
Le rythme des achats se poursuit en 1993 et 1994.
Le montant des achats avoisine pour ces quatre années 120 000 F.
Frédéric T ne peut se prévaloir de l'ancienneté des relations commerciales de Madame Rivière avec la société française de santé et de diététique. Il ne saurait se prévaloir du fait que certaines personnes achetaient encore plus que sa victime ; il a été démontré que la constitution du délit repose sur l'analyse subjective de la situation de la victime à laquelle il a été procédé ci-dessus.
Il ne démontre pas, et ce fait ne serait pas justificatif, qu'elle achetait autant avec son prédécesseur.
Le délit est dès lors parfaitement constitué.
3°) Sur le prêt sans intérêt d'un montant de 33 996 F
Madame Rivière, sans grandes ressources, sans relation affective particulière avec Monsieur T, n'avait aucune raison de consentir un prêt sans intérêt à celui-ci alors qu'au contraire elle lui avait indiqué vouloir augmenter ses ressources par la vente en viager de son appartement.
Il est incontestable que ce prêt a été obtenu par un démarcheur à l'occasion des démarchages qu'il effectuait au domicile de la victime et que cette circonstance le mettait dans une situation particulièrement favorable pour convaincre Madame Rivière de le lui consentir. Le texte de l'article L. 122 8 du Code de la consommation, bien que texte de pur droit de la consommation, ne vise pas que les consommateurs, mais toute personne démarchée à son domicile, ce qui était bien le cas de Madame Rivière.
Les 5 chèques ont été remis "à l'emprunteur" entre le 21-4-1992 et le 25-2-1994.
Aucun document, si ce n'est le relevé bancaire, n'a permis de concrétiser un accord quelconque entre Madame Rivière et T, et la mémoire défaillante de Jeanne Rivière ne lui permet pas de confirmer la nature de l'accord.
Ce n'est pas à l'évidence le remboursement de la somme correspondante le 2-11-1994, alors qu'il avait été mis en examen le 19-10-1994, qui peut convaincre de la pureté des intentions de T.
Le délit est là aussi parfaitement constitué.
4°) La vente de l'appartement
La vente d'un immeuble est régie de façon précise par le Code civil et les dispositions du Code de la consommation lui sont rigoureusement inapplicables.
Dès lors que les actes ont été passés dans une étude de notaire, ils échappent totalement, même s'ils ont été conçus " au domicile de la victime " à la suite des démarchages, à l'incrimination de l'article L. 122-8 de ce Code, qui exige que la circonstance de démarchage au domicile de la victime soit finalement un des facteurs déterminants de l'engagement.
L'intervention d'un officier public tenu à un devoir de conseil fait échapper l'acte litigieux aux circonstances de fait visées par l'article L. 122 8 du Code de la consommation.
Les dispositions de l'article 3 13-4 du nouveau Code pénal, dont l'application aurait pu être envisagée, sont inapplicables à des faits commis antérieurement à leur entrée en application.
En l'état de la procédure et des investigations auxquelles il a été procédé, aucune autre disposition légale n'est applicable pour incriminer des faits dont a cependant été victime Madame Rivière, spoliée par la vente parfaitement désavantageuse de son bien à laquelle est intervenu un notaire auquel elle avait eu recours par le passé et dont le clerc affirme de surcroît qu'il la connaissait personnellement.
Frédéric T sera donc renvoyé des fins de la poursuite diligentée contre lui pour ces faits, et Robert G avec lui, lequel est poursuivi pour complicité de ces faits.
5°) Sur l'abus de confiance reproché à Robert G
Il était reproché dans la prévention à Robert G d'avoir détourné au préjudice de Frédéric T deux chèques d'un montant de 20 000 F et 32 000 F qui lui avaient été remis pour les affecter au paiement des frais.
Le tribunal l'a renvoyé des fins de la poursuite au motif " Il n'y a pas de détournement, il y a eu remise volontaire par T à G de deux chèques sans mention du bénéficiaire ".
Cette motivation est inopérante puisqu'à l'évidence le détournement de valeurs n'exclut pas, et même exige une remise volontaire préalable. Le délit se commet ultérieurement lorsque ces valeurs sont détournées de leur objet : en l'espèce les chèques, même incomplètement remplis, avaient été remis à Robert G en paiement de frais au bénéfice de l'étude de Me C. Il les a faussement remplis, y portant son nom pour pouvoir les encaisser sur son compte. T a subi un préjudice même passager puisque son compte en l'étude est demeuré débiteur jusqu'à ce que G parvienne à faire signer une autorisation de prélèvement en se rendant au domicile de Madame Rivière pour un montant sensiblement correspondant qu'il a crédité au compte de T au motif du prêt qui lui avait été consenti par Madame Rivière. On peut s'interroger sur la réalité de ce prêt dont Madame Rivière ne conserve aucun souvenir de l'avoir consenti. Et s'il a existé, il demeure qu'il a été consenti dans des circonstances qui, déontologiquement, interdisaient qu'il le soit, et qu'il a été alimenté à partir d'un compte ouvert chez un notaire à l'occasion d'une vente immobilière qu'il avait reçue.
Le repentir actif qu'il a manifesté en remboursant le prêt plus les intérêts, non stipulés ceux-ci, mais après sa mise en examen, ne peut convaincre, pas plus que dans le cas de T de la pureté de son comportement.
En toute hypothèse, le délit d'abus de confiance est parfaitement constitué, et il en sera déclaré coupable.
6°) Sur les peines
Frédéric T n'a jamais été condamné, mais il convient, par le prononcé d'une peine suffisamment contraignante, de lui imposer l'indemnisation du préjudice de Madame Rivière entraîné par la commission de délits graves.
Sa condamnation à douze mois d'emprisonnement assortis du sursis avec mise à l'épreuve pendant deux ans avec obligation d'indemniser le préjudice est justifiée.
Robert G, qui peut bénéficier du sursis, sera condamné à dix mois d'emprisonnement assortis du sursis et au paiement d'une amende de 20 000 F.
7°) Sur les intérêts civils
Les faits pour lesquels Frédéric T a été déclaré coupable ont occasionné à Madame Rivière un préjudice dont il est tenu à réparation et pour l'évaluation duquel elle a fourni des justifications qui ne sont pas discutées.
C'est ainsi que peut être fixé à la somme de :
- pour les ventes abusives de produits phytosanitaires : 119 110 F ;
- pour les intérêts du prêt de 33 996 F : 3 819,92 F ;
Total : 122 929,92 F
Le préjudice matériel résultant des délits pour lesquels T Frédéric est déclaré coupable.
Le préjudice moral qu'elle subit est incontestable et résulte des manipulations auxquelles elle a été soumise, et peut être fixé à la somme de 30 000 F.
Le délit dont Robert G est déclaré coupable ne lui a occasionné aucun préjudice puisque celui-ci lui a finalement remboursé la somme de 59 000 F.
L'appel de T a occasionné à Madame Rivière des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de celle-ci. Il convient d'accorder à celle-ci une somme de 15 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Reçoit Frédéric T, le ministère public, Robert G en leur appel d'un jugement rendu le 24-11-1997 par le Tribunal correctionnel de Toulouse ; Sur l'action publique : Confirme cette décision en ce qu'elle a déclaré Frédéric T coupable d'abus de faiblesse d'une personne démarchée, faits correspondant : aux achats de produits phytothérapiques et régénérant, à la remise de chèques pour 33 996 F ; La réforme pour le surplus ; Renvoie Frédéric T des fins de la poursuite exercée contre lui du chef d'abus de faiblesse d'une personne démarchée pour les faits de vente d'un appartement et Robert G pour complicité des mêmes faits ; Déclare Robert G coupable d'abus de confiance, faits commis au préjudice de Robert T; Condamne Frédéric T à la peine de douze mois d'emprisonnement assortis du sursis avec mise à l'épreuve pendant deux ans, avec obligation particulière d'indemniser la victime ; Le Président a donné au condamné l'avertissement prévu par l'article 132-4° du Code pénal ; Condamne Robert G à la peine de dix mois d'emprisonnement assortis du sursis et au paiement d'une amende de vingt mille francs (20 000 F); Le Président a donné au condamné l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal ; Sur l'action civile : Réforme le jugement dont appel ; Reçoit Madame Rivière, représentée par sa curatrice Madame Node, en sa constitution de partie civile ; Condamne Frédéric T à lui payer une somme de 122 929,92 F en réparation de son préjudice matériel, et une somme de 30 000 F en réparation de son préjudice moral ; Condamne Frédéric T à payer à Jeanne Rivière une somme de 15 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Rappelle que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné ; Prononce la contrainte par corps, s'il y a lieu de l'exercer, conformément aux dispositions de l'article 750 du Code de procédure pénale.