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Décisions

CA Paris, 25e ch. B, 4 juillet 1997, n° 95-20134

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Alpilles Presse (SARL)

Défendeur :

WEEP France Week-end en Périgord (SA), Barre (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pinot

Conseillers :

M. Cailliau, Mme Mestracci

Avoués :

SCP Roblin-Chaix de Lavarene, SCP Autier

Avocats :

Mes Fourel, Gasser, Paccioni, Guibert

T. com. Paris, 1re ch., du 12 juin 1995

12 juin 1995

LA COUR, statue sur l'appel relevé par la société Alpilles Presse du jugement du Tribunal de commerce de Paris, 1re chambre, rendu le 12 juin 1995, qui l'a déclarée mal fondée en sa demande d'annulation d'un contrat de location et condamnée à payer à la société Week-end en Périgord, ci-après WEEP France, les sommes de 60 000 F, à titre d'indemnité de rupture contre restitution du chèque de 10 674 F remis lors de la signature du contrat et de 4 000 F, en application de l'article 700 du NCPC.

Il convient de se référer aux énonciations du jugement pour l'exposé complet des faits de l'espèce, des prétentions et des moyens des parties en première instance. Il en ressort, en substance, les éléments essentiels suivants.

La société Alpilles Presse, dont l'objet social défini par ses statuts est le suivant: " Presse, papeterie, librairie loterie et tous jeux de hasard, bimbeloterie, confiserie, et toute activité annexe, connexe ou complémentaire et généralement toutes opérations pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet social ou susceptible d'en facilite l'extension ou le développement ", a conclu le 14 avril 1993, avec la société WEEP France, un contrat de location d'une durée de cinq ans, portant sur une machine à crème glacée à l'italienne 2 parfums et un monnayeur, pour un loyer quotidien de 100 F HT. Le matériel devait être installé gratuitement, et livré dans les meilleurs délais, au plus tard dans les 90 jours de la commande. Ce contrat portait en marge la mention d'une exclusivité, sans toutefois en préciser ni la durée ni le périmètre. La société Alpilles Presse remettait à la société WEEP France, le jour de la signature du contrat, un chèque bancaire de 10 674 F, à titre d'acompte.

La société Alpilles Presse a formé opposition au paiement de ce chèque, prétendant qu'il s'agissait d'un chèque perdu, saisissait le tribunal de commerce aux fins d'annulation du contrat pour non-respect des dispositions de la loi du 20 décembre 1972 et demandait en outre la restitution du chèque d'acompte, la condamnation de la société WEEP France à payer toute somme réglée à la SCP Alivon, huissier de justice à St Rémy-de-Provence, ainsi que la somme de 10 000 F, à titre de dommages-intérêts et une indemnité de procédure de 7 116 F. Elle faisait également valoir devant le tribunal que WEEP France ne constituait qu'une enseigne, la société du même nom étant, selon elle, dépourvue d'existence et que l'exclusivité qui lui aurait été promise n'aurait pas été respectée.

La société WEEP France a répliqué en soutenant que la loi du 22 décembre 1972 n'était pas applicable en l'espèce, qu'elle avait respecté ses engagements contractuels et qu'elle avait immédiatement annulé le contrat de location accordé par erreur à un autre commerçant dans le même secteur. Elle réclamait reconventionnellement la condamnation de la société Alpilles Presse à lui payer l'indemnité de résiliation fixée à la somme de 60 000 F, outre une indemnité de procédure de 4 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

Les premiers juges ont écarté les moyens d'annulation du contrat soulevés par la société Alpilles Presse au motif que le contrat avait été passé avec une société "pour servir à son exploitation professionnelle", que la modification de la forme juridique de la société cocontractante, postérieurement à la signature du contrat, était sans effet, dès lors que la société Alpilles Presse pouvait aisément identifier son cocontractant et que le grief de non- respect de l'exclusivité consentie était mal fondé, la société WEEP France ayant mis fin au contrat consenti par erreur à un commerçant de la même commune.

Appelante la société Alpilles Presse conclut à l'infirmation du jugement en reprenant ses prétentions, ses moyens et son argumentation de première instance. Elle demande, en outre, la condamnation de la société WEEP France à lui payer la somme de 25 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

Intimée la société Week-end en Périgord " WEEP France " sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de la société Alpilles Presse à lui payer la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

Elle soutient que la loi du 22 décembre 1972 ne peut être appliquée à la société Alpilles Presse, dès lors que son objet social mentionne la confiserie, activité très proche de la vente de crèmes glacées, et que l'exploitation d'un distributeur automatique ne requiert aucune compétence particulière.

Elle indique avoir respecté l'exclusivité mentionnée au contrat, puisqu'elle a mis fin immédiatement au contrat similaire conclu avec Mme Desboeufs dans la même commune.

Enfin, en ce qui concerne la modification intervenue sur la société WEEP France, elle relève que les publicités légales ont été respectées et qu'elle n'avait pas l'obligation d'en informer sa cocontractante, dès lors qu'il n'était porté aucune atteinte à sa personnalité morale.

La société Alpilles Presse réplique en reprenant ses premières conclusions et en soutenant que la loi du 22 décembre 1972 lui est applicable dans la mesure où l'activité de glacier ne peut se confondre avec la vente de confiserie et que la location d'une machine à glaces est dépourvue de tout rapport direct avec l'activité principale de vente de presse, papeterie, librairie.

Elle sollicite, subsidiairement, la réduction de la clause pénale, qui a été appliquée par les premiers juges sans tenir compte de critères objectifs liés au préjudice réel du créancier, et présente de ce fait un caractère excessif.

A la suite de la dissolution amiable de la SARL WEEP France, décidée par AGE du 5 août 1996, M. Georges Barre, désigné en qualité de liquidateur, est intervenu volontairement dans la procédure. Il reprend les précédentes écritures de l'intimée et conteste le caractère excessif de l'indemnité de résiliation.

Sur quoi, LA COUR,

Considérant que les dispositions de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972, applicables au contrat en cause, antérieur à la codification résultant de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, réglementent les pratiques commerciales de vente destinées aux consommateurs personnes physiques et prévoient expressément que n'y sont pas soumises les locations de biens lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation commerciale;

Considérant que la société Alpilles Presse était, par l'intermédiaire de la personne de son représentant légal, signataire du contrat de location litigieux, lequel portait sur un matériel de distribution de crèmes glacées; qu'aucune mention de cet acte ne faisait figurer son gérant, signataire du contrat pour le compte de la personne morale, comme agissant en son nom propre et en qualité de personne physique non commerçante;

Considérant qu'un tel équipement permettait à la société Alpilles Presse d'étendre son activité à des prestations accessoires, dont le lien avec l'activité principale n'était pas négligeable puisqu'il lui permettait de toucher une clientèle plus vaste et plus jeune, ayant vocation à accroître la clientèle de l'activité principale de presse papeterie et librairie;

Que telle était d'ailleurs l'idée des fondateurs de la société puisqu'ils avaient prévu, dans l'objet social, que l'activité de la société porterait sur les jeux de hasard, la bimbeloterie, la confiserie et toute activité connexe se rattachant directement ou indirectement à l'objet social;

Considérant que, par voie de conséquence, les premiers juges ont, à bon droit, écarté l'application des dispositions de la loi du 22 décembre 1972 et débouté la société Alpilles Presse de sa demande d'annulation du contrat;

Considérant que le grief d'atteinte à l'exclusivité consentie ne peut davantage prospérer, dans la mesure où le contrat n'a pas reçu d'exécution, et alors que la société WEEP France a immédiatement mis fin au contrat conclu avec un commerçant de la commune de St Rémy-de-Provence dès qu'elle a eu connaissance de son erreur;

Considérant que la transformation de la société anonyme Week-End en Périgord en SARL a donné lieu aux publications légales obligatoires et n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle, ainsi que cela résulte de l'article 5 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société en liquidation WEEP France les frais non recouvrables de procédure exposés par elle en cause d'appel et qu'il convient en conséquence de condamner la société Alpilles Presse à lui payer la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du NCPC;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Déboute la société Alpilles Presse de toutes ses demandes ; Condamne la société Alpilles Presse à payer à la société en liquidation Week-End en Périgord la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du NCPC ; Condamne la société Alpilles Presse aux dépens d'appel, qui seront recouvrés directement par la SCP Autier, avoué, conformément à l'article 699 du NCPC.