Cass. com., 11 février 2003, n° 01-10.274
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Gesimmo (Sté)
Défendeur :
Gesimmo 3A (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
M. Grimaldi
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
SCP Nicola, de Lanouvelle, SCP Peignot, Garreau.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt partiellement confirmatif attaqué (Paris, le 9 février 2001), que la société Gesimmo, dont le siège est à Marseille, a poursuivi la société Gesimmo 3A (devenue société Gemofis), dont le siège est à Paris, ainsi que son dirigeant, M. H, pris personnellement, en nullité de marques comportant le terme Gesimmo 3A ou Gesimmo reproduisant sa dénomination sociale, et en concurrence déloyale, pour confusion résultant de l'usage commercial de cette dénomination ; que les défendeurs ont notamment objecté l'irrecevabilité de l'action en nullité de marques, en raison d'une tolérance antérieure, et l'absence de concurrence entre les parties sur le même secteur géographique ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société Gemofis et M. H font grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité des marques Gesimmo 3A enregistrée sous le numéro 1479658, Gesimmo, enregistrée sous le numéro 96654911, et Gesimmo, enregistrée sous le numéro 97687505, alors, selon le moyen : 1°) que si un signe portant atteinte à une dénomination sociale ne peut être adopté comme marque lorsqu'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public, l'utilisation dans des lieux où une dénomination sociale n'est pas connue ne saurait créer un risque de confusion préjudiciable à la personne morale désignée ; qu'en annulant pourtant la marque Gesimmo 3A, utilisée en région parisienne, sans constater que la dénomination sociale de la société Gesimmo, immatriculée dans les Bouches-du-Rhône, était utilisée et connue en région parisienne, la cour d'appel a violé les articles L. 711-4 et L. 713-6 du Code de la propriété intellectuelle, et 1382 du Code civil ; 2°) que l'action en annulation d'une marque n'est plus recevable lorsque son usage a été toléré pendant cinq ans ; que ce délai court à partir du moment où le titulaire du droit antérieur aurait normalement du avoir connaissance de l'existence de la marque, c'est-à-dire dès son enregistrement à l'INPI ; que dès lors, en se fondant sur la circonstance inopérante que la société Gesimmo 3A ne justifie pas avoir fait de publicité dans des journaux nationaux avant 1995, et qu'elle n'a pas eu connaissance de sa participation aux salons MIPIM à Cannes en 1991 et 1992 alors qu'elle-même ne prenait pas part à ces salons dont elle ignorait l'existence, pour écarter le jeu de la forclusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle ; 3°) que la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que l'action en annulation intentée par la société Gesimmo était postérieure de plus de cinq ans au premier enregistrement de la marque Gesimmo en 1988, a de plus fort violé l'article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel n'était pas tenue de se livrer à une recherche qui ne lui était pas demandée dans le cadre de l'action en annulation de marques ;
Et attendu, en second lieu, que la forclusion prévue à l'article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle supposant que le titulaire du droit antérieur ait, en connaissance de cause, toléré l'usage de la marque litigieuse, la cour d'appel a fait exacte application de ce texte en recherchant la date à laquelle la société Gesimmo avait acquis cette connaissance ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Gemofis et M. H font grief à l'arrêt d'avoir décidé que la société Gesimmo 3A avait commis des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Gesimmo, alors, selon le moyen : 1°) que la concurrence déloyale suppose d'abord l'existence d'une faute et que l'adoption d'une dénomination sociale après une recherche négative d'antériorités n'est pas fautive ; que dès lors, après avoir constaté que la société Gesimmo 3A n'avait découvert qu'en février 1998 l'existence de la société Gesimmo, la cour d'appel, qui s'est bornée à énoncer que la reprise de sa dénomination en 1985 générait un risque de confusion, sans rechercher si le résultat négatif de cette vérification opérée auprès de l'INPI n'ôtait pas tout caractère fautif à cette utilisation, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; 2°) que l'activité exercée dans les lieux où une dénomination sociale n'est pas connue ne saurait créer dans l'esprit du public un risque de confusion préjudiciable à la personne morale qu'elle désigne ; que la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles la société Gesimmo 3A exerce ses activités dans la région parisienne depuis plusieurs années, cherche à s'implanter dans la région marseillaise où la demanderesse travaille depuis 1985, d'où il résultait que les deux sociétés n'étaient pas en situation de concurrence sur la même zone et partant a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté par motifs adoptés que l'acquisition de la dénomination sociale Gesimmo par la société Gesimmo 3A n'avait été faite qu'après rupture des négociations avec la société Gesimmo, pour nuire volontairement à la demanderesse de façon déloyale, la cour d'appel a caractérisé une faute rendant inopérante la recherche prétendument omise ;
Et attendu, d'autre part, qu'en relevant par motifs adoptés que le responsable de la société Gesimmo 3A avait fait figurer Marseille sur ses cartes de visite, et que cette société avait publié dans le quotidien La Provence une annonce de recrutement d'un consultant à Aix-en-Provence, ainsi qu'une annonce de locaux à louer, la cour d'appel a caractérisé l'intervention concrète de la société Gesimmo 3A dans les lieux où la dénomination sociale de la société Gesimmo était connue; d'où il suit que moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.