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Décisions

Cass. com., 8 juillet 2003, n° 01-13.293

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Hasbro International Inc. (Sté), Hasbro France (SA)

Défendeur :

Impag France (SARL), Impag BV (Sté), Joué Club Express (SA), Maxi Toys France (SA), Picwick (SA), Société international de diffusion du jouet (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Garnier

Avocat général :

M. Viricelle

Avocats :

Me Blondel, SCP Thomas-Raquin, Benabent.

T. com. Saint-Etienne, du 8 févr. 2001

8 février 2001

LA COUR : Donne acte aux sociétés Hasbro international inc, Hasbro France, Impag toys Europe BV et Impag France de ce qu'elles se désistent de leur pourvoi en tant que formé contre les sociétés Joué Club express et Internationale de diffusion du jouet; Joint les pourvois n° V 01-13 293 et n° H 01-13 327 qui attaquent le même arrêt; - Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Hasbro international, titulaire d'un modèle déposé à l'Institut national de la propriété industrielle, le 14 avril 1997 sous le n° 97 1401 et publié le 25 juillet 1997, concernant trois jeux de sociétés, qui revendique en outre des droits d'auteur sur différents jeux, et sa filiale, la société Hasbro France qui commercialise en France ces différents jeux (sociétés Hasbro), ont, après saisies-contrefaçon, poursuivi judiciairement en contrefaçon de modèles, de droits d'auteur et en concurrence déloyale, les sociétés Impag toys Europe, Impag France (sociétés Impag) et divers distributeurs; que les sociétés Impag ont reconventionnellement conclu à la nullité des modèles déposés et à l'absence de droits d'auteur protégeables en France;

Sur le moyen unique du pourvoi n° H 01-13 327 formé par les sociétés Impag, pris en ses cinq branches: - Attendu que les sociétés Impag font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande en nullité des modèles déposés par la société Hasbro international, d'avoir accueilli la demande de cette société tendant à la protection de ses droits d'auteurs sur trois jeux de sociétés, et de les avoir condamnées in solidum avec d'autres sociétés au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen: 1°) que toute antériorité est de nature à détruire la nouveauté du dessin ou modèle déposé; d'où il suit qu'en se déterminant sur la seule constatation que les sociétés Impag ne faisaient pas la prouve qu'elles étaient les créateurs des modèles déposés, la cour d'appel ajoute à l'article L. 511-3 du Code de la propriété intellectuelle une condition qu'il ne comporte pas et ne se prononce pas par rapport à la condition de nouveauté; 2°) que en ne se prononçant pas sur le point pertinent de sa voir si d'autres antériorités dûment invoquées par les sociétés appelantes, antériorités autres que celles pouvant émaner des sociétés Impag n'étaient pas de nature à détruire la nouveauté du modèle déposé et enregistré sous le n° 97 1401, la cour d'appel ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 511-3 du Code de la propriété intellectuelle; 3°) que les sociétés Impag faisaient valoir dans leurs conclusions que les jeux litigieux "ne présentaient aucun caractère de nouveauté"; qu'elles "versent aux débats de nombreux catalogues élaborés par les sociétés concurrentes... tous ces jeux sont extrêmement similaires aux jeux revendiqués par le Groupe Hasbro"; que "de plus, ces jeux existent depuis très longtemps comme il sera démontré au paragraphe B. II ci-après"; qu'elle faisait encore valoir "qu'aucun des jeux n'a été créé parles sociétés du groupe Hasbro ainsi que le retrace M. Lhôte, auteur de nombreux ouvrages sur les jeux et de la note versée en pièce 38. Les jeux évoqués ne présentent pas le critère d'originalité requis pour protéger les ouvres plastiques"; qu'en n'examinant pas le litige sous l'angle de l'existence de nombreuses antériorités destructrices de nouveauté dûment invoquées, la cour d'appel ne satisfait pas aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; 4°) qu'en se bornant à affirmer de manière abstraite, sans aucun examen des jeux litigieux ni comparaison et sans constatation de fait pertinentes quant à ce, que "l'originalité réside dans l'agencement nouveau et la présentation nouvelle qui sont donnés aux jeux de conception ancienne et de principe courant", la cour d'appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l'article L. 511-2 du Code de la propriété intellectuelle, violé; 5°) que le bénéfice de la convention de Berne pour la protection des ouvres littéraires et artistiques du 24 juillet 1971, accordé à chaque ressortissant des Etats membres de l'Union impose la vérification de ce que le droit revendiqué par un étranger répond aux conditions de protection spécifiques de la loi française, c'est-à-dire les articles L. 112-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle; d'où il suit qu'en accordant à la société Hasbro international le bénéfice de l'article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle sur la base de la seule constatation qu'elle était protégée dans son pays au titre des droits d'auteur par le copyright, la cour d'appel a violé les articles 5 de la Convention de Berne, L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 12 du nouveau Code de la procédure civile;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte pas des conclusions des sociétés Impag que celles-ci aient opposé au modèle déposé par la société Hasbro international des antériorités précises, ayant date certaine, de nature à détruire la nouveauté de ce modèle; que la cour d'appel qui n'avait pas à répondre à des arguments non assortis d'offres de preuve, a pu statuer comme elle a fait, dès lors qu'aux termes de l'article L. 511-2 du Code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, le premier déposant dudit modèle est présumé jusqu'à preuve du contraire en être le créateur;

Attendu, en deuxième lieu, que c'est par une appréciation souveraine que la cour d'appel a estimé que l'originalité du modèle résidait dans l'agencement nouveau et la présentation nouvelle donnés à des jeux de conception ancienne et était donc protégeable au titre de la législation sur les modèles;

Attendu, enfin, qu'ayant relevé que le système américain de "copyright" dont bénéficiait la société Hasbro international protégeait ses droits d'auteur sur les ouvres qu'elle divulguait, c'est à bon droit que la cour d'appel, faisant application des dispositions de la convention de Berne, a constaté que cette société pouvait revendiquer en France la protection correspondante instituée par le Code de la propriété intellectuelle; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;

Et sur le premier moyen du pourvoi n° V 01-13 293, formé par les sociétés Hasbro, pris en ses deux branches: - Attendu que les sociétés Hasbro font grief à l'arrêt d'avoir dit que la contrefaçon des modèles déposés par la société Hasbro international ne permettait que l'allocation à cette société d'une indemnité en réparation de son préjudice moral et d'avoir rejeté la demande en réparation du préjudice commercial allégué par la société Hasbro France de ce chef, alors, selon le moyen: 1°) que le juge doit respecter le principe du contradictoire; que si les contrefacteurs contestaient la contrefaçon qui leur était reprochée, ils n'élevaient en revanche aucune discussion sur la qualité de la société Hasbro France pour poursuivre la réparation du préjudice commercial résultant pour elle des actes de contrefaçon; qu'en relevant, sans provoquer les observations des parties, que ces actes ne causeraient qu'un préjudice d'ordre moral au seul titulaire des droits de propriété intellectuelle et n'entraîneraient ainsi aucun préjudice commercial à la société Hasbro France, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile; 2°) que la contrefaçon constituant par définition une atteinte fautive au monopole d'exploitation du modèle qui s'analyse en toute hypothèse en la perte d'une chance de vendre le produit protégé et autorise non seulement le titulaire mais encore tout exploitant légitime à poursuivre la réparation de cette perte; que, dès lors que nul ne contestait la qualité d'exploitant légitime de la société Hasbro France, qui faisait valoir avoir été privée, sur les produits contrefaisants, au nombre d'au moins 80 000, des marges qu'elle réalise sur ses propres produits, la cour d'appel, qui, tout en retenant la contrefaçon, en a refusé toute réparation à cette société, a violé l'article 1382 du Code civil,

Mais attendu que c'est à bon droit, dès lors que la société Hasbro France n'était pas titulaire d'un droit privatif sur le modèle déposé, que la cour d'appel, qui n'a pas méconnu le principe de la contradiction, a rejeté la demande en indemnisation fondée par cette société sur la contrefaçon du modèle ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;

Mais sur le second moyen de ce pourvoi, pris en sa première branche: - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu, que pour rejeter les demandes formées par les sociétés Hasbro au titre de la concurrence déloyale, l'arrêt retient que le simple fait de copier la prestation d'autrui ne constitue pas en tant que tel un acte de concurrence déloyale fautif, qu'en l'absence de circonstance particulière dans la reproduction d'une prestation réalisant un acte de parasitisme, il est licite de fabriquer et de commercialiser des produits "imitants"; qu'il relève encore qu'en l'espèce, les sociétés Impag ne se sont pas livrées à des actes de parasitisme caractérisés et n'ont pas cherché à créer une confusion entre les différents produits, dans l'esprit de la clientèle;

Attendu, qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les sociétés Impag avait copié la prestation d'autrui, fabriqué des produits "imitants", et les avaient commercialisés à un prix nettement inférieur, ce dont il résultait qu'elles s'étaient placées dans le sillage des sociétés Hasbro et avaient profité de leurs investissements ainsi qu'allégué par ces sociétés, la cour d'appel a violé le texte susvisé;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs: Casse et annule, mais en ses seules dispositions ayant rejeté les demandes en concurrence déloyale formée par la société Hasbro international et Hasbro France, l'arrêt rendu le 26 avril 2001, entre les parties, par la Cour d'appel de Lyon; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Riom.