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Décisions

Cass. crim., 4 février 1998, n° 97-80.232

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roman (faisant fonctions)

Rapporteur :

M. Blondet

Avocat général :

M. Amiel

Avocats :

Me Vuitton, SCP Ryziger, Bouzidi

TGI Arras, du 9 janv. 1996

9 janvier 1996

LA COUR: - Statuant sur les pourvois formés par A Christophe, contre l'arrêt de la Cour de Douai, 6e chambre, du 15 octobre 1996, qui, pour infraction à la législation sur le démarchage, l'a condamné à 10 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils; - Vu les mémoires produits en demande et en défense; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-21 du Code de la consommation, 121-23 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christophe A coupable de remise d'un contrat ne comportant pas la faculté de renonciation et d'obtention d'une contrepartie ou d'un engagement immédiat lors d'un démarchage à domicile, en répression l'a condamné à une amende de 10 000 francs et a statué sur les intérêts civils;

" aux motifs que: - sur l'élément matériel: est notamment soumis aux dispositions de la loi du 22 décembre 1972 modifiée par la loi du 23 juin 1989, depuis article L. 121-21 et suivants du Code de la consommation, quiconque pratique le démarchage au domicile d'une personne physique, même à sa demande, afin de lui proposer la fourniture de services; dès lors le caractère spontané de la visite du démarcheur n'est pas une condition d'application de la loi; il importe donc peu que le généalogiste ait " pré-révélé " la succession du cousin de la plaignante ou que le service offert ne puisse l'être qu'à une personne déterminée; de même l'activité du généalogiste ne peut être assimilée à une prestation de services liée à une vente de produits de la production personnelle du démarcheur et effectuée immédiatement ce qui l'exclurait du champ d'application de la loi; en effet, non seulement - comme l'a retenu le tribunal - le généalogiste avait déjà effectué des recherches, mais il s'obligeait à effectuer - pour l'avenir - diverses formalités (Cf. cote D 2); soumis aux dispositions de la loi de 1972, le contrat devait comporter un formulaire de renonciation et ne pouvait fixer la part d'honoraires; il est constant que le contrat ne remplissait pas ces conditions de forme; - sur l'élément intentionnel: la cour tire de ce que le contrat a été faussement déclaré établi à Paris, le 9 décembre 1991, la preuve que le prévenu avait conscience de ne pas respecter les dispositions d'ordre public de la loi;

" alors, d'une part, que, au moment de la révélation de la succession, le généalogiste a effectué l'essentiel de sa prestation; qu'il s'en déduit que cette activité n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 121-21 du Code de la consommation, fondement des poursuites; qu'en décidant, néanmoins, que de par son activité Christophe A était soumis aux obligations découlant de l'article précité, la cour a violé par fausse application le texte susvisé;

" alors, d'autre part, que la cour ne pouvait, sans s'expliquer plus avant, déduire l'existence de l'élément intentionnel du délit du seul fait que le contrat litigieux avait été faussement déclaré établi à Paris le 9 décembre 1991, dès lors que la partie civile avait accepté de telles mentions; qu'en déclarant caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction, la cour a violé les articles visés au moyen ";

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1372 à 1375 du Code civil, L. 121-21 du Code de la consommation, 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christophe A coupable de remise d'un contrat ne comportant pas la faculté de renonciation et d'obtention d'une contrepartie, ou d'un engagement immédiat lors d'une contrepartie ou d'un engagement immédiat lors d'un démarchage à domicile, en répression l'a condamné à une amende de 10 000 francs et a statué sur les intérêts civils;

" aux motifs que: - sur l'élément matériel: est notamment soumis aux dispositions de la loi du 22 décembre 1972 modifiée par la loi du 23 juin 1989, depuis article L. 121-21 et suivants du Code de la consommation, quiconque pratique le démarchage au domicile d'une personne physique, même à sa demande, afin de lui proposer la fourniture de services; dès lors le caractère spontané de la visite du démarcheur n'est pas une condition d'application de la loi; il importe donc peu que le généalogiste ait " pré-révélé " la succession du cousin de la plaignante ou que le service offert ne puisse l'être qu'à une personne déterminée; de même l'activité du généalogiste ne peut être assimilée à une prestation de services liée à une vente de produits de la production personnelle du démarcheur et effectuée immédiatement ce qui l'exclurait du champ d'application de la loi; en effet, non seulement - comme l'a retenu le tribunal - le généalogiste avait déjà effectué des recherches, mais il s'obligeait à effectuer - pour l'avenir - diverses formalités (Cf. cote D 2); soumis aux dispositions de la loi de 1972, le contrat devait comporter un formulaire de renonciation et ne pouvait fixer la part d'honoraires; il est constant que le contrat ne remplissait pas ces conditions de forme; - sur l'élément intentionnel: la cour tire de ce que le contrat a été faussement déclaré établi à Paris, le 9 décembre 1991, la preuve que le prévenu avait conscience de ne pas respecter les dispositions d'ordre public de la loi;

" alors qu'il appartient aux juges saisis de requalifier les faits et actes objet de la prévention; qu'en l'espèce, seules les règles relatives à la gestion d'affaires telles que définies par les article 1372 à 1375 du Code civil étaient applicables, la partie civile ne contestant pas que le généalogiste lui avait rendu service par sa prestation essentielle caractérisée en la recherche d'une succession à son bénéfice; que, dès lors, la Cour, qui a omis de requalifier le contrat qui lui était soumis conformément aux règles de droit civil, avant que de se prononcer sur la culpabilité, a violé les textes visés au moyen ";

Les moyens étant réunis; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 10 décembre 1991, Christophe A, généalogiste à Paris, s'est rendu au domicile de Jeanine Delavacque, épouse Delahaye, à Arras, pour lui proposer de conclure un contrat de révélation de succession moyennant un pourcentage sur le montant de celle-ci; que Jeanine Delahaye, après avoir accepté et signé la convention, a aussitôt appris du généalogiste sa qualité de cohéritière dans la succession d'un cousin germain; que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 décembre 1991, elle a informé le généalogiste qu'elle renonçait à son engagement, dont celui-ci a cependant poursuivi l'exécution par la voie civile;

Attendu que, Jeanine Delahaye s'étant constituée partie civile, Christophe A a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir, d'une part, démarché cette héritière sans lui remettre un contrat conforme aux prescriptions des articles L. 121-3 et L. 121-24 du Code de la consommation relatives à l'exercice de la faculté de renonciation, et, d'autre part, exigé d'elle, directement ou indirectement, avant l'expiration du délai de réflexion prévu à l'article L. 121-25 dudit Code, l'engagement de lui verser une partie des sommes qu'elle devait percevoir dans la succession révélée, délits prévus et punis par l'article L. 121-28 du Code de la consommation;

Attendu que, pour infirmer la décision de relaxe des premiers juges et déclarer le prévenu coupable, l'arrêt attaqué énonce que la double circonstance qu'il ait exécuté des travaux révélant la succession avant d'opérer le démarchage, et que le service offert ne le soit qu'à une personne déterminée, ne fait pas échapper le généalogiste aux obligations résultant de la législation sur le démarchage à domicile ; Qu'ils en déduisent que " le contrat devait porter un formulaire de renonciation et ne pouvait fixer la part d'honoraires "; Que, pour caractériser l'élément intentionnel des infractions, ils énoncent que le fait que le contrat ait été faussement daté de Paris le 9 décembre 1991, établit que le prévenu avait conscience de ne pas respecter les dispositions d'ordre public de la loi;

Attendu qu'en l'état de ces motifs exempts d'insuffisance et de contradiction et répondant aux articulations essentielles des conclusions dont elle était saisie, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de préciser la nature des engagements des parties, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués; d'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.