CA Paris, 8e ch. D, 5 mai 1998, n° 97-00293
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Dion
Défendeur :
Turnani
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gadel
Conseillers :
M. Thery, Mme Bonnan-Garçon
Avoués :
SCP Goirand, SCP Regnier-Bequet
Avocats :
Mes Tartour, Rolland, Thavard.
Franca Zucchiatti épouse Dion, exerçant sous l'enseigne "Etablissements Europur" une activité de vente d'adoucisseurs d'eau et d'appareils anti-tartre électroniques, a loué un emplacement au centre commercial "Belle Epine" à Thiers pour la période du 5 au 24 février 1996.
Le 20 février 1996, elle a vendu à Maurice Turnani un appareil anti-tartre électronique pour le prix de 14 800F que celui-ci devait lui régler le 15 avril suivant.
Par lettre recommandée du 23 février 1996 avec accusé de réception, signé le lendemain, Maurice Turnani a annulé la commande. Il a déposé l'appareil qu'il avait acheté dans les locaux des établissements Europur à Presles.
Le 29 février suivant, Madame Dion lui a répondu qu'elle refusait d'annuler la commande.
Le 24 juin 1996, il a formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le Président du Tribunal d'instance de Corbeil-Essonnes le 9 mai 1996 à la requête de Madame Dion et qui lui avait été signifiée le 23 mai suivant.
Par jugement du 25 octobre 1996, le tribunal a déclaré nulle la vente litigieuse et a rejeté les demandes de la " Société Europur " (en réalité de Madame Dion) tendant à la condamnation de Turnani au paiement du prix et d'une indemnité procédurale de 2 500 F.
Le 29 novembre 1996, Madame Dion a relevé appel de ce jugement.
Elle demande à la cour de condamner Turnani à lui payer les sommes de 14 800 F avec les intérêts au taux légal à compter du 15 avril 1996 et de 7 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle soutient que tant en droit qu'en fait la vente litigieuse n'est pas intervenue à la suite d'un démarchage et que Turnani ne bénéficiait donc pas de la faculté de rétractation prévue par l'article L. 121-25 du Code de la consommation.
L'intimé conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelante à lui payer une indemnité procédurale de 5 000 F.
Il soutient ceci: le premier juge a considéré à bon droit que la vente litigieuse s'assimilait à une opération de démarchage dont il était fondé à demander l'annulation, le bon de commande ne prévoyant pas la faculté de rétractation dans le délai de sept jours prévu par l'article L. 121-23-7 du Code de la consommation; par ailleurs, le stand était une structure légère, installé pour la journée sur le lieu de passage obligé des consommateurs et lorsqu'il s'est rendu au supermarché sans aucune intention d'acheter un appareil anti-tartre électronique, il a été interpellé par les vendeurs des établissements Europur.
Sur ce, LA COUR,
Considérant que les dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation sur le démarchage supposent, pour s'appliquer notamment à une vente, qu'elle ait lieu, même à la demande de l'acheteur, à son domicile, à sa résidence ou à son lieu de travail ou " dans des lieux non destinés à la commercialisation du bien... et notamment (s'il s'agit de) l'organisation par un commerçant... de réunion ou d'excursions afin de réaliser "... la vente;
Considérant que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque les ventes, effectuées par Madame Dion, avaient lieu dans un stand implanté pour vingt jours au centre d'une allée de la galerie commerciale d'un supermarché et donc dans un lieu destiné à la commercialisation des biens;
Considérant que Turnani n'établit pas non plus et ne l'a pas allégué dans sa lettre d'annulation de la commande qu'il ait cédé aux arguments fallacieux du vendeur qu'il l'aurait interpellé alors qu'il n'avait, en réalité, nullement l'intention d'acheter un appareil anti-tartre électronique;
Considérant, en conséquence, que la vente litigieuse est devenue parfaite le 20 février 1996 par l'accord des parties sur la chose et sur le prix et que la faculté de rétractation dans le délai de sept jours n'était pas ouverte à Turnani;
Qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris et de faire droit à la demande principale de l'appelante; que celle-ci devra, après paiement par Turnani du prix, majoré des intérêts au taux légal, mettre à sa disposition dans son établissement ou le lui livrer, s'il le demande, l'appareil anti-tartre électronique qu'il a acheté ou un appareil de même type qu'en effet le contrat de vente, constaté par le bon de commande, signé par les parties, prévoyait la livraison du bien par le vendeur;
Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à Madame Dion la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement; Déclare l'appel recevable; Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau; Condamne Maurice Turnani à payer à Franca Zucchiatti épouse Dion la somme de 14 800F avec les intérêts au taux légal à compter du 23 mai 1996, date de la signification de l'ordonnance d'injonction de payer; Dit qu'elle devra dans les conditions précisées ci-dessus mettre à sa disposition ou lui livrer l'appareil anti-tartre électronique qu'il a acheté; Déboute Madame Dion de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne Turnani aux dépens de première instance et d'appel; Autorise la SCP Goirand, avoués associés, à recouvrer directement ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.