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Décisions

Cass. crim., 26 mai 1993, n° 92-85.285

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Souppe (faisant fonction)

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Robert

Avocats :

SCP Gauzès, Ghestin.

TGI Paris, 31e ch., du 23 mars 1989

23 mars 1989

LA COUR : - Vu le mémoire produit ; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 177, 187 et 192 du Traité instituant la Communauté économique européenne, 1351 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrice D coupable d'infraction à la législation sur le démarchage des consommateurs à domicile et l'a condamné à la peine d'1 an d'emprisonnement avec sursis et 15 000 F d'amende et à divers dommages-intérêts envers les parties civiles ;

" aux motifs que la Cour de justice des Communautés européennes, dans son arrêt du 14 mars 1991, a apporté aux questions soulevées, les réponses suivantes :

" QUESTION N° 1 :

" Le commerçant démarché en vue de la conclusion d'un contrat de publicité relatif à la vente de son fonds de commerce, ne doit pas être considéré comme un consommateur protégé par la directive n° 85-577-CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux.

" QUESTION N° 2 :

" La directive ne s'oppose pas à ce qu'une législation nationale sur le démarchage étende la protection qu'elle établit à des commerçants, lorsque ceux-ci accomplissent des actes en vue de la vente de leur fonds de commerce.

" qu'aux termes du dispositif susmentionné de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 14 mars 1991, nulle incompatibilité n'existe, dans le domaine de la protection des consommateurs démarchés à domicile ou au lieu de travail, entre la directive communautaire alléguée et la loi française du 22 décembre 1972, fondement de la poursuite ; qu'en conséquence, la Cour examinera le mérite des poursuites engagées contre Patrice D au regard des dispositions de la loi française du 22 décembre 1972 et recherchera si les prestations servies par la société G (Groupement national de diffusion immobilière industrielle et commerciale), objet des poursuites, peuvent bénéficier des dispositions de l'article 8-I-e de ladite loi prévoyant que ne sont pas soumises aux articles 1 à 5 de la loi " les prestations de service lorsqu'elles sont proposées pour les besoins d'une exploitation agricole, industrielle et commerciale ou d'une activité professionnelle " ; que l'activité de démarchage exercée par la société G auprès des commerçants et visant à leur faire souscrire un contrat de publicité relatif à la vente de leur fonds de commerce, ne peut être considérée comme se rattachant aux besoins normaux d'une exploitation commerciale, dès lors que les prestations offertes tendent à mettre un terme à l'activité professionnelle des personnes démarchées ; qu'il résulte que Patrice D est mal fondé à soutenir que son activité n'est pas soumise aux exigences imposées par la loi du 22 décembre 1972 concernant le délai de réflexion de 7 jours et l'utilisation de contrats conformes à l'article 2 de la loi ; qu'en enfreignant délibérément les prescriptions légales, Patrice D s'est rendu coupable des infractions visées à la prévention ; que la déclaration de culpabilité sera confirmée ;

" 1° alors que les arrêts rendus par la Cour de justice des Communautés européennes sont revêtus de l'autorité de la chose jugée dans l'instance qui a suscité le renvoi préjudiciel ; que, statuant sur renvoi préjudiciel ordonné par la Cour de Paris, la Cour de justice des Communautés européennes a, par arrêt du 14 mars 1991, décidé que le commerçant démarché en vue de la conclusion d'un contrat de publicité relatif à la vente de son fonds de commerce ne doit pas être considéré comme un consommateur protégé au sens de la directive n° 85-577- CEE du Conseil du 20 décembre 1985 ; que, dans les motifs éclairant la portée du dispositif de sa décision, la Cour de justice des Communautés européennes a clairement décidé que, même lorsqu'il effectuait un acte en vue de la vente de son fonds de commerce, le commerçant agissait en toute connaissance de cause, pour les besoins de son activité professionnelle ; qu'en estimant néanmoins que l'activité du demandeur auprès des commerçants, tendant à leur faire souscrire des contrats de publicité en vue de la vente de leurs fonds de commerce, ne peut être considérée comme se rattachant à l'activité commerciale de ces derniers, la cour d'appel a violé l'autorité absolue de la chose jugée par l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, méconnaissant par là même les textes susvisés ;

" 2° alors que, si, pour répondre à la deuxième question qui lui était posée, la Cour de justice des Communautés européennes, dans son arrêt du 14 mars 1991, a estimé que la directive précitée ne s'opposait pas à ce qu'une législation nationale étende à des commerçants, lorsque ceux-ci accomplissent des actes en vue de la vente de leur fonds de commerce, la protection accordée aux consommateurs, elle n'a pas admis que ces actes ne se rattachaient pas aux besoins normaux de leur exploitation commerciale, au sens de l'article 8-I-e de la loi française du 22 décembre 1972 ; qu'en estimant le contraire, la Cour de Paris a derechef violé l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, méconnaissant les textes susvisés " ;

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 177, 187 et 192 du Traité instituant la Communauté économique européenne, 2 de la directive n° 85-577-CEE du Conseil du 20 décembre 1985, 8-I-e de la loi du 22 décembre 1972 ensemble l'adage nullum crimen nulla pena sine lege et les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrice D coupable d'infraction à la législation sur le démarchage des consommateurs à domicile et l'a condamné à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis et 15 000 F d'amende et à divers dommages-intérêts envers les parties civiles ;

" aux motifs que la Cour de justice des Communautés européennes, dans son arrêt du 14 mars 1991 a apporté aux questions soulevées, les réponses suivantes :

" QUESTION N° 1 :

" Le commerçant démarché en vue de la conclusion d'un contrat de publicité relatif à la vente de son fonds de commerce, ne doit pas être considéré comme un consommateur protégé par la directive n° 85-577-CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux.

" QUESTION N° 2 :

" La directive ne s'oppose pas à ce qu'une législation nationale sur le démarchage étende la protection qu'elle établit à des commerçants, lorsque ceux-ci accomplissent des actes en vue de la vente de leur fonds de commerce.

" qu'aux termes du dispositif susmentionné de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 14 mars 1991, nulle incompatibilité n'existe, dans le domaine de la protection des consommateurs démarchés à domicile ou au lieu de travail, entre la directive communautaire alléguée et la loi française du 22 décembre 1972, fondement de la poursuite ; qu'en conséquence, la Cour examinera le mérite des poursuites engagées contre Patrice D au regard des dispositions de la loi française du 22 décembre 1972 et recherchera si les prestations servies par la société G (Groupement national de diffusion immobilière industrielle et commerciale), objet des poursuites, peuvent bénéficier des dispositions de l'article 8-I-e de ladite loi prévoyant que ne sont pas soumises aux articles 1 à 5 de la loi " les prestations de service lorsqu'elles sont proposées pour les besoins d'une exploitation agricole, industrielle et commerciale ou d'une activité professionnelle " ; que l'activité de démarchage exercée par la société G auprès des commerçants et visant à leur faire souscrire un contrat de publicité relatif à la vente de leur fonds de commerce, ne peut être considérée comme se rattachant aux besoins normaux d'une exploitation commerciale, dès lors que les prestations offertes tendent à mettre un terme à l'activité professionnelle des personnes démarchées ; qu'il résulte que Patrice D est mal fondé à soutenir que son activité n'est pas soumise aux exigences imposées par la loi du 22 décembre 1972 concernant le délai de réflexion de 7 jours et l'utilisation de contrats conformes à l'article 2 de la loi ; qu'en enfreignant délibérément les prescriptions légales, Patrice D s'est rendu coupable des infractions visées à la prévention ; que la déclaration de culpabilité sera confirmée ;

" 1° alors que, dans son arrêt rendu le 14 mars 1991, la Cour de justice des Communautés européennes a clairement décidé que le commerçant démarché en vue de la conclusion d'un contrat de publicité relatif à la vente de son fonds de commerce ne doit pas être considéré comme un consommateur mais au contraire comme un professionnel, agissant dans le cadre de son activité commerciale ; que l'article 8-I-e de la loi du 22 décembre 1972 dispose que ne sont pas soumis aux articles 1 à 5 de cette loi les activités de démarchage lorsqu'elles ont pour objet des prestations de service en rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation commerciale ; qu'en estimant néanmoins que le demandeur aurait enfreint les articles 1 à 5 de la loi du 22 décembre 1972, au motif que le démarchage d'un commerçant pour effectuer un acte en vue de la vente de son fonds de commerce ne pouvait être considéré comme se rattachant aux besoins normaux d'une activité commerciale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" 2° alors que, la loi pénale est d'interprétation stricte et qu'il ne saurait y avoir d'infraction ni de peine sans texte ; que l'activité de Patrice D s'exerçant dans le cadre de l'activité commerciale des commerçants démarchés, le demandeur est soumis aux dispositions de l'article 8-I-e de la loi du 22 décembre 1972 ; qu'en estimant que ce texte ne pouvait pas s'appliquer à l'activité du demandeur, au motif que les actes faits par des commerçants en vue de la vente de leur fonds de commerce ne se rattachaient pas à l'exploitation commerciale normale, la cour d'appel a violé les principes susvisés " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que pour déclarer Patrice D coupable d'infractions aux dispositions de la loi du 22 décembre 1972, la cour d'appel, après avoir relevé que la directive n° 85-577-CEE du Conseil ne s'oppose pas à ce qu'une législation nationale étende la protection qu'elle établit à des commerçants, lorsque ceux-ci accomplissent des actes en vue de la vente de leur fonds de commerce, énonce que le contrat de publicité proposé par démarchage au domicile des commerçants victimes, relatif à la vente de leur fonds de commerce, ne se rattache pas aux besoins normaux de l'exploitation commerciale ;

Attendu qu'en l'état de ses motifs, la cour d'appel, sans méconnaître la portée de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, du 14 mars 1991, a fait l'exacte application de l'article 8-I-e de la loi du 22 décembre 1972, dans sa rédaction applicable à la cause ;

Qu'en effet, les contrats de publicité pour la vente d'un fonds de commerce ne sont pas compris dans les exceptions prévues par ce texte qui ne vise que les prestations de services proposées pour les besoins d'une exploitation ou d'une activité professionnelle ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.