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Décisions

Cass. crim., 16 juin 1993, n° 92-84.422

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Union fédérale des consommateurs de l'Isère

Défendeur :

Constantinoff

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Monestié

Avocats :

SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin.

T. corr. Grenoble, du 1er juill. 1991.

1 juillet 1991

LA COUR : - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1 à 8 de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 réglementant le démarchage à domicile, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu du chef d'infraction à la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 ;

" aux motifs, en premier lieu, que les lois étaient d'interprétation stricte et que l'article 1er de la loi du 22 décembre 1972, tel qu'il résultait de la loi du 23 juin 1989, ne visait pas le cas du démarcheur se proposant de louer un bien ;

" et aux motifs, en second lieu, que le contrat de louage d'emplacement privé était réglementé par des dispositions législatives particulières et que l'article 39 de la loi du 29 décembre 1979 ne prévoyait aucun délai en faveur de la personne démarchée ;

" alors que, d'une part, aux termes de l'article 1er de la loi du 22 décembre 1972 dans sa rédaction issue de la loi du 23 juin 1989, le démarchage est caractérisé lorsqu'il est effectué au domicile d'une personne, dans le but de lui proposer soit la vente ou l'achat, la location-vente ou la location avec option d'achat d'un bien, soit la fourniture d'une prestation de services ; que le preneur professionnel qui se présente au domicile d'un propriétaire pour lui offrir le louage d'une partie de son bien afin d'y apposer de la publicité réalise un démarchage en vue d'une prestation de services ; que la cour d'appel ne pouvait donc refuser d'appliquer la loi à cette opération ;

" alors que, d'autre part, aux termes de l'article 8 de la loi du 22 décembre 1972, seules les activités pour lesquelles le démarchage fait l'objet d'une réglementation particulière ne sont pas soumises aux dispositions de cette loi ; que si l'article 39 de la loi du 29 décembre 1979 réglemente le contenu du contrat de louage d'emplacement aux fins de publicité, aucun texte spécifique n'organise le démarchage à domicile de telles opérations ; que la cour d'appel ne pouvait donc déclarer qu'il existait des dispositions législatives particulières au sens de l'article 8 de la loi du 22 décembre 1972 " ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que le démarchage au domicile du propriétaire pour lui proposer de donner à bail un emplacement afin d'y apposer un panneau publicitaire constitue un démarchage en vue de la location d'un bien visé par l'article 1er de la loi du 22 décembre 1972 ; qu'un tel démarchage ne fait l'objet d'aucune réglementation par un texte législatif particulier, au sens de l'article 8-1 de cette loi ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, sur la proposition d'un représentant de la société Publis-Route qui lui a rendu visite à son domicile, Gustave Daviet a consenti à celle-ci la location d'un emplacement publicitaire sur son terrain ; qu'à la suite de la plainte du bailleur, Michel Constantinoff, gérant de la société, a été poursuivi pour infraction à la loi du 22 décembre 1972 sur le démarchage à domicile ;

Attendu que pour relaxer le prévenu et débouter de ses demandes l'association de consommateurs, constituée partie civile, la cour d'appel énonce que l'article 1er de cette loi ne vise pas le cas du démarcheur qui se propose de louer un bien ; qu'elle ajoute que le contrat de louage d'un emplacement pour apposer de la publicité est réglementé ; qu'elle en déduit que la loi du 22 décembre 1972 n'est pas applicable à la cause ;

Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte, et alors que l'article 39 de la loi du 29 décembre 1979, s'il régit le contrat de louage d'emplacement privé aux fins d'apposer de la publicité, ne réglemente pas le démarchage en vue de la signature de tels contrats, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ; d'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs : Casse et annule, mais sur la seule action civile, l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble, en date du 1er juillet 1992, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans la limite de la cassation prononcée : Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Chambéry.