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Décisions

CA Paris, 1re ch. A, 5 avril 1993, n° 92-018480

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Europe 1 Communications SAM (Sté), SNC Europe 2 (Sté)

Défendeur :

NRJ (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Canivet

Conseillers :

M. Bargue, Mme Panthou-Renard

Avoués :

SCP Bernabe Ricard, Me Nut

Avocats :

Mes Klein, Bensard.

TGI Paris, 1re ch., 1re sect., du 24 jui…

24 juin 1992

LA COUR est saisie de l'appel formé par les sociétés Europe 1 et Europe 2 contre un jugement du Tribunal de grande instance de Paris qui les a déboutées de leur action dirigée contre la société NRJ en réparation du préjudice qui leur aurait été causé par la publication dans la presse d'une publicité trompeuse.

Référence faite au jugement dont appel pour l'exposé des faits, de la procédure initiale et des motifs retenus par les premiers juges, il suffit de rappeler les éléments suivants nécessaires à la solution du litige :

La société NRJ, diffuseur radiophonique sur réseau hertzien en modulation de fréquence, a fait publier dans les numéros des 12, 14 et 19 février 1992 du Figaro une publicité sous le titre " Le Groupe NRJ est désolé de prendre la tête à (sic) ses concurrents d'Île-de-France ".

Cette publicité s'appuyait sur des données chiffrées d'écoute de stations de radio en Île-de-France recueillies par enquêtes de la société Médiamétrie.

Aux termes de ces données NRJ était classée en quatrième position après RTL, Europe 1, et France-Inter, et était suivie, notamment et dans cet ordre, par Chérie-FM, France-Info et Europe 2.

En revanche, la publicité litigieuse qui portait la mention " classement des 7 premières stations FM commerciales ", présentait NRJ en tête des parts d'audience pour l'Île-de-France, sans qu'il soit fait mention des trois stations RTL, Europe 1 et France-Inter. La société Europe 2 se trouvait classée, conformément aux résultats publiés par Médiamétrie, en troisième position après NRJ et Chérie FM, mais avant Rire et Chansons, Sky Rock, RF et Fun-Radio.

Le jugement entrepris a débouté les sociétés Europe 1 et Europe 2 de toutes leurs demandes, ne considérant fondés ni le caractère trompeur de cette publicité ni son caractère illicite sur le plan comparatif invoqués par les demandeurs.

Les sociétés appelantes concluent à l'infirmation de cette décision et demandent à la cour :

De dire que la publicité litigieuse est une publicité trompeuse au sens de l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973 et qu'elle est faite en violation de l'article 10 de la loi du 18 janvier 1992 relative à la publicité comparative.

De faire interdiction à la société NRJ de diffuser toute publicité sous la même forme ou provoquant les mêmes effets, sous astreinte de 100 000 F par infraction constatée.

D'ordonner la publication de la décision de la cour dans cinq journaux au choix des appelantes dont le Figaro.

De condamner NRJ à payer la somme de 500 000 F à titre de dommages-intérêts.

Par conclusions déposée le 1er mars, jour de l'audience, les sociétés appelantes demandent la révocation de l'ordonnance ayant fixé la clôture au 22 février 1992 afin de produire un jugement rendu le 9 février par le Tribunal de commerce de Paris statuant en matière de publicité trompeuse à l'égard de Europe 2.

La société NRJ, s'opposant à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture, sollicite la confirmation pure et simple du jugement déféré.

Enfin chacune des parties demande l'application des dispositions de l'article 700 du NCPC à son profit.

Sur ce, LA COUR,

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture :

Considérant que le jugement du Tribunal de commerce dont la production est demandée est étranger à la procédure en cours et n'est invoqué qu'en tant que précédent jurisprudentiel ; qu'il n'y a donc pas lieu d'ordonner une réouverture des débats pour la production de cette décision de justice prononcée publiquement ; que l'intimée n'en ayant cependant pas eu connaissance en raison de son prononcé récent, les appelantes renoncent explicitement à l'audience à invoquer ladite décision ;

Sur le caractère trompeur de la publicité à l'égard d'Europe 1 :

Considérant que Europe 1 fait valoir que, étant classée en seconde position des audiences d'écoute aux termes du sondage de Médiamétrie, NRJ qui n'était classée que quatrième selon le même sondage, ne pouvait, sans commettre une publicité mensongère, présenter son groupe comme étant en tête de ses concurrents en Île-de-France ;

Considérant que les premiers juges sont critiqués d'avoir relevé que la publicité orchestrée par NRJ était floue et que l'enquête de Médiamétrie n'était pas fidèlement reproduite sans tirer de leurs propres énonciations la conclusion que la publicité était trompeuse ;

Considérant que le sondage, servant de base à la publicité litigieuse, ne distinguait pas selon que les sociétés de radio diffusaient exclusivement en modulation de fréquence (cas des stations du groupe NRJ) ou de façon cumulative en modulation de fréquence et en grandes ondes (cas de RTL, Europe 1 et France-Inter) ;

Mais considérant que la précision apportée par la publicité incriminée que le classement concernait les " sept premières stations FM commerciales " est suffisamment explicite pour que le défaut de précision qu'il s'agissait de stations émettant " exclusivement " en FM constitue une inexactitude ayant pour objet ou pour effet d'induire en erreur le public et les annonceurs ;

Considérant qu'en effet le jugement relève avec pertinence que les trois stations RTL, Europe 1 et France-Inter, n'apparaissant pas dans la publicité, il faudrait supposer que leur audience est inférieure à la dernière des sept stations citées c'est-à-dire Fun Radio, disposant de seulement 2,7 % de parts d'audience ;

Considérant que la notoriété nationale de ces trois stations connues pour leurs émissions en grandes ondes comme en FM, est telle que ni les auditeurs ni a fortiori les annonceurs professionnels de la publicité ne peuvent être induits en erreur par l'encart publicitaire critiqué ;

Considérant, enfin que Europe 1 n'apporte pas la preuve que son taux d'audience sur la seule bande FM serait supérieur à celui du groupe NRJ ou même à celui de la seule station NRJ ;

Considérant que le caractère trompeur de la publicité invoqué par Europe 1 n'est donc pas établi ;

Sur le caractère illicite de la publicité comparative à l'égard d'Europe 2 :

Considérant que le classement d'Europe 2 en troisième place à la suite des stations NRJ et Chérie FM et avant Rire et Chansons appartenant également au groupe NRJ, est conforme au classement résultant de l'enquête Médiamétrie sous la réserve de ce qui vient d'être dit ;

Considérant que l'appelante rappelle à juste titre que la publicité comparative doit être loyale, véridique et ne peut porter que sur des caractéristiques essentielles, significatives et véritables pour des services de même nature ;

Considérant qu'à cet égard l'objet de la comparaison est homogène puisque les stations choisies par NRJ pour figurer dans son encart publicitaire entrent toutes dans la catégorie définie par Médiamétrie des programmes musicaux nationaux ;que les stations choisies par NRJ émettent toutes en modulation de fréquence à l'exclusion des grandes ondes ;

Considérant qu'il résulte en outre des conclusions de l'intimé et des pièces du dossier que Europe 2 a fait paraître dans le quotidien le Monde du 14 mai 1992 un encart publicitaire qui se fonde sur un sondage émanant du même enquêteur Médiamétrie ; que cette publicité opère une comparaison des écoutes respectives notamment d'Europe 2 et d'NRJ ;

Considérant que la société appelante ne saurait raisonnablement mettre en doute dans ses écritures la fiabilité de la source et des résultats d'enquête utilisés par NRJ dès lors qu'elle fonde sa propre publicité sur des enquêtes ayant la même source ;

Considérant qu'Europe 2 n'est pas davantage fondée à critiquer la pertinence des critères de choix des stations de radio termes de la publicité comparative, opéré par NRJ et tiré de l'enquête Médiamétrie, dès lors qu'elle retient elle-même NRJ à titre de comparaison dans ses propres publicités ;

Considérant qu'il en résulte que le moyen pris par l'appelante du fait que NRJ aurait tiré avantage de la notoriété attachée au nom d'Europe 2 est dépourvu de portée dans la mesure où la cour constate que les stations de radio concernées recourent à des publicités dans lesquelles elles se comparent mutuellement à tour de rôle ;

Considérant qu'Europe 2 fait enfin grief à NRJ de ne pas avoir respecté la disposition de l'article 10 de la loi du 18 janvier 1992 qui impose à l'annonceur de communiquer, avant toute diffusion, sa publicité trompeuse comparative aux professionnels visés ;

Mais considérant que d'une part Europe 2 n'établit pas avoir subi un préjudice spécifique résultant du défaut avéré de cette formalité, la publicité comparative étant, par ailleurs, reconnue licite sur le fond ; que d'autre part le texte précité ne prévoit pas de sanction civile propre au défaut d'accomplissement de ladite formalité ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Déclare les sociétés Europe 1 et Europe 2 mal fondées en leur appel ; les déboute de toutes leurs demandes ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne les sociétés Europe 1 et Europe 2 aux dépens d'appel qui seront recouvrés directement par la SCP Bernabe Ricard, Avoués conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.