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Décisions

Ministre de l’Économie, 10 janvier 2003, n° ECOC0300221Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseil de la société Syntegra SA

Ministre de l’Économie n° ECOC0300221Y

10 janvier 2003

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Maître,

Par dossier déclaré complet le 16 décembre 2002, le projet de prise de contrôle de la société KPMG Consulting France BV (ci-après " KCF ") par la société Syntegra SA (ci-après " Syntegra ") a été notifié.

I. - LES PARTIES ET L'OPÉRATION

KCF est une société de droit néerlandais, contrôlée par la société KPMG International Investment BV. KCF est présente dans le secteur des nouvelles technologies de l'information et de la communication (ci-après " NTIC "), où elle exerce principalement une activité de conseil. Son chiffre d'affaires a atteint, lors du dernier exercice clos, 25,79 millions d'euros, dont 22 millions ont été réalisés en France.

Syntegra SA est une société anonyme de droit français, filiale du groupe Syntegra, lui même contrôlé par le groupe British Telecommunications (ci-après " groupe BT "). Le groupe Syntegra fait partie des 30 premières sociétés de services et d'ingénierie informatique (SSII) européennes et est principalement active dans les domaines de l'intégration de systèmes et de l'expertise technologique. Le groupe Syntegra est présent en France, à travers sa filiale Syntegra SA, mais également au Royaume-Uni, en Hollande, en Belgique, en Allemagne, aux Etats-Unis et en Asie du Sud-Est. Le groupe BT est également un groupe multinational, principalement actif dans le secteur des services de télécommunications. Sur le plan mondial, le groupe BT a réalisé, lors du dernier exercice clos, un chiffre d'affaires de 30 milliards d'euros. Les activités menées par les différentes filiales du groupe BT en France (hébergement et développement de sites Internet, télédiffusion, centres d'appels téléphoniques, etc.) ont permis de réaliser, sur le dernier exercice clos, un chiffre d'affaires d'environ [>15] millions d'euros, dont [...] millions ont été réalisés par Syntegra SA.

Aux termes du protocole d'accord signé le 26 novembre 2002, la société KPMG Investment BV s'est engagée à céder à la société Syntegra SA 100 % du capital de la société KCF. À ce titre, l'opération constitue une concentration au sens de l'article L. 420-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires précités, cette opération n'est pas de dimension communautaire mais relève du contrôle national des concentrations et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du même Code.

II. - LES MARCHÉS CONCERNÉS

Les activités des parties à la présente opération peuvent être rattachées d'une part à l'activité de conseil en matière de NTIC pour ce qui concerne KCF et, d'autre part, à l'activité de développement et d'intégration de systèmes (gestion de projets informatiques complexes faisant communiquer des applications, des réseaux et des équipements hétérogènes au sein des entreprises) s'agissant de Syntegra.

Selon la partie notifiante, le marché concerné par la présente opération comprend l'ensemble des services liés à l'informatique et aux NTIC. Elle se fonde notamment sur la forte substituabilité existant du côté de l'offre et sur l'évolution rapide du secteur qui tend, de plus en plus, à offrir des services intégrés.

Dans sa pratique décisionnelle, la Commission européenne a relevé à plusieurs reprises que le marché global des services informatiques et des NTIC pouvait être divisé en sept catégories d'activités distinctes (cf. note 1) : la maintenance de systèmes (" hardware "), la maintenance de logiciels (" software "), le conseil en NTIC, l'activité de développement et d'intégration, le processus de gestion et de transaction en NTIC, les services de management en NTIC et la formation.

La Commission a relevé également que d'autres délimitations de marchés des services informatiques et des NTIC pouvaient être retenues en fonction de la taille ou de l'activité de la clientèle. Elle a précisé toutefois que les frontières entre ces activités tendaient à devenir de plus en plus floues en raison de la demande croissante d'un service global de la part des utilisateurs, ainsi que du degré élevé de substituabilité de l'offre, favorisée par l'évolution rapide des technologies (cf. note 2). Dans chacune de ces décisions, la question d'une définition étroite des marchés a néanmoins toujours été laissée ouverte.

En l'espèce, il n'apparaît pas non plus nécessaire de définir avec plus de précision les marchés de produits concernés dans la mesure où, quelle que soit la définition retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

S'agissant de la dimension géographique du ou des marchés concernés, la Commission européenne a observé dans les différentes affaires précitées que, si l'on peut constater une forte tendance à l'internationalisation des services informatiques et des NTIC, il reste que la capacité à fournir des services adaptés aux particularités locales de gestion et aux particularités culturelles demeure un élément important pour la clientèle dans son choix d'un prestataire de services.

Au cas d'espèce, dans la mesure où KCF réalise plus de 85 % de son activité en France, le chevauchement des activités des parties concerne essentiellement le territoire français. Il n'apparaît donc pas non plus nécessaire de trancher la question de la délimitation géographique du ou des marchés concernés dès lors que, même sur la base de la délimitation la plus étroite du marché géographique, l'opération ne conduit pas à la création ou au renforcement d'une position dominante.

III. - L'ANALYSE CONCURRENTIELLE

Si l'on considère que le marché concerné est le marché global des services informatiques et des NTIC, la partie notifiante estime que le montant des ventes s'est élevé, en France et en 2001, à 21 milliards d'euros. Sur ce total, la part cumulée des ventes de Syntegra et de KCF représente moins de [0-10] %.

Si l'on devait considérer plusieurs marchés distincts en fonction des catégories de services relevées par la Commission européenne, il conviendrait de constater que l'opération ne donnerait lieu qu'à une très faible addition de parts de marché sur le marché du conseil. Selon une étude fournie par la partie notifiante, le montant en valeur des prestations de conseil en informatique et en NTIC ne serait pas supérieur à 4 milliards d'euros. Dès lors, le chiffre d'affaires réalisé par le nouvel ensemble dans cette activité de conseil ne dépasserait pas [0- 10] % du marché.

Enfin, si l'on devait envisager une segmentation du marché en fonction de la clientèle, le principal chevauchement des activités des parties se situerait sur les services offerts à l'industrie, dans la mesure où KCF réalise plus de [60-70] % de son chiffre d'affaires dans ce secteur et Syntegra [20-30] %. Le montant total des services informatiques et NTIC offerts au secteur de l'industrie en France peut être estimé à 5 milliards d'euros. Compte tenu de ce chiffre, il apparaît cette fois encore que la part cumulée des services offerts par KCF et Syntegra représente moins de [0-10] % de ce montant.

Dès lors, compte tenu de ces différents éléments, il apparaît que l'opération n'emporte pas de risque de porter atteinte à la concurrence, quelle que soit la définition du marché retenue.

Aux termes du protocole d'accord notifié, le vendeur s'interdit notamment, pendant une période de trois ans, de s'engager dans une quelconque activité pouvant entrer en concurrence avec l'activité de KCF, de solliciter toute personne physique ou morale qui est ou a été client de KCF au cours de l'année précédant la réalisation définitive de l'opération, d'inciter tout fournisseur de KCF à cesser ou à restreindre ses prestations à cette dernière ou encore de solliciter des employés actuels de KCF. De manière générale, la Commission européenne considère que de telles clauses peuvent être justifiées pour des périodes n'excédant pas deux à trois ans (cf. note 3).

Un contrat de sous-licence a également été conclu, aux termes duquel KPMG SA octroie à KCF " une sous-licence exclusive et incessible portant sur les noms commerciaux et la marque communautaire, à l'exclusion de tout élément graphique, "KPMG Consulting France" pour une période de trois mois à compter de la réalisation définitive de l'Opération, et "KPMG Consulting France (désormais membre du groupe Syntegra)" pour une période de douze mois à compter de la réalisation définitive de l'Opération ", cette sous-licence étant octroyée uniquement pour la France métropolitaine et uniquement pour les services de conseil.

Enfin, le vendeur s'engage à fournir ou à faire fournir les prestations de services informatiques et techniques nécessaires au basculement vers le système d'information utilisé par Syntegra SA.

Selon les parties, ces accords ont pour objectif de permettre à l'acquéreur de jouir de la valeur totale de l'activité acquise. Ces accords entrent en conformité avec les principes généraux de la communication de la Commission relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration en matière d'accords de licences et de contrats de services (2). La présente décision est toutefois sans préjudice d'un examen éventuel des effets de ces accords au titre de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

En conclusion, compte tenu des éléments ci-dessus exposés, l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les différents marchés concernés. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maître, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Nota. - A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché remplacée par une fourchette.

Ces informations relèvent du " secret d'affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

(2) Communication précitée, points 23 et 31.

NOTE (S) :

(1) Décisions M. 2478, IBM Italia/Business Solutions/JV, du 29 juin 2001, M. 2609, HP/Compaq, du 31 janvier 2002.

(2) Décision M.2906, IBM/PwC Consulting, du 23 septembre 2002.

(3) Communication de la Commission relative aux restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation des opérations de concentration du 4 juillet 2001 (2001-C 188-03), point 15.