Cass. com., 24 juin 1986, n° 84-15.058
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Crehalet Foliot Robert et Partners (SA)
Défendeur :
Arrivé (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudouin
Rapporteur :
M. Cordier
Avocat général :
M. Montanier
Avocats :
SCP Urtin-Petit, Rousseau-Van Troeyen, SCP Guiguet, Bachelier, Potier de la Varde.
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 25 avril 1984), que, chargée par la société Arrive de la recherche, de la mise au point et de l'exécution d'une gamme d'emballages destinés à la commercialisation de produits alimentaires pour animaux domestiques, la société Créhalet Foliot Robert et Partners (la société CFRP), conseil en publicité, a proposé un conditionnement comportant un élément graphique à titre de signe distinctif ; que, ce conditionnement ayant été utilisé pour le lancement des produits, une société concurrente a fait valoir qu'elle était propriétaire d'une marque comportant un graphisme similaire sous laquelle elle commercialisait ses produits ; que la société Arrive, qui a dû de ce fait renoncer à utiliser l'emballage réalisé par la société CFRP, a refusé de régler à celle-ci les sommes qu'elle restait lui devoir pour les fournitures faites ; que, déboutée de sa demande en paiement de ces sommes, la société CFRP a été reconventionnellement condamnée à rembourser les factures réglées par la société Arrive, à l'indemniser pour les emballages non utilisés et à lui verser des dommages-intérêts pour trouble commercial ;
Attendu que la société CFRP fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le pourvoi, d'une part, que la responsabilité d'un conseil en publicité ne peut être mise en jeu que si, méconnaissant l'obligation de prudence et de diligence qui lui incombe, celui-ci a négligé de procéder aux vérifications préalables à l'exploitation de la mesure de publicité demandée ; qu'en retenant à l'inverse qu'un conseil en publicité était de ce chef tenu d'une obligation de résultat, à l'égard de ses clients, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil, alors, d'autre part, qu'en se refusant à rechercher en quoi, malgré la circonstance que la société CFRP eût procédé à des recherches d'antériorité auprès de l'Institut national de la propriété industrielle, celle-ci avait néanmoins manqué à son obligation de prudence et de diligence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, alors, en outre, que la responsabilité de la société CFRP à l'égard de la société Arrive supposait que le graphisme réalisé par elle constituât une imitation de celui utilisé par la société tierce et de nature à tromper l'acheteur ; que la cour d'appel ne justifie nullement sa décision sur ce point, la privant par là même de base légale au regard des articles 1er de la loi du 31 décembre 1964, 422-1-1° du Code pénal et 1147 du Code civil et alors, enfin, qu'il résultait des propres énonciations de l'arrêt que la société Arrive n'avait nullement justifié de la réalité du trouble commercial par elle allégué ; qu'en faisant néanmoins droit à sa demande sur ce point, sans tirer de ses propres constatations les conséquences qui en résultaient nécessairement, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale et violé l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que, si une agence de publicité ne peut être tenue, en ce qui concerne le succès d'une campagne publicitaire, que d'apporter à celle-ci tous les soins visés à l'article 1137 du Code civil, en revanche, c'est à bon droit que la Cour d'appel a énoncé que la société CFRP était tenue de s'assurer préalablement que le graphisme proposé pourrait être exploité sans risque d'entraîner des poursuites pénales ou une action civile en dommages-intérêts pour contrefaçon ;qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a constaté la confusion pouvant résulter dans l'esprit de la clientèle de l'usage du graphisme de la société tierce, a pu retenir que la société CFRP avait manqué à ses obligations contractuelles ;
Attendu, en second lieu, que n'ayant pas dénié l'existence du trouble commercial allégué par la société Arrive, mais seulement constaté que celle-ci ne justifiait pas le montant auquel elle le chiffrait, c'est sans encourir le grief du moyen que la cour d'appel en a fixé l'importance par l'évaluation qu'elle en a faite ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi.